Alors que la Coupe d'Afrique des nations vient à peine de débuter, un phénomène bien connu des grandes compétitions sportives refait surface au Maroc : la montée fulgurante de la revente illégale de billets. Les premiers signes étaient perceptibles avant même le lancement du tournoi. Mais avec les matchs de la sélection marocaine, la pression s'est accrue, donnant lieu à un marché parallèle particulièrement actif. L'épuisement rapide, sur le site officiel de billetterie, des tickets restants pour les rencontres des Lions de l'Atlas en phase de groupes a immédiatement ouvert la voie à une explosion d'offres sur les réseaux sociaux. Les prix, quant à eux, se sont envolés à des niveaux jugés « fantaisistes » par de nombreux supporters. Face à l'ampleur du phénomène, la police judiciaire relevant de la Direction générale de la sûreté nationale a ouvert plusieurs enquêtes, sous la supervision des parquets compétents. Huit personnes sont actuellement soupçonnées de spéculation illégale sur les billets de la CAN, organisée cette année au Maroc. Selon une source sécuritaire, les services de veille numérique ont repéré des publications proposant à la vente des billets en dehors de tout cadre légal. Des investigations techniques et de terrain ont permis d'identifier les auteurs présumés. Les interpellations, menées dans plusieurs villes — Rabat, Témara, Agadir, Salé, Marrakech et Mohammedia — ont conduit au placement en garde à vue des suspects, dans le cadre d'une enquête judiciaire destinée à déterminer l'étendue des réseaux et les motivations à l'origine de ces pratiques. Les services de sécurité poursuivent leurs investigations pour repérer d'éventuelles ramifications, dans un contexte où toute perturbation du bon déroulement de la compétition est scrutée avec vigilance. Pour Tayeb El Hazzaz, expert en sécurité informatique, la situation s'inscrit dans une logique bien identifiée lors des grands événements internationaux. « Il s'agit d'une activité économique informelle et saisonnière, connue mondialement dans toutes les grandes manifestations (Mondial, Jeux olympiques, compétitions continentales), où la demande augmente pour les billets, l'hébergement, le transport et les services, créant des tentatives d'exploitation conjoncturelle », explique-t-il. L'expert dénonce également ce qu'il qualifie « d'amplification informationnelle systématique », construite selon lui à partir de récits orientés visant à laisser penser à une « désorganisation » du tournoi. Une perception qui « ne correspond ni aux réalités du terrain ni aux indicateurs sécuritaires », affirme-t-il. El Hazzaz souligne que certains comptes sur les réseaux sociaux exploitent des cas isolés pour influencer le déroulement normal de la vente des billets. Dans son analyse, il ajoute : « Du point de vue de l'intelligence économique et sécuritaire, le marché noir n'est pas l'objectif final, mais un simple outil dans une bataille plus large visant à ternir l'image du pays. Il existe un focus anormal sur le Maroc, avec la répétition des mêmes narratifs en parallèle de l'événement sportif, ce qui correspond aux modèles de la guerre hybride mêlant économie illégale et attaque cybernétique ». L'expert appelle toutefois à poursuivre une stratégie proactive : « Il faut combattre le marché noir en continuant l'action des cellules de veille, en démantelant les réseaux numériques et non seulement les vendeurs sur le terrain, et en retraçant les circuits de financement et d'orientation informationnelle ». Il plaide en outre pour la protection des « chaînes de valeur » liées à la CAN, afin d'éviter que l'événement ne devienne un vecteur de déstabilisation économique. À ses yeux, la sécurité sportive doit être intrinsèquement liée à la réputation de l'État, tout en intégrant le citoyen comme acteur de vigilance, notamment par l'apprentissage de la vérification des informations et la promotion d'une « sécurité informationnelle collective ». Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des associations de protection du consommateur, appelle, lui, à une réponse juridique plus ferme contre les acteurs du marché noir. « Il existe des manipulations de la part de 'courtiers en billets' qui achètent de grandes quantités », affirme-t-il, préconisant l'instauration d'un plafond fixé à trois ou quatre billets par plateforme. Selon lui, les plateformes qui autorisent l'achat en grandes quantités endossent une part de responsabilité, puisqu'elles contribuent indirectement à la flambée des prix. « Le consommateur est la première victime de ces pratiques inacceptables qui multiplient les tarifs de manière excessive », déplore-t-il. Le responsable regrette également le comportement de certains supporters qui, en acquérant des billets à des montants exorbitants sur le marché noir, participent malgré eux à l'aggravation du phénomène. Il appelle à une enquête approfondie sur les raisons de cette recrudescence et à la multiplication des points de vente afin de désengorger l'unique canal existant, le site officiel de la CAF.