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M. Lhoucine Aït Bahcine : «La terre marocaine parle amazighe du point de vue toponymie»
Publié dans Albayane le 17 - 10 - 2010

Pour Mr. Ait Bahcine, la toponymie amazighe se constitue soit à base de la forme ou de la couleur ou de la géomorphologie des espaces qu'elle marque ou à base des genres de plantes, d'animaux ou d'oiseaux qui évoluent dans les espaces que concerne sa nomenclature ; elle est également liée à la nomenclature corporelle humaine et animale, à des événements historiques et à des institutions socio-économiques des imazighen, elle couvre de très longues périodes historiques (amazigho-lybique, africaine, phénicienne, romaine, vandale, arabe, espagnole, portugaise et française), et atteste de la coexistence chronologique de plusieurs langues, cultures et civilisations surtout méditerranéennes.
1 - Vous menez des recherches sur la toponymie au Maroc, qu'est-ce qui a motivé votre intérêt pour cette discipline ?
Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour l'intérêt que vous portez à la langue et à la culture amazighes et à mes préoccupations culturelles amazighes, notamment celles qui concernent mes recherches en toponymie. Pour répondre à votre question, je dois d'abord émettre quelques remarques :
- La toponymie (étude des noms de lieux) fait partie de l'onomastique (étude des noms propres) qui englobe d'autres disciplines se rapportant à l'étude des noms propres, telles l'Anthroponymie (étude des noms, prénoms, surnoms ou sobriquets, noms patrimoniaux et noms matrimoniaux) l'Ethnonymie (étude des ethnies) et l'Hagionymie (étude des lieux sacrés et des noms de saints). La toponymie, à son tour englobe l'Oronymie (étude des noms de montagnes), l'Hydronymie (étude des noms de cours d'eau), la Microtoponymie (étude des noms de lieux-dits / habités) et l'Odonymie (étude des noms de quartiers et de rues). La toponymie est revendiquée par différentes disciplines (à savoir : la géographie, l'Histoire, la linguistique, la cartographie, l'état civil et autres disciplines qui veulent en faire l'objet exclusif de leur étude) ;
- la toponymie au Maroc connait une situation paradoxale : d'une part la quasi majorité de la toponymie marocaine, sinon nord africaine, est amazighe (la terre marocaine parle amazighe de point de vue toponymie !); d'autre part cette toponymie est sujette à toutes les altérations et érosions imaginables : altération phonétique; déformation au niveau de la transcription; interprétations fantaisistes, idéologiques et même quelquefois démagogiques; substitutions nominales; stratigraphie nominale ; nomenclature métissée ; etc …;
- La plupart des études qui ont été menées à propos de la toponymie amazighe mettent l'accent sur la recherche de la signification des noms de lieux à partir d'un corpus donné sans mener des enquêtes sur le terrain;
- On oublie souvent que la toponymie est au carrefour des sciences humaines, et par conséquent, que son étude relève non pas d'une question de discipline ou de spécialité ; mais du genre d'approche qu'on adopte ou qu'on doit adopter ou qui est appropriée ;
- On oublie aussi que la toponymie amazighe est inhérente, jusqu'à présent, à une langue orale. Par conséquent, la démarche à suivre afin de définir le sens du toponyme amazighe est autre que celle qu'on adopte dans le cas d'une langue écrite. Dans le premier cas c'est la valeur phonétique du nom qui détermine son sens (il faut savoir s'il s'agit de tizi ou tiZi ; isli ou iZli) alors que dans le deuxième cas c'est l'écrit qui détermine son sens (les mots suivants ont la même valeur phonétique mais leurs sens varie selon leur forme scripturaire : ver, verre, vert et vers) !
- On a souvent confondu le nom commun et le toponyme de point de vue grammatical : puisque on ramène les deux genres soit au masculin soit au féminin ; alors qu'en toponymie on ne peut parler que du nom ou de son diminutif. Il me semble qu'il est aberrant de parler du féminin en toponymie ! Cette erreur se trouve presque dans toutes les études qui ont été faites sur la toponymie amazighe, y compris dans certaines thèses de doctorat d'Etat menées dans le même domaine.
A partir de ces remarques, et d'autres encore sur lesquelles je reviendrai dans d'autres occasions à venir, je me suis intéressé à l'étude de l'onomastique amazighe en général, et de la toponymie amazighe en particulier. Quoique je ne n'appartienne à aucune des disciplines qui revendiquent l'étude de la toponymie que j'ai citées ci-dessus ; je réponds à l'appel de la philosophie et de l'interdisciplinarité des sciences humaines qui constituent le domaine de ma réflexion depuis que j'ai choisi la philosophie en tant que discipline de ma préoccupation professionnelle et intellectuelle au début des années 70. Comme on le sait, la philosophie est, avant tout, une réflexion sur les concepts.
C'est dans ce cadre que j'ai adopté une hypothèse de travail au niveau de la construction du sens du toponyme amazighe, grâce à une discussion au sujet de la démarche appropriée pour la construction du sens du toponyme avec un Professeur français de philosophie (Mr. François SIMONI) en marge d'un exposé que j'ai présenté durant un colloque international sur la toponymie amazighe à Aix-en-Provence (9-11 Juin 2010). Il s'agit d'une hypothèse de travail qui se base sur la signification du terme allemand « Begriff ». ‘'Ce terme signifie à la fois : « conception », « Concept » et, en tenant compte du terme « Greifen » dont il est dérivé, signifie aussi « saisir, s'emparer ». Donc, le concept est le fruit d'une action plus physique que « conceptuelle »''. D'où le toponyme en tant que marqueur d'espace, son occupation et ses usages (Il renseigne ainsi sur le lieu et sur les mémoires sociale et historique du lieu).
C'est ainsi que le topographique, qu'indique le nom, est difficilement indissociable de la dimension sociale et historique. Les noms de lieux permettent de retracer l'histoire écologique, militaire, religieuse, économique et plus largement humaine à travers les siècles. Le Mythe d'Antée exprime, d'une façon particulièrement significative, l'obsession de l'attachement à l'espace géographique. La mise en scène du combat d'Antée (l'Amazighe) contre Héraclès (le Grec), sur le sol amazighe, nous démontre ; d'une part ; comment se ravivait la force d'Antée dès qu'il touchait le sol pour échapper à l'étouffement que lui infligeait Héraclès. D'autre part ; que le retour à l'espace et au terrain est indispensable pour saisir sa signification. De ce fait, la construction du sens approprié du toponyme amazighe nécessite, du fait que la langue amazighe est orale, le retour au terrain et non seulement l'adoption d'approches spéculatives abstraites.
2 - Quel est l'état des études dans le domaine de la toponymie amazighe au Maroc ?
Commençons d'abord par la collecte et l'enregistrement des toponymes. L'onomastique au Maroc, essentiellement dans sa dimension toponymique, est amazighe. Et si une partie de cette onomastique est véhiculée par l'oral, une autre partie a été fixée par écrit depuis le périple du navigateur carthaginois HANNON. Ce dernier avait compilé, au IVème siècle av. j.c., un nombre très important de données onomastiques sur le Maroc dans son œuvre qui retrace son périple. A coté de ces données onomastiques rapportées par HANNON, il faudrait citer celles qui ont été fixées, aussi par écrit, par toute une littérature géographique, ethnographique, historique et même mythologique grecque et romaine.
Avec l'avènement de l'Islam, cette contribution onomastique écrite a été enrichie, d'une part, par l'apport des chroniqueurs, historiens et géographes médiévaux ; d'autre part, par des documents notariaux et par une littérature nationaliste et coloniale: études historiques, géographiques et sociologiques ; état civil, cartographie, différents recensements, etc… . Notons au passage que les lettrés et les notaires de Souss (Sud-Ouest du Maroc) ont contribué largement, dans leurs écrits, à rendre en arabe le sens des toponymes amazighes du fait qu'ils maitrisaient parfaitement les deux langues.
Il est bon de rappeler aussi que l'histoire de la collecte des données onomastiques soulève quelques questions.
Avec les changements sociopolitiques survenus au Maroc ; surtout avec le reflux du mouvement culturel amazighe et la reconnaissance officielle de l'amazighité du Maroc, l'étude de cette onomastique soulève trois problèmes fondamentaux :
1- Le premier concerne la nomenclature onomastique en rapport avec les différentes langues et cultures qu'a connues le Maroc à travers son histoire;
2- Le deuxième relève du processus concernant le passage de l'oral à l'écrit (d'où les problèmes de transcription et de normalisation) ;
3- Le troisième est d'ordre sémantique, relatif à la connaissance et à l'interprétation scientifiques de cette onomastique (toponymie en tant que discipline faisant recours aux disciplines auxiliaires, telles que la linguistique, la géographie, l'histoire, la sociologie, l'anthropologie et autres sciences humaines ou même les sciences de la terre).
En ce qui concerne la recherche, j'ai été frappé par l'état des lieux de la toponymie au Maroc pendant la période allant de 1904 à 2004 ; pour moi, ce sont deux dates très significatives pour l'Amazighité du Maroc. Il s'agit de la date de la création de la « Mission scientifique du Maroc » à Tanger en 1904 et de la publication, en 2004, par l'historien Feu Ali SADKI AZAYKOU au sein de « l'Institut Royal de la Culture Amazighe » (IRCAM) en tant qu'institution officielle chargée de la sauvegarde, de la revalorisation et de la promotion de la langue et la culture amazighes : « Quelques exemples d'onomastique au Maroc». [Namadij min asma Al Aalam Al Joghrafia wa Al Bachariya bi Al Maghreb].
Durant cette période (1904 – 2004), une quantité importante de données onomastiques a été collectée et stabilisée par écrit, mais dans le cadre d'une confluence de trois approches - visions / trois conceptions qui ont contribué à la fixation de l'onomastique marocaine et à son passage de l'oral à l'écrit :
1 – l'approche des colonialistes,
2 – l'approche des nationalistes,
3 – l'approche des militants culturels et des chercheurs ou des institutions impliquées dans la revalorisation et la promotion de la langue et la culture amazighes.
C'était l'Histoire d'un siècle qui résume tout un processus de : «nomination, dé-nomiation et re-nomination» qui avait largement, pour références, des visions idéologiques et rarement des préoccupations scientifiques.
D'un point de vue sémantique, l'étude de l'onomastique en général et de la toponymie en particulier, au Maroc, pose trois problèmes fondamentaux :
1 - Le premier concerne ce qu'on pourrait appeler « la stratigraphie et la substitution nominales ». Il s'agit de montrer, à travers l'étude des toponymes dans l'Histoire, comment ils reflètent les différents contacts et influences linguistiques qu'a connus le Maroc.
2 - Le deuxième est lié à la signification de cette onomastique stratigraphiée et substituée, (une nomenclature métissée), d'où la quête d'une connaissance académique et scientifique de ce patrimoine immatériel qui traduit la diversité linguistique et culturelle du Maroc.
3 - Le troisième relève de l'aspect politique et idéologique lié au processus de nomination, de dé-nomination et de re-nomination qui caractérise la nomenclature marocaine à travers son Histoire, surtout dans ses espaces côtiers et citadins.
Ces trois aspects nous montrent comment les toponymes, naissent, évoluent, disparaissent et peuvent réapparaître de nouveau. Ils nous montrent également que la signification de cette onomastique ne cesse de se (re)-construire.
3 - Quelles sont vos contributions concernant la toponymie amazighe au Maroc ?
Je dois signaler que la réflexion sur l'onomastique amazighe marocaine (étude des noms propres), en général, et sur la toponymie amazighe marocaine (étude des noms de lieux), en particulier, est devenue depuis quelques années parmi mes préoccupations culturelles et intellectuelles les plus importantes.
En effet, depuis 2004 j'ai commencé à participer à des colloques nationaux et internationaux se rapportant aux questions de l'onomastique amazighe marocaine afin de contribuer à une re-construction scientifique de l'onomastique et de remédier aux nombreuses interprétations fantaisistes et idéologiques, et même quelquefois démagogiques, éparpillées par-ci et par-là dans les journaux, sur internet et même dans certaines études dites académiques. Parmi ces contributions, je cite les communications et les approches suivantes :
* « Toponymie et environnement (environnement Belyounech à travers des sources historiques et littéraires) » au colloque sur l'environnement au Maroc (données historiques et perspectives de développement) organisé par l'IRCAM à Zagora; publication de l'IRCAM, Rabat, 2005, p. 231-284 (en arabe).
* « Toponymie et études amazighes au Maroc (état des lieux: de l'ethnologie coloniale à la création de l'IRCAM)» au colloque international sur la toponymie amazighe organisé par Observatori Cataà de la Llengua Amaziga (OCLA), Universitat Autonoma de Barcelona, Institut d'Estudis Internacionals i Interculturals ; du 5 au 9 Novembre 2008 à Barcelone en Espagne.
* «Remarques sur la méthode suivie par les chroniqueurs arabes en matière de transcription de la toponymie amazighe au Moyen Âge » au colloque sur : « la toponymie et la normalisation des noms géographiques et historiques », organisé par le « Groupe de Recherche sur la toponymie ancienne du Maroc », de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Beni Mellal; du 25 au 28 Fevrier 2009 à Beni Mellal.
* « Imilchil entre ‘'Isli et Tislit'' et ‘'IZli et TiZlit'' ou Imilchil entre le Mythe, la Toponymie et l'Histoire sociale» au colloque sur : « Le récit oral et l'ethnographie dans le Haut Atlas Central : contribution à l'étude de l'Histoire sociale et culturelle régionale», organisé par le « Groupe des Etudes Historiques et Ethnographiques », de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Beni Mellal, en partenariat avec l'IRCAM, du 4 au 7 Mai 2009 à Beni Mellal.
* « La toponymie au Maroc : nomination, dé-nomination et re-nomination (Etat des lieux :1904 – 2004)» au colloque sur : « La culture amazighe : réflexions et pratiques anthropologiques, du temps colonial à nos jours», organisé par l'IRCAM en partenariat avec la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sais-Fès, du 27 au 30 Mai 2009 à Fès.
* « Patrimoine Immatériel de Tiznit : du discours identitaire au discours sur le développement (Toponymie comme outil de développement : Cas de Tiznit) » aux travaux de l'Université d'Hiver, organisée par l'Association Asmun pour lesActions Sociales, Culturelles et Sportive et pour la Préservation du Patrimoine; du 4 au 8 Fevrier 2010 à Tiznit.
*« La toponymie amazighe (Berbère) au Maroc : Stratigraphie et substitution nominales, Signification et légitimité » au XVème Colloque d'Onomastique organisé par la Société Française d'Onomastique (SFO) et la Commission Nationale de Toponymie (CNT) de France, du 9 au 11 Juin 2010 à Aix-en-Provence en France.
* « La toponymie au Maroc entre 1904 et 2004 (Etat des lieux : de l'ethnologie coloniale à la création de l'IRCAM) » aux travaux de la 9ème session de l'Université d'été d'Agadir, organisée par l'Association de l'Université d'Eté d'Agadir, du 15 au 19 Juillet 2010 à Agadir.
J'ai aussi participé à l'encadrement des étudiants du « Master de langue et culture amazighes » dans le cadre de la convention entre l'IRCAM / la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d'Agadir et ceux de la « Filière : Médiation culturelle » de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia afin d'initier et sensibiliser les étudiants aux questions relatives à la toponymie amazighe (données introductives et historiques, références de nomenclature toponymiques, aspects méthodologiques et pratiques, dimension amazighe de la toponymie marocaine et son incontournable utilité pour les sciences sociales dans la compréhension de l'Histoire du Maroc et sa Culture dans ses différents aspects) ; années universitaires 2008 - 2009 et 2009 - 2010.
4 - Quelle relation établissez-vous entre le toponyme et l'identité ?
Puisque le toponyme renseigne sur les mémoires sociale et historique du lieu, puisqu'il est difficilement indissociable de la dimension sociale et historique et puisqu'il permet de retracer l'histoire écologique, militaire, religieuse, économique et plus largement humaine à travers les siècles du groupe social qui occupe l'espace marqué par ce toponyme, on peut évidemment affirmer l'existence d'un rapport très étroit entre le toponyme et l'identité.
Mais étant donné que vous me demandez le type de relation que j'établisse entre le « Toponyme » et l'« Identité » ; avant d'aborder le rapport entre les deux, permettez-moi d'abord de préciser quelques réflexions sur les deux termes: « Toponyme » et « Identité » en tant que concepts.
D'un point de vue anthropologique, on ne peut concevoir sémantiquement, ni un «toponyme figé » ni une « identité donnée ». Ils sont tous les deux, spatialement et historiquement, en perpétuelle re-construction. Par conséquent, on ne peut et on ne doit concevoir que « le toponyme re-construit » et « l'identité re-construite ».
Certes, tous les deux, sont séculairement et historiquement ancrés dans la langue et la culture amazighes depuis des temps très reculés en Afrique du Nord. Ils sont même attestés quelquefois hors de cet espace géographique.
Mais si tout le monde revendique la promotion et la revalorisation de la langue et de la culture amazighes, on doit de même revendiquer la promotion et la revalorisation du « Toponyme amazighe » et l' «Identité amazighe» ; c'est-à-dire la « re-construction », non pas seulement du « SENS » du « Toponyme » et de l' « Identité », mais aussi du « Rapport » entre les deux.
Pour établir un tel rapport, on doit faire une coupure idéologique avec les mentalités pré-Ajdiriennes (relatives à la période d'avant le Discours Royal d'Ajdir en 2001) et, en même temps, une coupure épistémologique avec les mentalités des « Super spécialistes » ou des « Tout peut faire l'affaire » !
Une telle re-construction nécessite d'abord l'existence d'institutions spécialisées dans le domaine de la toponymie, des recherches pluridisciplinaires et scientifiques de la toponymie, la concrétisation des recommandations des organismes toponymiques ONUsiens et l'intégration de la toponymie, en tant que discipline, dans les différentes institutions de l'état, et arrêter l'hémorragie de la déformation toponymique. On ne doit pas avoir honte d'un héritage qui constitue une mine d'or pour notre Histoire, notre Mémoire et notre Identité.
5 - Que peut apporter la recherche sur les toponymes à la culture amazighe ?
De point de vue linguistique, il est évident et même tautologique, que la recherche toponymique nécessite tout d'abord un corpustoponymique.
Or le corpus toponymique amazighe dont on dispose actuellement est éparpillé, soit dans de différentes références disciplinaires, soit dans des institutions et administrations diverses se dotant de documents renfermant des données toponymiques dont elles font usage, soit dans des thèses académiques ou des encyclopédies spécialisées.
La plupart du temps, et du fait que la langue amazighe est de tradition orale, ce corpus doit être validé pour se rassurer de son identité synchronique par rapport à son usage chez tel ou tel groupe social. J'ajouterai même qu'il doit être transcritavec une langue aménagée, voire normalisée répondant à des normes linguistiques du tronc commun amazighe.
De point de vue culture générale, la constitution d'une base centralisée de données toponymiques, au niveau national, constituera un corpus géographique, historique, linguistique et anthropologique inestimable pour la culture amazighe. A travers ce corpus la toponymie, en tant que science auxiliaire des sciences humaines, contribuera à la recherche approfondie de l'apport de l'amazighe à ces sciences et à la culture nationale.
De point de vue institutionnel, l'existence des organismes et institutions responsables de la gestion de la toponymie à l'échelle nationale qui veilleront à l'application des recommandations des Nations Unies en matière de toponymie serait d'un intérêt très positif non seulement pour la culture amazighe mais aussi pour la culture nationale et même universelle.
En effet, à côté du Groupe d'Experts des Nations Unies sur les Noms Géographiques (GENUNG) les différents pays membres des Nations Unies se sont dotés d'institutions nationales responsables de la gestion de leur toponymie, telles que : une Commission Nationale de Toponymie (CNT), un Conseil National de l'Information Géographique (CNIG), un Institut Géographique National (IGN), une Société d'Onomastique du pays (comme la Société Française d'onomastique (SFO), un (ou des) Système d'Information Géographique (SIG) et autres organismes et institutions habilitées à gérer et à normaliser la toponymie du pays.
Ces institutions et organismes auront pour mission de contribuer à la conservation et au développement cohérent du patrimoine toponymique du pays. Etant donné que la toponymie marocaine est quasiment amazighe, il est évident que cette dimension institutionnelle contribuera à la sauvegarde de cette toponymie nationale et par conséquent d'un patrimoine culturel universel jusqu'à présent négligé de point de vue normes recommandées par les Nations Unies et par les décisions de l'état marocain concernant la promotion et la revalorisation de la langue et la culture amazighes.


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