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« Les Soudanais nous montrent le chemin »
Publié dans Albayane le 09 - 01 - 2025


Rencontre avec la réalisatrice Hind Meddeb
Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef
Un film poétique. Fort. Emouvant. Un périple. Une quête de la liberté, de la dignité, de l'égalité, de la justice, de la vie. «Soudan, souviens-toi. » de la réalisatrice Hind Meddeb braquant les lumières sur un épisode clé et crucial de l'histoire contemporaine du Soudan la transition de la dictature militaire à un gouvernement civil dans ce pays africain déchiré par les guerres et les révoltes, a été projeté dans le cadre de la compétition officielle du festival international du film de Marrakech. Hind Meddeb a grandi entre la France, le Maroc et la Tunisie et a développé, grâce à cette circulation entre les cultures et les langues, un regard singulier sur le monde.Une découverte. Une rencontre avec la réalisatrice.
Al Bayane : De prime abord, il faudrait s'arrêter sur ce vent poétique qui a non seulement habité votre dernier film «Soudan, souviens-toi. », mais il a traversé également votre œuvre : «Paris Stalingrad», « Electro Chaabi », « Tunisia Clash». Pouvez-vous en dire plus ?
Hind Meddeb : Justement, ce film est en lien avec le précédent film qui s'intitule «Paris Stalingrad», et qui est l'histoire d'un jeune poète soudanais qui arrive à Paris. Le film est construit autour des poèmes de Souleymane et son regard sur Paris, notamment son très beau poème qui s'appelle ''l'exil est menteur''.
Je voulais en effet montrer Paris dans les yeux de ce jeune poète soudanais. Et quand j'ai tourné à Paris avec les soudanais, c'était parce qu'il y avait des milliers de réfugiés qui dormaient dans la rue, dans le quartier où j'habitais à l'époque et que c'était une situation qui était insupportable d'injustice. J'ai voulu raconter leur histoire, savoir d'où ils parlaient. Et quand j'ai commencé à tourner ce film, j'ai vu que tous les réfugiés que je rencontrais récitaient de la poésie, parfois même pour rigoler quand ils se retrouvaient dans des situations horribles où la police venait détruisait les campements, faisait monter les gens dans des bus, les maltraiter... et pour tenir, d'une manière très belle, ils récitaient de la poésie.
De Paris à Khartoum, un long chemin à parcourir, à la recherche de ces jeunes rêveurs de changement et de liberté. Parlez-nous de cette aventure ?
En fait, les soudanais que j'avais rencontrés à Paris étaient exceptionnels, entre autres, ce jeune qui écrivait de la poésie était exceptionnel.
Puis, quand on a fini «Paris Stalingrad», la révolution a commencé au Soudan et ils m'ont dit qu'il faut que tu ailles voir notre pays, il faut que tu saches d'où on vient et nous on va t'aider.
Donc j'ai fait le voyage jusqu'à Khartoum, d'abord seule avec ma caméra avec quelques numéros de téléphone, et quand je suis arrivée là-bas j'ai vu que la poésie était partout. Et là j'ai compris qui étaient mes amis soudanais à Paris.
Je me suis dit, c'est complètement ancré dans leur culture et surtout comme c'était en pleine période de révolution, le renversement de Omar el-Bechir et que l'enjeu c'était la mise en place d'un Etat citoyen. Les gens récitaient de la poésie comme si c'était une question de vie ou de mort. Et si tout d'un coup la poésie devient vivante c'est-à-dire que ce n'est pas un livre qui reste dans l'étage d'une bibliothèque.
C'est une poésie qui arrive sur la scène du monde avec un enjeu qui est celui de l'avenir d'un pays, de gens qui veulent récupérer un pays qui leur a été confisqué pendant 30 ans où il y a eu une corruption telle une violence, telle des guerres, des massacres ethniques. Aucun respect de la culture de la diversité dans le pays et une jeunesse qui aspire à vivre ensemble avec toute notre diversité. La dictature de Omar el-Bechira imposé la langue arabe et la supériorité des arabes sur les autres et l'Islam comme unique religion alors que le Soudan est un pays où il y a 500 ethnies différentes, où on parle 117 autres langues que l'arabe. Ce qui est très beau, c'est que même ces gens qui parlent 117 d'autres langues et qui ont eu cette langue arabe qui leur a été imposée, ils l'ont appropriée et ils ont transformé la langue qui parfois pouvait être celle de l'oppresseur comme le dit Kateb Yacine sur la langue française qui dit ''j'en ai fait un butin de guerre'' et il a écrit en français et mon père qui est tunisien et qui a écrit en français et qui s'est réapproprié cette langue, la langue du colonisateur.
En fait, le Soudan est un pays qui est arabe, mais aussi profondément africain avec une immense diversité. Cette nouvelle génération se dit qu'elle est capable de tout englober c'est-à-dire que le Soudan de Omar el-Bechir était le Soudan de l'Islam radical, de l'Islam intégriste avec Abdallah al-Tourabi qui l'a terrorisé et un islam wahhabite qui vient d'Arabie Saoudite.
Les soudanais ont compris c'est que ce régime a utilisé l'islam pour les oppressés. Il y a un très beau poème dans le film d'Azhari qui dit : «vous nous avez tué au nom de l'Islam, vous nous avez emprisonné au nom de l'Islam, vous nous avez brûlé au nom de l'Islam, mais l'Islam est innocent. L'Islam dit : combattez les tyrans pour la liberté. »
En fait, ils se réapproprient tout, ils se réapproprient cette langue qui était la langue de l'oppresseur, il se réapproprie l'islam qui était la religion qu'on voulait imposer à tous. Ils disent : ''nous on est capable de vivre tous ensemble avec notre diversité.''
Et c'est pour ça que j'ai coutume de dire que quand je suis arrivée au Soudan, ce que j'ai vu c'était l'avenir du monde arabe, l'avenir de nos pays, l'avenir du monde parce que ce qui est très beau dans le concept de «Madaniya», c'est que par exemple quand vous allez en France, on va vous parler de laïcité.
Et les soudanais dans tout cela ?
Les soudanais ne regardent pas l'Europe, ils ne regardent pas du côté de l'Europe, ils ne regardent pas l'Occident, ils n'attendent pas qu'on leur dise qu'est-ce que c'est la démocratie, qu'est-ce que c'est la liberté ?
Ils ont leur propre définition. Ce qui est très beau aussi dans la «Madaniya», c'est que c'est l'invention de ce que pourrait être un état séculier où chacun peut vivre sa religion librement, et où l'Islam à toute sa place mais je dirais que c'est sortir de l'islam politique. Mon père a écrit un livre en français qui s'appelle ''La Maladie de l'islam'', qui parle de l'intégrisme religieux et mon père avait une émission sur Medi-1, où il célébrait des personnalités, des jeunes qu'il a rencontrés, il a fait beaucoup de portraits de gens qui se battent pour la liberté. En Europe, on ne nous parle que des terroristes, on ne nous parle que des intégristes religieux et on ne nous parle pas de tous ces mouvements qui veulent la liberté des femmes, qui veulent le changement. La passion de la liberté n'est pas réservée à l'Europe, et c'est pour ça aussi que j'ai fait ce film ; c'est pour faire rayonner toutes ces idées merveilleuses que j'ai découvertes en arrivant au Soudan et qui passent par la musique, qui passent par la poésie, qui passent par un mouvement pacifique, qui passe par les mots, qui passe par la langue arabe.
Je dis que l'avenir de notre monde, c'est le jour où on comprendra que du Maroc ou de l'Irak, on parle la même langue, on a une culture commune, on a des choses qui nous rapprochent et c'est une puissance qu'on essaie constamment de détruire.
Moi, depuis que je suis née, j'ai assisté à la destruction de l'Irak, à la destruction de la Syrie et en même temps j'ai grandi avec des parents qui le soir, quand je me couchais, me racontaient les contes des Mille et Une Nuits. J'avais en tête la beauté, j'ai toujours rêvé de Bagdad et cette guerre nous a empêchés d'y aller. Je me souviens de mon père qui me parlait Haroun ar-Rachid, qui se déguisait la nuit en mendiant pour aller écouter ce que son peuple disait de lui.
Dans le film, il y a à la fois la beauté du peuple soudanais, mais aussi les images d'un pays déchiré par la guerre. Quelle était votre motivation en continuant cette aventure cinématographique ?
Je ne pouvais pas imaginer en commençant le film que ça allait se terminer par une guerre et que le pays allait être détruit. C'est pour ça que ce film est si précieux à mes yeux et aussi aux yeux de tous ceux qui sont dans le film. Il est précieux pour nous parce qu'il garde un trésor qui est celui de toute cette beauté que les Soudanais ont déployé pendant quatre ans, qui aujourd'hui a été détruit, mais qui reviendra parce que il y a un des personnages du film qui dit : «vous pouvez nous tuer par milliers, par centaines de milliers et vous ne pouvez pas tuer une idée et on reviendra et on recommencera.»
Ce qui fait qu'on est humain, c'est l'espoir ! Et cet espoir, évidemment, les militaires essaient de le détruire et pour qu'on ne garde que ces images de destruction. En effet, ce film garde précieusement ce moment qui peut-être arrivera de nouveau pour les générations suivantes et tous ceux qui sont dans le film me disent : on sait qu' on montrera ce film à nos enfants et ça c'est ce qui me rend le plus heureuse parce que dans la dans l'immense tristesse qui est la mienne, mon cœur déchiré coupé en deux, voyant tout le mal qui est fait au Soudan et ayant vu la beauté du peuple soudanais et comment il est pris en otage par des intérêts qui nous dépassent. Voilà, c'est la moindre des choses que je pouvais faire ; d'aller au bout de ce film.
Incontestablement, la femme soudanaise est omniprésente dans le film. Vous y apportez un regard à la fois tendre, audacieux et fort. Pourquoi ?
Au Soudan, quand la révolution a commencé, les femmes étaient en première ligne des manifestations parce qu'à l'époque de Omar El Bachir, c'étaient elles qui étaient dans la pire des situations. Elles étaient considérées comme éternelles mineures, elles n'avaient aucun droit, le voile était obligatoire, elles pouvaient se faire battre dans la rue si leurs tenues étaient considérées comme pas correctes, elles n'avaient pas le droit de sortir avec un homme qui ne serait pas leur frère ou leur père, il y avait une police des mœurs qui était très violente et les premières victimes de cette police des mœurs c'étaient les femmes. Pour elles, c'était une question aussi une question de vie ou de mort de cette révolution parce que le changement qu'elles voulaient est de conquérir leurs droits. Donc elles étaient en première ligne des manifestations. Il y a une femme qui est devenue très célèbre qui s'appelle Hala Salah, habillée en blanc, elle porte la tenue traditionnelle des kandakates, avec cette manière très belle de se draper et de se voiler qui est magnifique, et elle avait la boucles d'oreilles des kandakates. Ce sont des reines qui ont régné sur le Soudan 10 000 ans avant J-C à l'époque, où il y avait les pyramides parce qu'en fait au Soudan, comme en Egypte, il y a une civilisation pharaonique aussi importante que celle qui est en Egypte et qui a été très écrasée, non dite parce qu'ils étaient noirs et que il y a toujours eu ce mépris des blancs pour les noirs africains. Donc il y a toute une part de l'histoire de l'Afrique qui n'est pas racontée et qui reste encore à raconter, mais le mythe du pharaon noir, il y a un très beau livre qui a été écrit là-dessus. Ce n'est pas un mythe, c'est une réalité et aujourd'hui on découvre qu'il y a une très grande exposition au musée du Louvre sur le royaume de Koush et ce qui m'a beaucoup choqué quand il y a eu l'exposition au musée du Louvre, c'est que nulle part il y avait écrit que le royaume du couche c'est le Soudan. Ces femmes pharaons qui ont fait construire des pyramides, elles ont même réussi à repousser les invasions romaines. En fait, c'est une Histoire de 10000 ans, cette place des femmes au Soudan et moi ce que j'ai vu pendant la révolution, c'est un immense respect pour les femmes de la part des Soudanais que j'avais jamais vu, que j'ai pas vu dans la révolution égyptienne, dans la révolution tunisienne, et je me souviens que mon père me disait toujours une révolution, si ça commence pas par les femmes , la société ne changera pas. Tout doit commencer par les femmes.
Dans cette optique, y'a-t-il quelque chose de personnel dans ce film ?
Mon père est mort il y a une dizaine d'années et quand je suis arrivée au Soudan, j'ai eu l'impression de voir les paroles de mon père se réaliser en acte devant moi. J'ai eu l'impression que les soudanais étaient les enfants d'Abdelwahab, et c'est ça qui m'a énormément touchée. C'est pour ça que c'est un film qui est aussi personnel ; c'est que je me suis reconnue et je me suis sentie tout de suite très proche de ces femmes. Tout ce qu'elles disaient sur les travers de l'islam politique, sur comment on utilise la religion pour oppresser, comment on détourne, et elles étaient toutes très religieuses, dans un rapport à la religion qui était tellement beau. Je pense que c'est possible, et c'est pour ça que je dis que les soudanais nous montrent le chemin.


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