Les contestations des chevillards se situent à plusieurs niveaux. Ils préfèrent chômer plutôt que de travailler pour perdre leur argent. Le seul gagnant dans cette affaire est l'abattage clandestin. Grève ou pas, la situation du marché des viandes vacille entre les problèmes de l'abattage clandestin qui continue de prospérer et le soi-disant calvaire des chevillards de plus en plus déçus par la sourde oreille des responsables. En revanche, les bouchers pointent les chevillards du doigt, les accusant de spéculation préméditée. Cette situation ambiguë touche le consommateur en premier lieu. A n'importe quel moment, le prix de la viande peut marquer des hausses atteignant parfois facilement 10dh le kilo. Chez les bouchers, le prix est d'environ 70 dh le kilo en début de semaine à cause justement de cette atmosphère d'incertitude et de rejet mutuel des responsabilités. Cependant, la liste des problèmes n'est pas claire. Outre les taxes d'abattage et la prolifération de l'abattage clandestin, les syndicalistes dénoncent des conditions nécessaires au travail au sein des nouveaux abattoirs. La gestion des abattoirs est loin de plaire à ces professionnels qui se considèrent exclus de ce travail d'organisation. Selon Ahmed El Omari, secrétaire général du Syndicat national des professionnels du secteur, le prix de la viande est passible de connaître des hausses imprévisibles si la porte du dialogue reste fermée. «Les responsables ne daignent même pas nous entendre, comme si l'intérêt général de ce volet économique et social ne les concernait pas. Et pourtant, ils savent pertinemment que le citoyen est le premier à payer les frais de cette situation». Toutefois, les rumeurs qui courent disent que les chevillards font exprès d'observer de temps en temps une grève pour liquider les stocks en viande dans les frigos des abattoirs et à des prix un peu plus élevés que le cours normal. Ils sont conscients que les réserves compenseraient largement le marché en attendant le retour à l'abattage. Ce à quoi répond M.El Omari : «Ceux qui avancent de tels propos n'ont qu'à faire une visite sur place dans les frigos pour voir ce qu'il en est de ces présumés stocks. Il est insensé de croire que cette situation arrange les chevillards qui ont l'habitude de ne jamais prendre de répit sauf les quelques jours à l'occasion de l'Aid Elkébir». Et d'ajouter: «Comment espérer une hausse de prix, sachant que l'abattage clandestin bat des records ? Sans parler des supermarchés qui s'approvisionnent aux souks hebdomadaires avoisinants Casablanca, comme Tit Mellil, Sidi Bennour, Had Soualem etc.» A ce titre, la concurrence est loin d'être à l'avantage des chevillards. Les grandes surfaces telles que Marjane et Acima proposent la viande à des prix avoisinant les 40 dirhams. Aucune chance pour les bouchers de prendre le risque. Plus encore, ces derniers commencent à se faire beaucoup de soucis pour la survie de leur commerce. Selon l'un d'entre eux, ils sont plus de 5000 à être concernés, et si les choses perdurent encore, il y aura de la faillite en l'air. Et pour revenir au syndicat, qui a lancé un communiqué où il accuse la Communauté urbaine de Casablanca, en sa qualité de responsable de la gestion des abattoirs, le problème se pose au niveau d'un interlocuteur crédible. Les services de la wilaya avancent en revanche que si ces gens avaient quelque chose à discuter, ils n'avaient qu'à le demander. Ce n'est pas à la wilaya d'aller à leur rencontre leur demander de quoi il en est. Autant dire que les citoyens commencent à être beaucoup plus tentés par les viandes blanches, à force d'en avoir marre de ces tractations bovines.