Baitas : le bilan du gouvernement après quatre ans est solide    200 MMDHS d'investissements validés en 2024 : l'AMDIE dresse son bilan    Meurtre de Charlie Kirk : la police diffuse des photos d'un suspect et lance un appel à témoins    Auxerre : Le Marocain Oussama El Azzouzi absent un mois pour blessure    Mazraoui : entre foi, adaptation à Man United et rêve de CAN avec le Maroc    Botola: L'élite du football marocain s'élance avec des ambitions diverses    Bourita appelle à une refonte profonde du Partenariat Euro-Méditerranéen    Maroc : Plus de 9 800 sit-in en soutien à Gaza    Une plateforme nationale de l'intelligence artificielle responsable verra le jour    SUV coupé électrique - DS n°8, l'expérience premium à la française    La Délégation interministérielle aux droits de l'Homme change de tutelle    Un homme armé blesse un policier à Salé et périt lors de son interpellation    Marruecos: HRW pide anular la condena de Ibtissame Lachgar    The student hoping to be the first Moroccan in space wants to help astronauts eat healthy    Ministère de la culture : Bientôt une loi pour lutter contre le faux et les fraudes en matière artistique    Le Conseil des droits de l'Homme alerté sur les exactions et la misère dans les camps de Tindouf    Nasser Bourita : « Les déclarations sur l'occupation de Gaza et la déportation des Palestiniens sont dangereuses, inacceptables et doivent être traitées avec fermeté »    Maroc–Union européenne : Vers un aggiornamento des relations euro-méditerranéennes    Une exposition à Washington met en lumière les identités artistiques marocaines et arabes    Salon du Cheval d'El Jadida: Les préparatifs s'intensifient pour la 16 édition    Prépa Mondial (F) Futsal 25 : nouvelle défaite des Lionnes face à l'Italie    FIFA : Dates dévoilées pour la Coupe des Confédérations des Clubs 2025    11 septembre, 7 octobre, 10 septembre    Le Qatar veut que Netanyahu soit "traduit en justice"    Sami Romdhane : "La stratégie numérique 2030 est une feuille de route vivante et évolutive"    Concours d'accès aux ISPITS : le ministère de la Santé rassure sur l'égalité des chances    Santé : L'île Maurice digitalise ses servives    Errance et mendicité : Un fléau qui gagne les villes marocaines    Températures prévues pour le vendredi 12 septembre 2025    Pouvoir d'achat : croissance fragile, inégalités aggravées    Tanzanie. L'intelligence artificielle s'invite dans les urnes    Lancement de la 2e édition de la Fête du Cinéma    Jorf Lasfar : Le projet AYA, 480 MDH pour l'industrialisation et la souveraineté alimentaire    Services marchands non financiers : 41% des patrons anticipent une hausse de l'activité    Tourisme, Artisanat… Le Maroc met en avant ses atouts en Chine    Ayyoub Bouaddi, nouvelle cible du Paris Saint-Germain    38 % de fraudes détectées, basculement AMO-CNSS en préparation et nouvelle gouvernance prudentielle : la FMA dresse le compte de ses activités    Eliesse Ben Seghir déjà dans le rythme de la Bundesliga    Le Maroc met en avant les connectivités atlantiques au Forum Crans Montana du 1er au 4 octobre lors de la 40e session    Discussions Chine-USA: une rencontre Xi-Trump toujours dans les limbes    L'université Al Akhawayn et l'université Prince Mohammad Bin Fahd créent à Ifrane une chaire consacrée aux applications de l'intelligence artificielle    Législatives 2026 : Akhannouch accuse des parties d' «instrumentaliser» une décision royale    Zuma à Rabat : L'Afrique du sud envisage de convoquer le chargé d'affaires marocain    Pour ses 20 ans, le festival Arabesques de Montpellier honore le Maroc    Rétro-Verso : Quand Mohammed III propulsa Casablanca vers la grandeur    La Fondation Dr. Leila Meziane érige un pont culturel entre le Maroc et l'Espagne    Parution: À travers les siècles « L'Histoire est un aller simple »    Religion. Les jeunes marocains moins moins pratiquants    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Bougdal Lahsen: «dans le confinement, il y a la possibilité d'une autre humanité»
Publié dans Albayane le 16 - 04 - 2020


Des écrivains à l'heure du Covid-19
Quand une de mes amies me demanda récemment si je voulais partager mon expérience du confinement à cause du Coronavirus avec les lecteurs, je ne savais pas que j'allais tomber par hasard sur un passage de mon roman.
La petite bonne de Casablanca, publié en 2010. Safia, le personnage principal du roman racontait sa nouvelle vie à une amie rencontrée en prison et qu'elle n'avait pas revue depuis longtemps. «Je me souviens qu'un jour tu m'avais parlé du désir de liberté qui finit toujours par faire éclater les chaînes les plus coriaces. Te revoir aujourd'hui, me redonne la force de résister et de me battre. Aujourd'hui, j'ai changé. Je suis autre. J'ose croire que je suis faite comme tous les êtres libres. Je n'ai pas peur de briser mes chaînes qui entravent mes mouvements et ce moule dans lequel on m'a confinée. En m'ouvrant les yeux par la connaissance, l'envie de se défaire de ma condition d'esclave s'est emparée de moi. Désormais, je ne veux plus me résoudre à cette vie qu'on me fait mener sous la contrainte et les menaces. Ta visite me donne des ailes. Pouvoir compter sur toi me comble de bonheur. Je parviendrai un jour à me libérer complètement».
Ce passage résume à lui tout seul ce que nous vivons aujourd'hui. Je suis comme tout le monde. Quand les autorités nous ont annoncé l'obligation de rester chez nous, j'ai pensé à la nécessité de le faire, car c'est important à la fois pour moi, pour ma famille et pour les autres. Aussitôt, j'ai donc repris mes cours à distance avec mes élèves parce qu'il fallait assurer la continuité pédagogique, mais aussi les aider à traverser cette nouvelle expérience. Rester chez soi, ne voulait pas dire arrêter de travailler.
Une fois cette évidence admise, d'autres questions me venaient à l'esprit comme tous les citoyens attachés à leur liberté. J'ai d'abord pensé à toutes ces pandémies qui ont toujours existées et qui ont souvent disséminé des populations entières. Ce qui me revient surtout à l'esprit, c'est le destin des lépreux très connus dans l'histoire de l'humanité. Ces pauvres personnes étaient traitées comme des criminels contagieux et maudits.
On considérait qu'ils pouvaient contaminer les autres par un simple contact physique et même des fois par un simple regard. La maladie était considérée comme un châtiment divin. Les lépreux étaient donc mis à l'écart de la société. Impurs, ils ne devaient pas communiquer avec les autres. Ils étaient donc conduits à des endroits isolés à l'extérieur de la ville ou sur une île déserte comme en Crète. Serions-nous alors les nouveaux lépreux des temps modernes ? Confinés chez nous, nous sommes tous devenus des individus potentiellement porteurs du virus Covid-19. Notre confinement est ainsi une forme de mise à l'écart.
Cette expérience inédite, est de ce fait un moment privilégié pour repenser notre individualisme, nos valeurs, nos relations aux autres, bref notre place dans ce monde. Comme Safia, le personnage de mon roman, nous devons changer. Rien ne sera plus comme avant. Confinés, nous devons prendre conscience de notre état d'esclaves. Nous devons apprendre à briser à nouveau nos chaînes. Celles du travail, celles de la consommation excessive, celles de la peur de manquer, celle ne jamais avoir assez, celle de l'indifférence et de la peur de l'autre, celle du danger de l'immigré, l'autre, la source de tous les malheurs…etc. Nous pensons être libres. C'était une illusion.
Nous sommes des êtres entravés. Et nous devons tout recommencer. Réapprendre à dire bonjour. Je suis étonné d'ailleurs de voir des gens qui pensaient être les maîtres de ce monde, dire bonjour à l'agent de propreté qui nettoie les trottoirs de la ville, au ripeur qui récupère leurs poubelles, au vigil du centre commercial. Des comportements qui ont disparu de notre quotidien, car nous sommes devenus des individus faux, méprisants et méprisables. Nous avons perdu notre humanité. Il a suffi de ce virus pour tout anéantir et révéler à chacun combien l'essentiel lui échappait. Je ne vous parle pas de ceux qui redécouvrent leur conjoint et leurs enfants.
On est soudainement confrontés à notre nudité. On est rien. Ce virus révèle non pas uniquement la maladie de nos corps, mais quelque chose de plus grave, de plus insidieux et d'incurable. La maladie de nos âmes. Et pour ce virus il n y aura jamais de vaccin. Dans le confinement, il y a la possibilité d'une autre humanité. La renaissance de ce qui ne circule plus entre nous. Une promesse en somme. Une énergie nouvelle. Certains écrivains s'inscrivent dans une démarche d'accompagnement pour traverser la crise. Ils sont dans l'action.
Personnellement, je suis plutôt un passeur d'émotions constructives. Mon écriture cherche à révéler ce qui ne se voit plus et démasquer les vernis qui nous empêchent de rester dans la clarté du jour. L'épreuve du confinement est aussi le lieu de la rencontre de soi. Un temps d'étonnement devant des petites choses insignifiantes jusqu'alors.
Cette lucidité que le poète perçoit tous les jours est quelque chose qui s'impose aux autres qui se retrouvent soudainement dans l'impasse. C'est pour cela que le poète doit continuer à faire ce qu'il sait faire, sans se soucier de la reconnaissance trompeuse. Ce qui paraissait futile parfois, la poésie l'éclaire. Il recouvre alors tout son sens. Mon confinement me renvoie donc à moi-même dans la mesure où je ne suis jamais séparé des autres. Plus je m'isole, plus je me sens proche de chacun. En ce sens, mon écriture s'inscrit dans les failles d'une société qui n'a plus le temps de se regarder.
C'est dans cet interstice que je me sens utile. Ma poésie révèle les désordres du monde. Ecrire, c'est accepter de s'en détacher. Cette crise que nous subissons nous y oblige. D'où son caractère brutal. Elle engendre par conséquent des tensions et des violences entre les individus, mais aussi intrinsèquement. Il n'est jamais facile d'être face à soi. Dans un silence assourdissant. Ecrire c'est inventer un langage qui permet de dire tous ces désordres. Mon confinement est un moment de partage de ces idées qui nous ouvrent des horizons pour ne pas s'installer dans la crise.
C'est une invitation à dépasser la peur de toutes sortes de proximités entre les gens pour ouvrir la voie de l'impossible qui est toujours une promesse. Le rôle du poète est donc de rendre possible cette transformation de regard. C'est dans ce lieu de rencontre que je me sens en résonance avec les autres.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.