Le Maroc a formé un pourvoi en cassation devant la Cour fédérale de justice allemande (Bundesgerichtshof), lié au dossier Pegasus, qui a fixé l'audience au 11 novembre, a appris Barlamane.com. Cette procédure exceptionnelle, engagée contre la société éditrice du Süddeutsche Zeitung et le responsable de la publication de Zeit Online, a constitué l'ultime recours dans le cadre d'une action en injonction pour interdire la republication d'articles relatifs à «l'utilisation présumée» du logiciel espion Pegasus par les services marocains. des décisions de première instance défavorables La genèse de cette affaire a remonté à des décisions de première instance rendues par le tribunal régional de Hambourg (Landgericht Hamburg) le 3 juin 2022. Par deux ordonnances distinctes portant les références 324 O 355/21 (affaire Zeit Online) et 324 O 350/21 (affaire Süddeutsche Zeitung), la juridiction hambourgeoise n'a pas examiné les demandes marocaines dans le fond. Les juges ont estimé que la qualité à agir du royaume chérifien «ne pouvait être reconnue en l'espèce», considérant que les Etats étrangers «ne figuraient pas parmi les personnes protégées par le délit de diffamation prévu par le code pénal allemand.» Le Maroc a interjeté appel de ces décisions devant la cour d'appel régionale hanséatique (Hansolisches Oberlandesgericht Hamburg). Par deux arrêts rendus en formation collégiale le 21 novembre 2023 — respectivement sous les références 7 U 37/22 et 7 U 38/22 — la cour d'appel a confirmé intégralement les jugements de première instance. Les magistrats d'appel ont souligné que «les Etats étrangers n'appartiennent pas au groupe des personnes morales protégées par le délit de diffamation» et qu'«ils ne disposent pas non plus d'un droit général de la personnalité» susceptible d'être invoqué contre des médias allemands. Sauf que ces deux décisions empêchent d'examiner le cœur du dossier, même en France. Le cœur du dossier toujours non examiné La cour d'appel hambourgeoise a appliqué la jurisprudence établie par la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) dans une affaire pénale concernant la diffamation de la République fédérale d'Allemagne, selon laquelle «l'Etat allemand n'a droit à aucune protection de l'honneur protégée par les droits fondamentaux». Les juges ont estimé que cette absence de protection devait s'étendre aux Etats étrangers, sauf disposition légale expresse contraire. Dans un considérant de principe souvent remis en question, la cour d'appel a justifié sa position en invoquant «des paremètres pratiques [qui] militent également en faveur de l'exclusion des Etats étrangers du champ d'application de la protection contre les délits de diffamation, car cela conduirait à une restriction excessive de la liberté d'opinion et de la liberté de la presse». Les magistrats ont relevé particulièrement le «très grand intérêt public» à être informé sur les activités d'Etats étrangers, notamment en période de crise ou de conflit international. Le Maroc, lui, ne désarme pas. Il vient d'exercer son dernier recours juridictionnel en se pourvoyant en cassation devant la plus haute juridiction civile allemande. La VIe chambre civile de la Cour fédérale de justice, spécialisée dans la protection des droits de la personnalité, a été saisie de cette question de principe : un Etat étranger a-t-il pu se prévaloir de la protection du droit allemand contre des publications de la presse nationale ? L'audience du 11 novembre 2025 a représenté l'aboutissement d'une procédure judiciaire exceptionnelle qui a mobilisé pendant plus de quatre années l'appareil judiciaire allemand, des tribunaux régionaux jusqu'à la plus haute juridiction fédérale. La décision de la Cour fédérale de justice devrait établir une jurisprudence fondamentale concernant les limites de la liberté de la presse allemande à l'égard des Etats souverains étrangers.