Mouhamadou Youssifou : "Le Maroc a placé la barre très haut"    Ouahbi face aux avocats : Après une trêve fragile, la discorde ! [INTEGRAL]    Ghana. Le visa électronique prévu pour 2026    Interview avec Pr Mohamed Taher Sraïri : « Si la pluviométrie se maintient, la croissance agricole sera robuste »    Situation hydrique : En quatre jours seulement, les barrages ont enregistré un gain de 409 millions de m3    Revue de presse de ce lundi 29 décembre 2025    La Bourse de Casablanca démarre sur une note positive    Marché informel des pièces d'occasion : Des dizaines de garages et fournisseurs dans le viseur du fisc    Italie : Des tags sur les murs d'une église liés aux ultras d'Agadir    La Corée du Nord teste des missiles de croisière de longue portée    Ligue 1: Zakaria Aboukhlal s'apprête à rejoindre Nantes sous prêt    CAN 2025 : le programme des matchs du lundi 29 décembre    CAN 2025 : Les Lions de l'Atlas sereins avant d'affronter la Zambie    Globe Soccer Awards 2025 : Dembélé au sommet, le PSG et le Barça à l'honneur    CAN 2025 : Le Gabon éliminé dès la J2    CAN 2025: Un correspondant algérien incite des supporters à critiquer l'organisation (Insolite)    Présidentielle : 6,8 millions de guinéens ont voté    « Je suis disponible pour entamer ma participation à la CAN et la remporter » (Achraf Hakimi)    Italia: Pintadas en los muros de una iglesia vinculadas a los ultras de Agadir    Marruecos: Detención de un narcotraficante condenado en Amberes    Belgian fugitive arrested in Morocco for drug trafficking ties    Voici la hauteur des pluies enregistrées ces dernières 24H    MTYM 2025 : En parallèle à la CAN au Maroc, les jeunes champions marocains pour la recherche en mathématiques en conclave à Al Akhawayn University    Vernissage de l'exposition nationale «60 ans de peinture au Maroc» le 6 janvier 2026    L'exposition «Mohammed Ben Allal : Récits du quotidien» célèbre la mémoire populaire de Marrakech    Essaouira et les Provinces du sud unissent leurs mémoires pour la nouvelle génération    Atlantic Business International passe sous contrôle total de BCP    Ouahbi face aux avocats : Après une trêve fragile, la discorde !    La "Bûche de la Fraternité" rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    Exercice « Acharq 25 » : les FAR resserrent les rangs face aux menaces conventionnelles    Service militaire : Fin de la première phase de formation des appelés du 40e contingent    Interview avec Rabiaa Harrak : « Face aux fléaux climatiques, une coopération internationale s'impose pour protéger notre patrimoine culturel »    MAGAZINE : Chris Rea, la guitare perd son slide    Trump se félicite d'un appel téléphonique "très productif" avec Poutine    En crise avec la Somalie, le Maroc ne condamne pas la reconnaissance par Israël du Somaliland    Alerte météo : Fortes averses orageuses et chutes de neige de samedi à lundi    Santé : les syndicats annoncent une grève nationale fin janvier    La « Bûche de la Fraternité » rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    Soudan : un système de santé au bord de l'effondrement après bientôt mille jours de guerre    El Jadida : Mobilisation générale pour faire face aux répercussions des précipitations    Alerte météo : averses orageuses, chutes de neige et fortes rafales de vent, dimanche et lundi    L'icône du cinéma français, Brigitte Bardot, n'est plus    UPF : la Conférence Inaugurale animée par un "Nobel de l'architecture"    Energie électrique : la production augmente de 6,1% à fin octobre 2025    Un léger tremblement de terre signalé à Rabat sans dégâts ni victimes    Prévisions météorologiques pour samedi 27 décembre 2025    2025: Une dynamique de percées inédites du Maroc dans les responsabilités de gouvernance des Organisations Internationales    WeCasablanca Festival : quand Soukaina Fahsi et Duke font vibrer le cœur de Casablanca    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'avènement du sous-homme Ou l'erreur de Zarathoustra
Publié dans Albayane le 17 - 05 - 2020

L'homme de demain. L'humanité telle qu'elle a cheminé jusque-là. Une marche en dents de scie. Des crêtes et des creux. Parler d'évolution c'est très vite aller en besogne quand on tente une lecture dépassionnée de ce que cette humanité, telle qu'on la connait aujourd'hui, nous offre comme spectacle planétaire. C'est donc un cheminement naturel, avec des périodes plus importantes que d'autres.
Des périodes à retenir et d'autres à oublier définitivement. L'homme tel qu'il est devenu. Dans ses rapports à la Nature. Dans ses relations avec les autres. Dans sa conception de la «civilisation». Dans son approche de la spiritualité. Dans sa fusion dans et avec la matérialité. Dans sa plongée dans la technologie. Dans son attraction pour sa propre numérisation. Dans sa soumission à sa propre digitalisation. Dans son acceptation de la servitude. Dans son refus de la liberté.
L'homme qui a tranché avec son essence. Quel est-il cet homme ? Comment le définir ? Comment saisir son état actuel, en prévision de ce que sera le monde demain ? «L'homme est quelque chose qui doit être dépassé. Qu'avez-vous fait pour le dépasser ?», se demandait Friedrich Nietzsche, à la fin du XIX siècle.
L'homme n'est jamais devenu son idéal. Pour deux raisons. D'un côté, il n'en a pas. De l'autre, il n'a pas pu. Devenir son idéal, y parvenir, c'est le but ultime de l'humanité qui évolue vers sa meilleure version possible. Deviens qui tu es, puisque tu portes en toi ton modèle futur en étant conscient que «La grandeur de l'homme, c'est qu'il est un pont et non une fin.», insiste l'auteur du «Gai Savoir». Être et incarner son propre pont que l'on traverse requiert une faculté de conscience de soi, de remise en cause à chaque pas et une idée claire sur l'infini du pont. Sauf que l'homme est un être qui réfléchit dans l'immédiat et ne se projette plus.
Cela fait six siècles que l'homme ne chemine plus vers l'avenir qu'il peut lui-même créer et façonner. Cela aurait pu avoir lieu entre le XV et le XVIII siècles. Avec la Renaissance et avant ladite «révolution» industrielle. Trois-cents ans pour atteindre au sommet de soi. Ce faîte n'a jamais eu lieu. Inventer et découvrir, explorer et expérimenter devaient atteindre à un haut degré de conscience de sa grandeur. Mais vint la machine. L'homme donne corps à ce qui pourrait le remplacer.
La découverte est de taille. Elle scinde l'histoire récente de l'humanité en deux. L'homme et l'esprit créatif pour une éventuelle élévation vers l'idéal en marchant sur le pont. Et l'homme qui mise sur un outil de plus en plus performant pour l'assister, puis l'évincer. Deux-cents ans auront suffi. Les sciences accélèrent leur extension.
L'industrie assoit sa domination. En quelques décennies, on découvre des millions de choses et dans tous les domaines. Ceci devrait, naturellement, rendre l'homme plus puissant, plus sûr et donc plus enclin à travailler sur l'élaboration de sa plus belle version. Pourtant, la médecine atteint des degrés d'inventivité sidérants, mais l'homme n'est pas en bonne santé. Jamais il n'a été aussi malade, aussi faible, aussi menacé.
La chimie, la physique, les mathématiques ont réussi des percées impressionnantes. Pourtant l'homme n'a jamais été moins intelligent. Il n'est plus capable de lire dans ce qu'il devient. L'astrophysique, l'astronomie, la physique cantique, l'aérospatiale ont dépassé toutes les prévisions. Pourtant l'homme ne rêve que d'un seul exploit, quitter la terre, lui tourner le dos, s'en couper et aller s'installer sur une autre planète.
L'homme dépense, depuis plusieurs décennies, des sommes astronomiques pour détruire son habitat d'origine. Il en dépense dix fois plus, en même temps, pour trouver le moyen de déménager ailleurs. «Des gueules, des gueules partout. L'homme s'étend. L'homme est le cancer de la terre.», écrit Emil Michel Cioran dans «De l'inconvénient d'être né».
L'homme en a tellement marre de sa gueule qu'il veut s'expédier, sans appel, vers le vidé sidéral. Jamais la déraison humaine n'a raclé le fond avec autant de petitesse. Tout ça pour ça. Des millénaires de traversées de tant de ponts, de tant de déserts, de tant de massacres, pour finalement vouloir abandonner la partie en pensant à d'autres sphères habitables. De la démence manifeste, à tous les niveaux. Et sans aucune chance de rémission.
Certes, «Nous sommes tous des farceurs qui survivons à nos pires problèmes», comme le disait l'auteur de «Aveux et anathèmes». Sauf que la comédie jouée, à guichets fermés, avec plusieurs actes renouvelables, se dénoue vers un ultime acte, celui où le protagoniste principal manquera à la révérence finale.
L'homme, puisqu'on va continuer à l'appeler homme, même s'il a vidé ce vocable de tous ses sens, ne se rend pas compte du virage qu'il a pris. Pire, il est convaincu qu'il a atteint un haut degré de sophistication. Cette conviction fatale est due à la fois à son aveuglement et au déni qui le caractérise. Il regarde ses réalisations, rendues possibles, grâce à des machines géantes, à des ordinateurs colossaux, à des découvertes fabuleuses, et se dit : «Voici que je trône sur un monde que j'ai remodelé à mon image.
Et mon modèle est si beau que je veux l'exporter dans l'espace, sur d'autres satellites, sur d'autres planètes.» L'homme s'est, en quelque sorte, abandonné, au mythe de sa propre divinité. Mais toute déité a besoin d'un esprit qui la nourrit. Elle a besoin d'une quintessence. Sans cela, ce n'est même pas un mauvais démiurge. Albert Camus avait touché un point essentiel dans la constitution de l'homme. Il l'avait bien dit dans «La peste» : «Il ne peut y avoir pour l'esprit humain que deux univers possibles : celui du sacré et celui de la révolte». L'homme moderne ne possède ni l'un ni l'autre. La sacralité n'a plus droit de cité, sauf dans le fascisme religieux. La révolte s'évanouit dans les manifestations du dimanche.
Car un homme révolté est «Un homme qui dit non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas.» L'homme unidimensionnel, qui peuple la terre aujourd'hui, renonce à tout en pensant tout récuser. Erreur de vision doublée d'une erreur de jugement. Au contraire, il accepte tout mais ne dit oui à rien. Il se subit. Il se barricade derrière un seul credo: le progrès. Sans définir ce développement et cette évolution qui l'ont réduit à un spectateur de sa propre chute. Dans cette plongée vers les abysses, l'homme ne réalise pas encore que tout le commande dans ce monde, censé être le sien. Il dépend de tout.
De ses propres découvertes. De ses inventions. De sa haute technologie. De sa virtualité érigée en gloire ultime, avant l'ère da sa propre extinction, quand il sera complètement inutile. Aujourd'hui, il consomme. Il s'entoure d'objets digitaux. Il se dissimule derrière des écrans. Il fuit vers la fin. Parce qu'il «cherche à oublier où le chemin conduit», comme le disait il y a vingt-cinq siècles, Héraclite d'Ephèse. Préférant l'oubli, voire l'amnésie, celui qui devait devenir son idéal a donné une réelle consistance à une nouvelle entité : le sous-homme. Et c'est avec celui-ci que s'écrit déjà le futur.
Ecrivain-éditeur


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.