Qualifier la grâce royale, au profit de 190 détenus, d'événement historique ne procède aucunement d'une quelconque inflation linguistique. Elle consacre cette première sortie du Conseil National des Droits de l'homme (CNDH), usant de ses nouvelles prérogatives. Comment lire, cependant, cet événement d'envergure dans le processus de consécration des acquis du Maroc en matière des droits humains ? Il y a évidemment plusieurs indicateurs et plusieurs niveaux de lecture. Un : c'est d'abord le signe d'une réconciliation nationale, comme l'a souligné le président du CNDH dans une déclaration à la presse. C'est un geste qui se situe en droite ligne de la dynamique de réconciliation inaugurée par l'IER, qui fut en son temps une véritable révolution et une rupture positive dans le cheminement de la construction de l'Etat de droit au Maroc. Deux : cette grâce intervient dans une conjoncture nationale d'une extrême importance. Après le discours royal du 9 mars 2011, tous les acteurs de la société politique et de la société civile ont fait montre d'une grande disponibilité, chacun selon sa sensibilité, à participer à ce grand ouvrage de concertation autour du futur projet de Constitution. Un projet qui devra permettre au pays de se mettre sur les rails d'un changement profond de ses modes de gouvernance politique, économique et social. Le projet structurant de régionalisation avancée, en cours de validation et de concertation, n'est pas exogène à cette dynamique d'ensemble. Trois : les deux responsables à la tête du CNDH Driss EL Yazami et Mohamed Sebbar ont, depuis leur nomination, tenu à affirmer la nécessaire indépendance de cette institution. Ils ont également affirmé que le CNDH devra œuvrer, en harmonie avec tous les autres acteurs institutionnels et associatifs, conformément aux nouvelles prérogatives du Conseil. L'itinéraire militant des deux hommes n'est pas étranger aussi à cette nouvelle démarche qui a pu trancher avec l'image du CCDH, confiné qu'il était dans son rôle d'institution purement consultative. Quatre : Les personnes graciées appartiennent à des groupes différents. Nous avons les leaders de partis islamistes présumés impliqués dans le réseau Bellirej, les 14 islamistes salafistes, qui ont, à maintes reprises, exprimé leur repentir, dont Ahmed Fizazi et Abdelkrim Chadli, le groupe Tamek ainsi que des détenus de droit commun. Cela signifie que la démarche du CNDH et la décision de SM le ROI ont surtout visé l'instauration d'une forme de détente sociale et la réhabilitation du climat de confiance nécessaire à l'entreprise de réformes que le pays est en passe de vivre durant cette phase. C'est tout le sens que l'on peut donner à cette initiative, alors que le Maroc vibre au rythme des chantiers d'édification de structures d'un Etat des institutions où la loi règne sans partage et où les droits des citoyens et leur dignité sont préservés et garantis.