Dans un discours empreint de colère et d'émotion lors de la conférence régionale du Parti de la Justice et du Développement (PJD) à Casablanca, Abdelilah Benkirane est sorti de ses gonds en exprimant fièrement son attachement au qualificatif de « fils de l'Iran », dans le contexte de son soutien à la position de Téhéran sur la question palestinienne. Avant de se rétracter, attaquant la République islamique et la qualifiant de « fautive » et « en quête d'hégémonie dans la région ». Une contradiction flagrante qui reflète davantage une confusion politique qu'une clarté idéologique. Lorsqu'un leader politique déclare devant un auditoire partisan qu'il est « le fils de l'Iran » parce qu'il a soutenu ce pays lorsqu'il affrontait Israël, puis se ravise en l'accusant de dérive hégémonique, on n'est pas face à une analyse politique mûrie, mais à un discours emporté par l'émotion et l'impulsivité. Benkirane semble prêt à tout pour attirer l'attention, même au prix de propos contradictoires qui entachent sa crédibilité auprès de l'opinion publique. Fait notable, Benkirane a tenté de conférer à son expression controversée un caractère symbolique, en lien avec un soutien affiché à la cause palestinienne. Mais le choix de cette formulation dans un contexte régional et international aussi tendu ne peut être dissocié des tensions persistantes entre le Maroc et l'Iran, et des accusations récurrentes d'ingérence de Téhéran dans les affaires internes des pays arabes, dont le Maroc. Il est évident que Benkirane ne cherchait pas à articuler une position stratégique équilibrée sur le conflit israélo-arabe ou sur l'avenir de la cause palestinienne. Il a plutôt instrumentalisé ce dossier pour régler ses comptes avec ses opposants politiques internes, allant jusqu'à les traiter de « vermines », « agents d'Israël » et « mercenaires ». Un langage virulent révélateur d'une crise morale bien plus que politique, et d'un refus manifeste de tout débat démocratique sain au sein du parti comme dans l'espace public. Benkirane n'en est pas à sa première déclaration ambiguë. Mais ce qui rend son discours actuel d'autant plus préoccupant, c'est son usage délibéré de la religion et des textes religieux à des fins populistes, entretenant une confusion malsaine entre foi, politique et allégeance partisane. Alors qu'il invoque des versets coraniques pour appeler à l'unité de la Oumma islamique, il s'en prend violemment à ses concitoyens, allant jusqu'à les maudire : « Qui ira à vos funérailles ? » Cette dangereuse dérive dans le discours traduit une véritable crise de leadership, bien plus qu'un simple dérapage verbal. Elle pose un dilemme crucial au PJD : persistera-t-il dans cette tonalité émotionnelle et destructrice ? Ou choisira-t-il de revoir le style de son leader, qui confond chaire religieuse et tribune partisane, foi islamique et calculs idéologiques étriqués ? Les propos de Benkirane lors de cette conférence régionale ne sauraient être réduits à un « discours mobilisateur ». Ils reflètent un échec politique à suivre les mutations du paysage national et international, et une fuite en avant derrière de grands slogans pour masquer les reculs et les désillusions. Quant à l'invocation de « l'Iran » dans ce contexte, elle ne relève ni d'un choix souverain ni d'un principe affirmé, mais d'une carte de plus dans un jeu politique désorienté, où la boussole semble définitivement perdue.