Service militaire : le 40e contingent a prêté serment    CAN : Quand la classe l'emporte sur une propagande haineuse !    Révision annuelle : dépôt des inscriptions sur les listes électorales professionnelles jusqu'au 31 décembre    Diplomatie maroco-égyptienne : Ce que révèle la nouvelle concertation entre Nasser Bourita et Badr Abdelatty    DAMANE CASH : accélération de la croissance et expansion dans les paiements digitaux    Maroc-Chine : Nouvelles routes de la soie, le pari marocain qui porte ses fruits    Pluies de fin décembre : Plus de 400 Mm3 supplémentaires dans les barrages en quatre jours    La Bourse de Casablanca termine en grise mine    Pilier social de l'ESG : quand la RSE devient un enjeu de compétitivité pour les sociétés cotées    Aéronautique au Maroc : de la consolidation à la montée en gamme    Climat des affaires: le Maroc, deuxième en Afrique (Rapport de la Banque mondiale)    Lutte antiterroriste : les réseaux criminels investissent le champ des cryptomonnaies    GIABA : Burkina Faso, Mali et Niger membres hors-CEDEAO    La Thaïlande accuse le Cambodge d'avoir violé le cessez-le-feu    Israël reconnaît le Somaliland, une décision qui ravive les équilibres régionaux    Donald Trump se félicite d'un appel téléphonique « très productif » avec Vladimir Poutine    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : agenda du lundi 29 décembre    CAN Maroc-2025 : Achraf Hakimi va jouer contre la Zambie    Ligue 1: Zakaria Aboukhlal s'apprête à rejoindre Nantes sous prêt    Températures prévues pour mardi 30 décembre 2025    Sang et dérivés : comment la Loi de finances 2026 allège l'urgence médicale    Université Mohammed V : Pour la création de passerelles universitaires entre les écoles d'ingénierie et la faculté de médecine et de pharmacie    Indonésie : un incendie dans une maison de retraite fait 16 morts    Mouhamadou Youssifou : "Le Maroc a placé la barre très haut"    Marché informel des pièces d'occasion : Des dizaines de garages et fournisseurs dans le viseur du fisc    CAN 2025 : le programme des matchs du lundi 29 décembre    CAN 2025 : Les Lions de l'Atlas sereins avant d'affronter la Zambie    Globe Soccer Awards 2025 : Dembélé au sommet, le PSG et le Barça à l'honneur    CAN 2025 : Le Gabon éliminé dès la J2    Présidentielle : 6,8 millions de guinéens ont voté    Ouahbi face aux avocats : Après une trêve fragile, la discorde ! [INTEGRAL]    Italie : Des tags sur les murs d'une église liés aux ultras d'Agadir    La Corée du Nord teste des missiles de croisière de longue portée    Ghana. Le visa électronique prévu pour 2026    Italia: Pintadas en los muros de una iglesia vinculadas a los ultras de Agadir    CAN 2025: Los Leones del Atlas tranquilos antes de enfrentarse a Zambia    Marruecos: Detención de un narcotraficante condenado en Amberes    MTYM 2025 : En parallèle à la CAN au Maroc, les jeunes champions marocains pour la recherche en mathématiques en conclave à Al Akhawayn University    Vernissage de l'exposition nationale «60 ans de peinture au Maroc» le 6 janvier 2026    L'exposition «Mohammed Ben Allal : Récits du quotidien» célèbre la mémoire populaire de Marrakech    Essaouira et les Provinces du sud unissent leurs mémoires pour la nouvelle génération    La "Bûche de la Fraternité" rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    Interview avec Rabiaa Harrak : « Face aux fléaux climatiques, une coopération internationale s'impose pour protéger notre patrimoine culturel »    MAGAZINE : Chris Rea, la guitare perd son slide    En crise avec la Somalie, le Maroc ne condamne pas la reconnaissance par Israël du Somaliland    L'icône du cinéma français, Brigitte Bardot, n'est plus    UPF : la Conférence Inaugurale animée par un "Nobel de l'architecture"    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dora Maar: Une beauté qui en avait dans l'œil
Publié dans Albayane le 23 - 07 - 2019

Ce ne fut guère d'une évidence claire à l'époque. Les années trente du siècle dernier où les folies se sont déchaînées, après les cruautés insupportables d'une première guère qui a brûlé tous les espoirs en l'homme. Il fallait vivre, vite et en beauté.
De préférence dans la création. J'ai mesuré toute l'ampleur d'un tel constat en flânant, le regard subjugué, dans l'œuvre de Dora Maar, née Markovitch, croate du côté père, que Paris a rendu célèbre en lui offrant une âme d'artiste. Elle l'avait en s'y épanouissant, c'est certain, mais seule cette cité lumineuse pouvait le faire valoir. Car elle contenait tout ce qui comptait de grand, de talentueux, de révolutionnaire, en art et en écriture. Elle va tous les côtoyer, de près. C'est-à-dire en créant comme eux, avec eux, mais à part, même lorsqu'elle collaborait avec certains. La marque particulière est indélébile comme une montagne culminant au milieu d'un paysage.
J'en ai pris conscience lors de l'exposition que lui consacre le centre Beaubourg à Paris, ces jours-ci. J'avais dans la tête les péripéties de ses liaisons avec Picasso. Ce pluriel est employé à dessein. Pour lui, elle était modèle d'abord. Nul étonnement, elle était belle, mais d'une beauté énigmatique et suggestive. Poser donne de la dimension à l'œuvre. Entre deux séances photos.
Car Dora est une artiste photographe, car elle l'a beaucoup capté en images, portraits et poses sur la plage, dans un climat bon enfant, et aussi dans l'atelier. On en sort imprégné par ce temps vif, bruni, collant, communiqué par la durée conférée à un petit album photos en miniature ou presque. Ce sont-là des marques passion/travail, et Picasso ne s'embarrassera pas, dans un deuxième temps, pour la solliciter afin qu'elle lui apprenne des procédés photo à fonctionnaliser sur une toile. Pour la solliciter pour se documenter pour son œuvre majeure qu'est Guernica.
Lui, il l'a peinte dans ce tableau célèbre qui porte son nom : un portrait composé tout en géométrie fort coloré, un chapeau à fleurs sur la tête. Elle fera de même, le peint à son tour, en couleur, rond et façonné par le sentiment plus que par le pinceau. N'est-ce pas là un dialogue par œuvres interposées. On sent l'art de la transgression de l'instant d'amour et ses tracas possibles, son bonheur éphémère, relégué pour l'éternité via l'œuvre immortelle que j'ai admiré.
Or Dora, en suivant mon périple, l'œil accroché aux murs chargés de ses créations, me paraît d'une indépendance extraordinaire. Photographe de mode pour les magazines des années trente, elle «volait» les sourires aux visages, mais aussi aux corps de femmes. Femme devant des femmes, le résultat est d'une neutralité certes quelque peu dérangeante, habitués que nous sommes à ne voir ses femmes qu'à travers le zoom masculin, mais nous enseignant que saisir la beauté féminine c'est saisir tout simplement la beauté. À condition d'avoir assez de sensibilité dans le regard et dans la main.
Et Dora la possédait, lui était attachée, une seconde nature, oserais-je dire. Pour preuves, la première, les photos qui immortalisent Paul Eluard, Nunsh Eluard, André Breton, Giacometti… c'est-a-dire les poètes, et surtout les poètes surréalistes. Elle sera de l'aventure des explorateurs des rêves, de l'inconscient, de la mémoire. Elle apportera ses innovations techniques dans le domaine de la photo qui n'a jamais était un produit statique, mais porte ouverte vers justement tout ce qui suscite l'énigmatique en l'homme et en son existence. Des photos composées, un travail de prospection à la matière captée, perte volontaire de logique, de géométrie, de perspective, voilà son atout et qui a fait le bonheur des surréalistes.
Mais Dora n'appartient à personne ni à aucun courant. La voilà, dans une autre salle, qui fait du reportage militant, toujours en ces années d'avant la guerre. À Barcelone et à Londres. Elle donne à voir la misère d'un monde qui va péricliter, des photos/vérités où l'humain l'emporte sur la simple dénonciation d'une réalité, tant l'exécution des photos obéit au désir de saisir ce qui est digne dans les postures, même les plus tristes.
Artiste photographe elle était, elle ne restera pas longtemps confiné entre la chambre noire et les prises un partout, ailleurs comme en elle-même.. Alors, elle va peindre. Dimension autre d'un talent multiple. Normal à force d'être au milieu des peintres et des poètes. Ses carnets de croquis exposés le montrent bien : le trait noir sûr, l'échafaudage des tableaux à venir. Paysages tout d'abord, d'une sobriété saisissante, dans les tons automnaux. Puis des natures mortes : son intimité proche. Le lit de sa chambre à coucher, un verre, un bocal, affaires de toilettes, l'objet personnel subjectivisé.
Donner à l'inertie de ce qui là, à la portée de la main, une existence. Puis, il y a tous ces tableaux abstraits où les couleurs plutôt ombrées sont célébrées à l'intérieur d'une géométrie de formes qui dénote une fougue révélatrice d'un don digne des grands artistes. Et elle était grande par l'émotion que dégage son travail, qu'on sent comme des mouvements de communion avec le monde. Ce monde qu'elle va abandonner dans son côté de lieu de création pour se consacrer à la vie minimum: vivre tout simplement, pendant de longues années, loin du tumulte du temps.
Néanmoins elle va continuer à créer en secret, comme pour elle-même, sans souci d'autrui, comme si la gloire est derrière elle. Pourtant, elle a entamé un travail de grande innovation : travailler à même la matière photo, la rendre matière d'investigation plastique. Elle en avait marre d'être considérée comme photographe du surréalisme.
Elle était une artiste. Au même pied d'égalité que les autres artistes qui l'ont côtoyée, elle.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.