La symbolique était presque banale. Le président américain a choisi le siège de son Département d'Etat (le ministère des affaires étrangères) pour prononcer son discours sur la politique étrangère de son pays vis-à-vis du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. D'emblée, Barack Obama donne le ton : c'est un nouveau chapitre que la diplomatie américaine entend ouvrir dans sa façon de traiter avec le monde arabe. L'Amérique ne peut qu'encourager les mouvements de protestation qui agitent cette région depuis six mois. Obama a été on ne peut plus clair. Le champion des libertés individuelles que sont les Etats Unis d'Amérique, soutiennent les aspirations de la jeunesse arabe à davantage de démocratie, de liberté d'expression et d'émancipation sociale. Ce soutien s'articule autour de trois axes principaux. Accompagner le mouvement de révolte pacifique initié en Tunisie et en Egypte. Aider les nouvelles élites démocrates à réussir leurs périodes de transition par une assistance économique conséquente. Et finalement attirer l'attention des régimes réfractaires à un changement pacifique, sur le danger que représente pour leur survie politique, l'utilisation démesurée des moyens de répression contre leurs propres populations. Jeudi dernier donc, le« Commander-in-Chief » qui a réussi sa plus grande victoire militaire – jusqu'à maintenant - en neutralisant le leader d'Al-Qaida Oussama Ben Laden, a repris les habits du «Professor-in-Chief » pour captiver son auditoire. Pendant presque une heure, le tribun hors-pairs qu'est le président Obama a détaillé les nouvelles priorités de son administration pour le monde arabe. Il a également profité de l'occasion pour marteler ses propres convictions politiques et sociales. Celles-là même qui ont fait sa gloire lors de la campagne électorale qui l'a apporté à la maison blanche en 2008. Barack Obama a salué la mémoire et le sacrifice de Mohamed Bouazizi, le jeune tunisien dont l'auto-immolation a fini par provoquer la fuite de l'ancien président Zine El-Abidine Ben Ali. avant que le souffle de la révolte ne se déplace à la Place de la Libération au Caire. En six mois, la fameuse « rue arabe » a pu réaliser ce que les extrémistes et les terroristes ont échoué à accomplir en dix ans d'attaques suicides ! C'est la leçon essentielle que tire Obama des changements extraordinaires qui se produisent dans les pays arabes. Pour lui, le principe fondamental demeure le droit inaliénable des peuples à disposer d'eux-mêmes, à choisir leurs gouvernants et à leur demander des comptes. Les régimes arabes se trouvent ainsi devant un choix qui pourrait paraître absurde pour certains d'entre eux, voir cornélien pour d'autres. Soit ils s'ouvrent aux demandes de leurs citoyens pour un partage équitable du pouvoir et des richesses, soit ils tombent! Dans la deuxième partie de ce discours «historique», le président ne pouvait pas éviter d'évoquer le conflit israélo-palestinien. Et là, la surprise est venue quand il a appelé Israël à reprendre les négociations avec les Palestiniens sur la base de la fameuse ligne de partage de 1967. Cette demande a été catégoriquement rejetée par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui ne veut pas en entendre parler. Netanyahu, dont la relation avec Obama n'a jamais été au beau fixe, est actuellement en visite aux Etats Unis, où il se prépare à rameuter tous ceux que Washington compte comme lobbys pro-Israël. Le but étant de rappeler au locataire de la Maison Blanche, qu'à la différence des pays arabes, la sécurité et l'avenir de l'Etat hébreu ont toujours été et demeureront – pour les Américains - un enjeu de politique interne ; et non pas un point sur l'agenda du Département d'Etat! En attendant, Obama entame une tournée européenne. Il ne devrait pas manquer d'inciter cette «Europe Forteresse » et craintive à faire preuve de plus d'imagination et de fermeté vis-à-vis de ceux parmi les potentats arabes, qui n'ont pas encore compris que le mouvement de l'Histoire vient de s'accélérer dans leur région.