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France : Les démons de l'islamisme (64)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 24 - 02 - 2005

Deux journalistes français, Christophe Deloire et Christophe Dubois ont publié, chez Albin Michel, un livre intitulé «Les islamistes sont déjà là» et qu'ils présentent comme «une enquête sur une guerre secrète». L'ouvrage vaut la peine d'être lu ne serait-ce que pour les notes des «services» qui semblent avoir fortement «inspiré» les deux co-auteurs. Nous en publions les bonnes feuilles, chapitre par chapitre.
Bencheikh ne tient pas
ses promesses
Marseille, décembre 2003
Il est le «Luther de l'Islam», le lutteur pour cet Islam républicain auquel veut croire la classe politique française. Inlassable orateur, il est aussi l'auteur d'un ouvrage remarqué Marianne et le Prophète (Grasset), qui vante la spiritualité de l'Islam de Cordoue, Tolède, Samarkand et Bagdad. Né en 1961 à Djedda, en Arabie saoudite, ce rejeton d'une famille algérienne appelle à modifier le fiqh, le droit musulman, et à rouvrir la porte de l'ijtihad, l'effort personnel d'interprétation du texte. Il a même suggeré de «désacraliser» le Coran. Le genre de déclarations qui ne suscite pas que des amis dans les mosquées.
Soheib Bencheikh peut se targuer d'une formation à l'université al-Azhar du Caire -l'université la plus réputée du monde musulman- et d'un doctorat en sciences religieuses à l'École pratique des hautes études à Paris. Certes, l'intellectuel éclairé est aussi bien né. Son père n'était autre que le cheikh Abbas Bencheikh, ancien ambassadeur d'Algérie à Riyad qui en 1982 a raflé la Mosquée de Paris, pour le compte d'Alger. Son ascendance n'empêche pas le jeune homme d'expliquer comment les chaires des mosquées, utilisées par les gouvernements pour faire passer les consignes, ont ensuite été prises d'assaut par les contestataires et sont devenues des enjeux politiques.
Soheib Bencheikh n'a pas tenu le coup. Trop d'adversité endurée, assurent ses amis. Il ne promouvait pas une lecture coranique orthodoxe, alors les extrémistes l'ont traité de «mécréant». Des salafistes, ces ultras de l'Islam ont lancé une fatwa contre lui. Le militant d'un Islam laïque s'est mis à avoir peur dans la rue, à se retourner pour vérifier s'il était suivi. Il s'est laissé bercer par l'aura médiatique, par les appels du pied des ministres français, mais la pression était trop forte. «Il n'a pas ménagé la chèvre et le chou, s'en est pris de front à ses ennemis, et il lui a finalement manqué le calme et la sérinité», analyse l'un de ses proches. Soheib Bencheikh a succombé aussi à ses propres démons, au chaos de sa vie. Il est fatigué. Lui qui était partisan du dialogue interreligieux a trouvé du travail… dans une association catholique. Mais il n'a plus la force de lutter. Nommé au Conseil français du culte musulman en tant que personnalité qualifiée, il s'avise d'en démissionner en décembre 2003. Mais encore faut-il puiser l'énergie d'écrire la lettre. Le fils de l'ancien recteur de la Mosquée de Paris a du mal à renoncer aussi au titre de «grand mufti de Marseille», sui lui était échu en 1995. De son propre avis, l'appellation a un caractère «pompeux et moyenâgeux». Dalil Boubakeur l'y avait nommé pour deux raisons : écarter un concurrent sérieux et redorer le blason de la Mosquée de Paris. La première opération a réussi, la seconde non. L'intéressé le raconte lui-même : «On dit de moi que je suis un parachuté qui n'a jamais atterri.» Sur plus de trente lieux de cultes à Marseille, l'établissement parisien n'en contrôle que cinq ou six.
Soheib Bencheikh a parfois du mal à se contrôler lui-même. Le 21 septembre 1996, il assiste à l'assemblée constitutive du Conseil supérieur des mosquée de France, qui se réunit à la Mosquée de Paris. Dans l'assistance, il croise Habib Kaaniche, un aumônier musulman du sud de la France qu'il considère comme un ennemi. Officiant dans les prisons, Kaaniche a été reconnu comme intelocuteur par les armées. Né à Sfax en Tunisie, docteur en sciences politiques, il a suivi les cours de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure et de l'Institut des hautes études de la défense nationale. Lorsqu'il recrute un nouvel aumônier, Kaaniche s'adresse aux services de la République, à la DST et aux RG, pour vérifier les qualités du candidat. «Ce n'est pas moi qui travaille pour eux, mais eux qui travailent pour moi», précise-t-il. Bencheikh et Kaaniche ne se supportent pas en tout cas. Ils ont un contentieux, à propos d'un projet de construction d'une grande mosquée à Marseille. Le 21 septembre 1996, il est prévu de trancher le différend dans le bureau de Boubakeur. L'aumônier attend dans le bureau de la secrétaire.
Selon lui, le mufti de Marseille survient en l'insultant. Il le traite de «suppôt de la DST», puis lui flanque «un coup violent sur l'oreille gauche». La victime hurle : «J'ai eu un coup de poing!» Dans le couloir, Boubakeur entend les cris. Un témoin apporte que l'agresseur aurait proféré de sévères accusations : «Je ne regrette pas de t'avoir frappé, tu es un sale Tunisien et un traître collaborateur des services français de la DST et des RG. Ta place n'est pas parmi nous», propos que le mufti de Marseille ne se souvient pas aujourd'hui d'avoir prononcés. Le directeur général de la mosquée, Mahjoub Bentebria, survient: «J'ai vu la domination physique exercée par monsieur Bencheikh Soheib, qui se tenait debout, tandis que monsieur Kaaniche était assis.» Sur le moment, le grand mufti ne se défend pas d'avoir mis une raclée à l'aumônier. Il refuse même de faire des excuses, sous prétexe «qu'il est un homme et qu'il est fier». Devant des magistrats, Bencheikh affirmera avoir seulement tiré son adversaire par la manche, ce dernier ayant créé un «incident de toute pièce».
Quoi qu'il en soit, l'impétuosité du grand mufti fait des dégâts. En 1998, Dalil Boubakeur ressent comme des agressions certaines pages de son livre Marianne et le Prophète, qui évoquent notamment les préférences politiques du recteur. Furieux, il stigmatise l'échec de Bencheikh dans sa mission marseillaise et critique l'hypocrisie de sa lecture coranique. Il raconte à qui veut l'entendre que l'imam de Marseille ne doit son aura médiatique qu'au soutien du parti algérien de Saïd Saadi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie, plutôt prisé dans les cercles intellectuels, en ne reconduisant pas son contrat qui arrive à expiration. «Il a été possible d'apprendre que Dalil Boubakeur a rendu compte de cette affaire au représentant des services de sécurité en poste à l'ambassade d'Algérie à Paris 1.» Toujours ce rôle en coulisses du gouvernement algérien. Bencheikh, de son côté, avait déjà été convoqué. L'agent secret lui avait soufflé dans les bronches. Coneiller au cabinet du ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane intervient auprès auprès de l'ambassade. En substance : «Vous licenciez un imam français alors que vous envoyez des imams algériens.» L'Algérie décide de reconduire tout de même Bencheikh. Boubakeur cède à l'injonction. Mais des clauses précises assortissent le contrat, enjoignant au salarié d'obéir à sa hiérarchie et lui interdisant la participation à des réunions politiques sur l'Algérie. Mais le recteur est sur ses gardes. «Ce dernier se méfie plus que jamais des réactions de M.Bencheikh qu'il a toujours considéré comme un rival «aux dents longues» et s'intéresse de très près aux relations nouées récemment entre l'imam de Marseille et le général Laamari en Algérie 2», l'un des hommes les plus puissants du régime. Malgré ses solides appuis, le déclin du jeune homme à l'avenir prometteur semble pourtant avoir déjà commencé.
1- «Le livre de Soheib Bencheikh, mufti de Marseille, intitulé Marianne et le Prophète, provoque la colère du recteur Dalil Boubakeur», DST, 21 février 1998.
2- «Assemblée générale de la Sociéé des habous et des lieux saints de l'Islam», DCRG, 2 septembre 1998.


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