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ABÛ BAKR IBN YÛSUF : Astronome Marocain du 13ème siècle, respecté et admiré à l'étranger, inconnu au Maroc : Un électrochoc qui fait du bien
Publié dans L'opinion le 13 - 09 - 2014

Mon histoire avec Abû Bakr a commencé, il y a 50 ans. En 1965, j'habitais la rue Ozenne à Toulouse où je résidais pour mes études. Ma chambre se trouvait à moins de 100 mètres du musée Paul-Dupuy de cette ville. Auparavant, je n'avais jamais mis les pieds dans un musée.
Après être passé et repassé quelques centaines de fois devant le musée voisin, j'ai décidé un jour d'en franchir le seuil. Dès l'entrée et dans un endroit bien en vue, il y avait un petit attroupement autour d'une vitrine bien éclairée et manifestement mieux présentée que les autres. Dans la vitrine, se trouvait un objet métallique en cuivre jaune ou en laiton avec des disques, métalliques aussi, et de même grandeur, 15 à 20 cm de diamètre, présentés en cercle autour de la pièce centrale. Le travail rappelle celui des orfèvres marocains mais, au lieu des arabesques habituelles, ce sont des cercles finement gravés, quelques-uns concentriques et d'autres passant par le même point de manière symétrique. L'objet est certainement fait pour calculer ou mesurer quelque chose, a l'air un peu savant et d'une grande élégance. L'écriteau qui nécessitait de se mettre presque contre la vitrine pour être lu, indiquait : Astrolabe marocain. Fait par Abû Bakr ibn Yûsuf à Marrakech, 1216-1217 (613 de l'Hégire).
Il m'est difficile de décrire mes sensations sur le coup, mais il m'a semblé que j'ai été envahi par un sentiment de fierté incontrôlé et en même temps par la nostalgie de mon pays. J'ai senti mon torse se bomber dans ce musée et ma tête se redresser comme au garde-à-vous. Je me pris même un court instant un peu pour le cousin d'Abû Bakr et j'avais envie de dire aux autres visiteurs du musée que ce qui est dans la vitrine venait de mon pays, le Maroc, et que de plus j'étais de la ville de sa fabrication ! ‘'Quand même, me disais-je, nous ne sommes pas entièrement nuls au Maroc'' et ‘' Savent-ils au Maroc que l'un de nos anciens savants a construit de tels objets scientifiques, il y a 800 ans, et qu'ils sont exposés dans des musées en Europe ?''
Par la suite, j'ai enfoui tout cela quelque part dans ma tête et... abandonné Abû Bakr à son astrolabe car j'avais bien autre chose à faire. Mes études n'avaient que peu de chose à voir avec l'astronomie arabe et avec cet instrument...
Depuis cette visite, il m'est resté quelque chose qui m'a longtemps intrigué. J'ai beaucoup observé le comportement des gens chez nous au Maroc, quand arrivent sur la table des discussions sur ce que chaque civilisation a apporté au progrès des sciences ou à la marche de l'Humanité en général. Nous en parlons de ces questions, pas tous les jours bien sûr, mais nous en parlons en famille, entre amis ou dans les bureaux. Il nous arrive également de parler de ces sujets avec des étrangers, quand on travaille dans un environnement international. Nos comportements lors des débats sur ces questions sont exactement les mêmes, dans tous les milieux et au sein des deux ou trois générations que nous côtoyons : Nous nous accrochons toujours, toujours à l'Age d'or de la civilisation arabe, notre patrimoine, une espèce de bouée de secours, comme des naufragés. Quand nous sommes déstabilisés dans ces discussions, nous brandissons, comme un argument massue, quelques noms de savants arabes qui ne sont d'ailleurs pas toujours marocains ! Il semble que cette attitude soit la même dans les autres pays arabes.
Malheureusement, quand on y regarde de plus près et dans les faits, pour nous au Maroc, ce patrimoine, quelques fois, n'est ni bien préservé, ni bien connu, ni reconnu. C'est une contradiction continuelle dans nos comportements : Nous nous référons tout le temps à la même période de notre Histoire, Al andalous par exemple pour nous Marocains, mais dans les faits nous n'accordons que très peu d'intérêt à cette Histoire. A commencer par seulement la connaitre un peu ! Nous parlons de nos Hommes de science marocains et nous sommes souvent incapables d'en citer quelques-uns.
A la recherche
du chaînon manquant
Depuis une dizaine d'années, j'ai voulu aller au-delà des clichés et passer en revue, mais en profondeur, notre patrimoine scientifique pour en avoir le cœur net. Avec ma formation scientifique, mon expérience tant nationale qu'internationale, je me suis attelé à cette tâche passionnante, même si les choses ne sont pas toujours facilitées. Je suis surtout guidé dans cette initiative personnelle par la conviction qu'au Maroc nous avons, chacun à son niveau, des choses à faire et que nous devons faire, et si nous ne les faisons pas, personne ne viendra pour les faire à notre place.
A partir des ouvrages qui font autorité dans le domaine de l'astronomie arabe, des visites de musées à travers le monde, de la fréquentation de milieux versés dans ce domaine et des bibliothèques spécialisées dans ces sujets, de relations établies avec de rares ateliers, au Maroc et à l'étranger, qui construisent encore de nos jours, des astrolabes et des cadrans solaires comme du temps de cet Age d'or de notre civilisation, j'ai accumulé un nombre considérable de documents, certains très rares, et de données sur l'histoire et le fonctionnement de l'astrolabe. J'ai pu ensuite assimiler les améliorations introduites par les savants arabes dans l'utilisation de cet instrument scientifique le plus génial et le plus en avance sur son temps. Je viens surtout d'aboutir au résultat le plus éclatant et le plus extraordinaire qui puisse récompenser des années de recherche : Eurêka ! Notre pays, notre Cher pays le Maroc a eu dans son Histoire un grand savant astronome au 13ème siècle et ce savant s'appelle Abû Bakr ibn Yûsuf. Respecté et admiré à l'étranger, j'ai découvert aussi qu'il est inconnu dans son pays, le Maroc !
Il est, malheureusement, assez inhabituel de faire de telles découvertes chez nous au Maroc. Car, en dehors de quelques noms jetés au hasard, nous n'avons pas de savant astronome qui nous ait légué des instruments de mesures astronomiques, fabriqués de sa main. Il ne peut pas y avoir de confusion possible, car la liste est désespérément vide. Alors qui est Abû Bakr ibn Yûsuf ? Qu'a-t-il fait et quand ? Où peut-on voir ce qu'il a fait ? A quoi ça sert ce qu'il a fait ? Est-il connu ou reconnu à l'étranger ? Est-il connu ou reconnu au Maroc ? A-t-il laissé des écrits ? A-t-on écrit sur lui ? Qu'apporte-t-il vraiment au Maroc ? Que peut-il lui apporter d'autre ?
Son nom tel que gravé sur les tympans de ses astrolabes est : أبو بكر بن يوسف. J'aurais donc écrit volontiers, Abou Bakr ben Youssef pour être conforme avec nos appellations habituelles au Maroc, mais ne compliquons pas notre tâche et nos relations avec les musées étrangers qui exposent ses œuvres et n'égarons pas les visiteurs de musées et les lecteurs de documents faits sur lui. Et puis, comme on dit au Maroc, ‘'attendons qu'il naisse et on lui donnera un nom''. Car jusqu'à la présente ligne, il est encore totalement inconnu au Maroc et, selon mes premières tentatives, il ne sera pas facile de le faire reconnaitre dans son propre pays, alors que ses chefs-d'œuvre voyagent de musée en musée dans le reste de la planète ! C'est ainsi.
Donc Abû Bakr ibn Yûsuf est un astronome marocain, de l'école hispano-mauresque, qui a vécu sous le règne almohade, à cheval entre le 12ème et le 13ème siècle. Les astrolabes qu'il nous a légués sont datés de 1208 à 1218 (605 à 615 de l'Hégire). En ce temps-là, les astronomes de cette école étaient formés au pays d'Al andalous, Espagne
musulmane, où le maitre absolu en la matière, un siècle avant, était le grand astronome de Tolède, Abû Ishaq Ibrahim Zarqali. Ce dernier avait été l'inventeur d'un nouveau type d'astrolabe dit universel et ses écrits ont grandement influencé les astronomes européens Nicolas Copernic et Galilée qui avaient introduit la vision héliocentrique du monde, au 16ème siècle. Deux noms issus de cette école se détachent : Abû Bakr ibn Yûsuf (Marrakech) et Mohammed ibn al-Fattouh Al Khoumayri (Marrakech et Séville). Abû Bakr a donc vécu et travaillé à Marrakech quand cette ville avait moins de cent ans et la Koutoubia était en cours d'édification. Il a fabriqué des astrolabes, quelques fois pour des rois et des princes almohades. Il a également construit des astrolabes prévus pour fonctionner au Maroc, en Espagne, au Portugal, en Egypte, en Palestine, en Arabie Saoudite et en Irak. Plus précisément, les tympans de ses astrolabes étaient gravés pour les latitudes des villes de Marrakech, Fès, Sijilmassa, Sebta (Ceuta), Almeria, Cordoue, Séville, Tolède, Saragosse, Misr (vieux Caire), Al Qods (Jérusalem), La Mecque, Médine et Baghdad. Il est fort probable qu'Ibn al-Banna' (1256-1321), mathématicien marocain, ait utilisé un des astrolabes d'Abû Bakr pour ses travaux d'astronomie, dans un lieu appelé Al borj à Marrakech.
Fonctionnement
et utilisation de l'astrolabe
(Voir le schéma d'un
astrolabe dé monté)
On attribue l'invention de l'astrolabe à un savant grec, Hipparque, du II ème siècle av. J.-C. Astrolabe est un nom grec composé des mots ‘astro' et ‘labe', qui signifie ‘'preneur d'astre''. C'est un instrument qui permet des calculs astronomiques par le mouvement d'une pièce circulaire, l'araignée ((العنكبوت sur laquelle on a matérialisé les étoiles les plus brillantes du ciel. Cette pièce va tourner autour d'un axe central par rapport aux lignes gravées sur un tympan qui permettent de situer ces étoiles depuis le lieu de l'observation. L'instrument va alors permettre d'établir des relations entre la position des étoiles et le temps.
Pour utiliser un astrolabe, on le tient à la verticale au-dessus de l'œil. Au dos de l'instrument, se trouve une règle pivotante, الحدادة, l'alidade qui est munie de deux œilletons à travers lesquels on vise l'étoile connue et déjà matérialisée sur l'araignée. Cette visée permet la lecture en degrés de la hauteur de cette étoile sur le pourtour de l'astrolabe, mettons 40°. On retourne ensuite l'astrolabe pour en utiliser l'autre face et on fait pivoter l'araignée jusqu'à mettre la pointe de l'étoile concernée sur le cercle, almicantarat, de hauteur 40°, gravé sur le tympan du lieu d'observation. On amène alors l'ostenseur sur la position du soleil le jour de la mesure et on lit à l'extrémité de cet ostenseur l'heure solaire indiquée. Le jour, c'est le soleil qui est visé (attention aux yeux !).
A partir de ce genre de manipulations, on a pu obtenir d'innombrables applications. Al Khawarizmi, inventeur de l'algèbre, estime avoir résolu 43 problèmes mathématiques à l'astrolabe.
Ce sont les Arabes qui, à partir du 7ème siècle, vont ‘'déterrer'' cet instrument laissé à l'abandon pour lui donner une nouvelle vie. Mais pourquoi donc les Arabes ont-ils adopté cet instrument en particulier ? Pourquoi a-t-il été l'objet de toutes les attentions et de toutes les études de leurs mathématiciens qui y ont apporté de nombreuses améliorations, durant des siècles? Des lignes d'égale hauteur des étoiles, des lignes d'égal azimut, le carré des ombres, la trigonométrie sphérique, avec des termes que l'Occident adoptera par la suite (zénith, azimut, nadir, almicantarat, alidade etc.). Réponse : Parce qu'à partir du 7ème siècle, les Arabes étaient partis aux quatre points cardinaux pour la propagation de l'Islam et dans ces contrées, ils avaient besoin d'un instrument qui puisse leur donner les heures de prière, la direction de La Mecque pour les prières et pour l'orientation à la construction des mosquées.
Parmi les innombrables fonctions de l'astrolabe, on peut citer les suivantes :
Détermination des heures en général et des heures de prière.
Détermination des directions, de La Mecque (Qibla) en particulier.
Connaitre les lever et coucher du soleil et des étoiles.
Détermination de la latitude et de la longitude d'un lieu.
Connaitre la hauteur d'une montagne, d'un mur, d'un rempart, d'une colonne, d'un arbre...
Connaitre la largeur d'un fleuve.
Connaitre la profondeur d'un puits et faire des mesures dans des lieux inaccessibles.
Une forme simplifiée de l'astrolabe, sans araignée, a servi pendant des siècles pour l'orientation des vaisseaux, dans la navigation maritime.
C'est donc une espèce d'ordinateur d'il y a 1000 ans, avec une horloge et une boussole. Selon les Anciens, la Terre est ronde et se trouve enveloppée par une autre grande sphère sur laquelle sont incrustées les étoiles. Cette ‘'sphère des fixes'', sur laquelle les étoiles gardent les mêmes distances entre elles, tourne autour de la Terre laquelle est donc au centre. L'araignée est une représentation plane de la grande sphère et le nom en arabe de cette pièce est plus parlant العنكبوت qui veut dire toile (d'araignée). N'est-ce pas donc notre Web, notre Net, notre toile du 21 ème siècle ? D'ailleurs de nombreux auteurs se contentent d'écrire al Ankabout...


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