Mayara prône une coopération régionale et internationale "efficace" face aux défis de la migration et du dérèglement climatique Activité Parleme    Rabat abrite la 3ème édition du Cycle de formation spécialisée pour les observateurs électoraux de l'UA    Fruits et légumes, prix, informel, cadre juridique : l'avis du CC    Un 1er Mai pas comme les autres !    Téléphonie mobile : près de 56 millions d'abonnés en 2023    Pressions sur les prix des boissons dans les cafés: Le CC en action    GE Vernova injecte 10,2 millions de dollars dans le projet Xlinks    L'exposition internationale d'importation de Chine « CIIE » se prépare pour la septième session au milieu d'une participation intense des entreprises internationales    Startup: Pourquoi n'y a-t-il pas de licornes au Maroc?    FAR : Un exercice du JFCNP tenu au Maroc    Demi-finale Coupe de la CAF/USMA-RSB: Le TAS rejette la première demande algérienne    Eliminatoires Mondial féminin U17: Maroc-Algérie: le match aller aura lieu… à Berkane    Football: Ronaldo cède le club brésilien de Cruzeiro pour 117 millions de dollars    Espagne : Vicente del Bosque nommé à la tête de la commission supervisant la FREF    Vers un retour de Hakim Ziyech à l'Ajax Amsterdam    Fortes pluies parfois orageuses mercredi dans certaines provinces    Le Maroc et l'Espagne déterminés à renforcer leur coopération dans le domaine de la recherche scientifique    Lixus : des spectacles thématiques mettent en lumière la richesse du ce site archéologique    Marché monétaire (19-25 avril) : l'intervention de BAM en baisse de près de 3 MMDH    Défense: Le Maroc et l'OTAN se concertent à Rabat    Les améliorations de revenus depuis le lancement du dialogue social ont bénéficié à 4,25 millions de personnes    Les réformes conduites par SM le Roi font du Royaume un modèle dans la région    Sahara-CIA files #4 : Face au rapprochement entre Hassan II et Kadhafi, l'Algérie a impliqué l'Iran    La Premier League veut mettre en place un plafond de dépenses    Transition politique au Sénégal : pas de rupture, de la continuité éclairée    Présidentielle US: Trump devance Biden dans sept Etats-clés    La DGSN ne cesse de mobiliser toutes ses capacités pour protéger le patrimoine forestier    GE Vernova invests $10.2 million in Xlinks' Morocco-UK power cable project    Algeria announces the death of the Arab Maghreb Union    Morocco rescues 81 migrants off Dakhla    France: nouveau record de détenus dans les prisons    Brexit: Début des contrôles physiques sur les importations de marchandises de l'UE vers le Royaume-Uni    SIEL 2024 : «Ecrire le Maroc, raconter le Monde», la programmation éclectique du CCME    Les auteurs de la chanson de rap «Kobi Atay» condamnés à deux ans chacun    A « L'Atelier 21 » de Casablanca, Najia Mehadji nous livre son combat pour la femme et contre la guerre    Emploi : Que risquent vraiment les « liveurs » depuis leur lieu de travail ?    Botola : L'AS FAR répond à la plainte du Raja Casablanca    Revue de presse de ce mardi 29 avril 2024    Inetum Poursuit sa Croissance au Maroc avec de Nouvelles Initiatives    La Marine Royale porte assistance à 81 migrants irréguliers au large de Dakhla    Economie sociale et solidaire : vers la création de 50 000 emplois par an    Aïd al-Adha: 3 millions de têtes d'ovins prêtes à l'abattage    Sekkouri: La Fête du Travail cette année aura une nouvelle saveur    Pedro Sanchez décide finalement de rester au pouvoir après avoir pensé à démissionner    Festival de Cannes: La réalisatrice Asmae El Moudir membre du jury "Un certain regard"    CV, c'est vous ! EP-68. Hind Bourmad, neuropsychologue qui adore le travail associatif    Cannes 2024 : La réalisatrice Marocaine Asmae El Moudir membre du jury "Un Certain Regard"    Gérard Depardieu placé en garde à vue pour agressions sexuelles    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le cinéma post-apocalyptique de Hicham Lasri
Publié dans Albayane le 29 - 01 - 2016

Prélude en guise de pré-générique : dans une séquence du film, La sociologie est un sport de combat, documentaire de Pierre Carles consacré à Pierre Bourdieu, on voit celui-ci recevoir un courrier de J.L. Godard ; l'éminent intellectuel ouvre l'enveloppe et découvre un document qui est un collage à partir de photogrammes du film de Godard, Histoire(s) du cinéma; le sociologue regarde puis dit : «je ne comprends rien... je ne suis pas poète». Il finit par remettre les feuillets dans l'enveloppe et le journaliste lui demande : «ça reste un dialogue de sourd alors ?». Bourdieu acquiesce : «mais dès l'origine»; il sourit et regarde la caméra : «Ah...pauvre Bourdieu !»...
L'année 2015 fut une année faste pour le cinéaste marocain Hicham Lasri : deux longs métrages, The sea is behind et Starve your dog et deux autres en chantier. Les deux premiers ont eu et continuent à avoir une riche carrière internationale...Toronto, Dubaï et le cinéaste sera bientôt à Berlin pour présenter Starve your dog. Les films confirment une tendance et affinent un mode de production qui est une véritable économie politique du cinéma. Un dispositif cinématographique (il faudra préciser davantage le concept de « dispositif ») global qui ne manque pas d'interpeller non seulement tout projet de lecture/critique mais l'ensemble du discours sur le cinéma, ici et maintenant. Lasri impose un rythme de production et une démarche d'expression qui constituent un véritable contre-champ aux pratiques dominantes dans le champ du cinéma. Il bouscule l'horizon d'attente du récepteur nonobstant le cadre de cette réception (cinéphilique, commerciale, journalistique...). Chaque réception de son film est une entreprise hors norme...à l'image des films eux-mêmes. Voici des fragments d'un projet de lecture, une bande annonce de l'article futur ; des postulats sur une piste...
Postulat un : Je pose comme postulat, à mes risques et périls, que le cinéma de Lasri est un cinéma surréaliste : je me réfère pour couverture à la citation de l'un des pères du surréalisme André Breton quand il dit : « je crois à la résolution future de ces deux états à l'apparence si contradictoire, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut dire ». Une manière de placer un repère sur la voie d'une filiation (Buñuel). Le surréalisme étant par ailleurs une forme –exacerbée- du naturalisme. Celui-ci étant défini comme « le réel vu par les hommes ». Quelque part le cinéma de Lasri (déjà quatre longs métrages et un autre collectif) est une variante du naturalisme qui transcende le réalisme du mélodrame qui fait l'essentiel du cinéma marocain. Absence de tout psychologisme ; démarche qui met au jour le fond noir, morcelé, violent, obsédant du monde pulsionnel de ses personnages : le cinéma de Lasri est deleuzien. Le réel chez lui est sans cesse « décadré » - voir l'ouverture de The sea is behind- car envahi par le monde souterrain des instincts et des pulsions qui hantent les personnages. Un cinéma post-réalisme qui vient pallier à la saturation du sens par le storytelling et les multiples expressions de la réalité amplifiées par la prolifération des écrans. Comment faire (encore) du cinéma à l'ère du YouTube et dailymotion ?
The sea is behind et Starve your dog nous proposent un autre contrat de réception et un autre régime des images. Là où la signification n'est jamais assignée à résidence, mettant le confort du spectateur du samedi soir en déroute ; un cinéma de la monstruosité : celle-ci étant l'écart qui se nourrit de l'inédit, de l'excès, du grotesque, du terrifiant et de l'insolite : le retour de 404 dans C'est eux les chiens ; l'appareil dentaire de Daoud ; la scène de zoophilie dans The sea is behind ; la fille de Driss et le jeune au visage difforme dans Starve your dog.
Postulat deux : Fin du réalisme. Fin de tout un monde. C'est un cinéma post-apocalyptique. Les personnages et leur univers sont des survivants qui évoluent dans des ruines ; ils font suite à une catastrophe. Déjà son premier long métrage offre un indice : The end, la fin de quelque chose. Je formule alors mon second postulat : C'est eux les chiens, the sea is behind, Starve your dog sont issus de la séquence ultime de The end celle qui fait suite à l'annonce de la mort de Hassan 2 et le dépouillement du cadavre de Pitbull. Les personnages de trois films qui vont suivre sont inscrits dans le programme de cette séquence de clôture, apocalyptique. Une figure d'origine littéraire africaine mais investie par le cinéma (Roméro) offre une entrée d'une possible lecture des personnages de Lasri ; la figure du zombie. 404, c'est pratiquement un mort qui revient (un revenant) hanter les vivants (juin 81/ février 2011). La mort traverse the sea is behind : « Larbi » le cheval qui tire le récit est déclaré cliniquement mort par la vétérinaire. Daoud est réduit à un cadavre ambulant ; Tarik semble nous parler d'outre-tombe (l'image des menottes en ouverture), son horizon est hanté par la catastrophe des Twin Towers...Dans Starve your dog la séquence d'ouverture est sous le signe de l'apocalypse ; le discours de la vielle dame est apocalyptique. Driss , le visible qui renvoie à l'invisible basri, est la réincarnation d'une figure qui hante l'horizon politique et médiatique du pays.
La figure du zombie permet à Lasri de mettre en place une logique (je n'ose pas parler d'une dramaturgie ; son scénario est adramatique) de l'errance (404), de la déchéance (Daoud ; Driss). Une métaphore d'une société rescapée d'un drame, animée de sujets traumatisée (l'équipe de télévision).
Le zombie est en outre une logique d'écriture filmique qui induit une logique de l'espace. Le zombie ordonne une organisation spatiale particulière qui neutralise toute velléité référentielle. Si dans C'est eux les chiens, l'espace offre une certaine homogénéité, dans the sea is behind et Strave your dog nous sommes dans un espace péri-urbain, fragmenté, hétérogène. Ce sont des espaces de transit, des espaces de circulation sans ancrage. Les trois films proposent un discours sur l'espace où nous dégageons quelques tendances : fragmentation ; ghettoïsation (C'est eux les chiens, The se ais behind), disparition de l'espace public (voir la place Lhmam envahie par des figures de l'étrangeté).
Postulat 3. Les films de Hicham Lasri sont des films politiques. Ils traitent de parias, d'exclus réduits à la condition animale. La politique présente non comme déclaration d'intention mais comme parabole à travers le discours silencieux des corps, des formes et des espaces ; c'est une réécriture des images : la violence du réel passe chez lui par la violence de la représentation de la violence physique et symbolique qui caractérise les rapports sociaux. Une esthétique qui revendique la marge et la périphérie. Il est temps alors de lui poser une question éminemment politique : quelle légitimité pour un cinéma de la périphérie dans un contexte de cinéma sans centre. Pour que la périphérie ait un sens, il faut qu'il y ait un centre qui lui donne sa raison d'être. La légitimité d'un cinéma relève également du degré de son inscription dans une sociabilité. La révolution du mode de production reste amputée sans un mode adéquat de distribution.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.