Le Maroc, engagé dans une transition énergétique de grande ampleur, s'attache désormais à intégrer l'enjeu social dans la mise en œuvre de ses projets structurants. L'objectif est de renforcer les retombées socio-économiques au bénéfice des populations et de prévenir les contentieux. Cette orientation, centrée sur le pilier social du cadre ESG (environnemental, social et gouvernance), se manifeste notamment à travers le complexe solaire Noor Ouarzazate et le parc éolien de Tarfaya. L'importance du facteur social Selon un rapport publié par la fondation RES4Africa en partenariat avec l'Enel Foundation, «la dimension sociale du cadre ESG joue un rôle crucial dans le succès à long terme et la durabilité des investissements dans les énergies renouvelables». Le document rappelle que «au-delà des aspects techniques et financiers, les projets renouvelables doivent intégrer des considérations sociales pour garantir un développement équitable et inclusif». Le complexe solaire Noor Ouarzazate, porté par l'Agence marocaine pour l'énergie durable (MASEN) et Nomac, filiale du groupe saoudien ACWA Power, illustre cette démarche. Dotée d'une capacité de 580 MW, l'installation «renforce l'engagement du Maroc en faveur de la durabilité» en évitant l'émission de «280 000 tonnes de CO2 par an». Le rapport souligne que «les 3,5 millions de dollars issus de l'acquisition foncière ont financé des infrastructures, la création d'emplois et des programmes communautaires, incluant du soutien à l'agriculture, le pavage de routes, des campagnes sanitaires et des actions éducatives». Toutefois, l'étude relève des zones d'ombre. «La relocalisation de 8 000 villageois issus de pâturages communaux a nourrit des inquiétudes», note-t-elle, révélant «la nécessité de combler le fossé entre les engagements et leur mise en œuvre». Elle ajoute que «la désignation militaire du complexe et l'utilisation d'outils de surveillance ont introduit des changements qui ont affecté les pratiques pastorales et les liens économiques et sociaux entre les villages». Tarfaya, modèle et limites Le parc éolien de Tarfaya, opérationnel depuis 2014 et affichant une capacité de 301,3 MW, constitue un autre exemple. Le rapport estime qu'il «met en lumière l'importance de l'implication communautaire dans les projets d'énergie renouvelable». Outre des emplois locaux durant la construction, il continue d'en générer pour la maintenance et «contribue à l'économie locale par le biais des taxes, des baux fonciers et du développement communautaire». Chaque année, 400 000 dirhams (environ 32 000 euros) sont affectés à des démarches locales, telles que des programmes en faveur de la jeunesse ou l'éclairage public. Mais le rapport pointe la fragilité de l'emploi après la phase de construction. «De nombreux travailleurs ont quitté l'emploi après la construction en raison des compétences spécialisées requises pour la maintenance», relève-t-il, insistant sur «l'importance de la formation professionnelle et du renforcement des capacités pour créer des opportunités d'emploi durables dans le secteur des énergies renouvelables». Un encadrement juridique déterminant La fondation RES4Africa insiste sur la nécessité de bâtir des cadres légaux solides pour réguler la dimension sociale. Elle cite l'exemple du droit marocain, qui combine «des pratiques coutumières avec des lois formelles d'expropriation dans son système Dahir, permettant à la terre d'être réquisitionnée pour des motifs d'utilité publique tout en garantissant généralement des protections procédurales appuyées et des méthodes de compensation». En conclusion, le Maroc apparaît comme un pionnier en Afrique du Nord, ayant saisi que la réussite de sa transition énergétique ne repose pas uniquement sur la performance technique des infrastructures, mais également sur leur acceptabilité sociale et sur la capacité à améliorer les conditions de vie des populations riveraines. Une trajectoire semée de défis, mais qui tend à concilier développement national et justice sociale locale.