La fuite du général algérien Abdelkader Haddad, connu sous le nom de « Nasser El Djen », ne peut plus être perçue comme un simple incident sécuritaire à passer sous silence. Elle est devenue le symbole d'un système militaire à bout de souffle, fragilisé de l'intérieur après des décennies de pouvoir sans partage. Qu'un homme issu du cœur même des services de renseignement choisisse de s'enfuir clandestinement par bateau vers les côtes espagnoles, alors qu'il détient des secrets cruciaux sur les rouages du régime et les leviers de sa stabilité, illustre la perte de confiance au sommet de l'Etat et la vulnérabilité de son cercle le plus restreint. Cet épisode survient dans un contexte d'asphyxie généralisée : une économie dépendante des cours des hydrocarbures, un chômage persistant, une flambée du coût de la vie et une colère populaire qui couve malgré la répression. À cela s'ajoute l'intensification des rivalités entre clans de l'armée, au moment même où la diplomatie algérienne perd en influence sur les dossiers régionaux et où le régime s'enlise dans une crise de légitimité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. L'histoire récente démontre que de telles fissures internes annoncent souvent l'effondrement des régimes militaires bâtis sur la peur et l'allégeance plutôt que sur les institutions et la légitimité. La Libye, l'Egypte ou encore le Chili en offrent des exemples frappants : le moment de rupture surgit brutalement, lorsque le mur se lézarde de l'intérieur et que la rue saisit l'opportunité d'imposer une nouvelle équation. Aujourd'hui, le pouvoir algérien semble s'accrocher à un sol mouvant, achetant du temps grâce aux recettes pétrolières tout en brandissant une poigne sécuritaire déjà fragilisée. Mais lorsqu'un de ses hommes choisit l'exil, c'est le signe que le compte à rebours est enclenché. L'Algérie est entrée dans l'ère d'avant-changement. La question n'est plus de savoir si le régime tombera, mais quand et comment, et surtout qui occupera le vide qu'il laissera derrière lui.