Aziz Akhannouch peut-il réussir à concilier la primature et la présidence du conseil d'Agadir ? Alors que la loi organique n° 04.21 modifiant et complétant la loi organique n° 27.11 relative à la Chambre des représentants interdit la combinaison de la qualité de membre au Parlement et de la présidence des villes de plus de 300 000 habitants, elle reste tacite sur le fait de combiner la présidence du gouvernement avec celle des conseils communaux. Au Maroc, certaines incompatibilités électorales sont érigées en vertu de la séparation des pouvoirs et de la prévention des conflits d'intérêts, le cumul des mandats concerne des multipositions non réglementées parmi les fonctions politiques électives locales, nationales ou supranationales et la loi reste peu diffuse sur l'occupation simultanée de positions partisanes, syndicales ou associatives, publiques ou parapubliques. Pour les observateurs, la question du cumul des deux missions (la présidence du gouvernement et la présidence du Conseil d'Agadir) reste juridiquement possible, étant donné que la loi le permet. Selon la loi organique, sont incompatibles «plus d'une présidence d'une chambre professionnelle, d'un conseil communal, d'un conseil préfectoral ou provincial, d'un conseil d'arrondissement communal ou d'un groupement constitué par des collectivités territoriales». La liste RNI aux élections communales d'Agadir a remporté 29 sièges, suivie de la liste du Parti Authenticité et Modernité avec 6 sièges, et du Parti Justice et Développement, qui a dirigé les affaires du groupe pendant deux mandats, avec 5 sièges. Selon le journaliste Reda Zaireg, «le temps de la gestion des villes en distanciel et par parapheurs acheminés jusqu'à Rabat ne prendra visiblement pas fin, cinq ans après la régionalisation avancée. La nouveauté est qu'aujourd'hui, la signature électronique existe. Que le chef du gouvernement lui-même cherche activement à cumuler une charge gouvernementale et un mandat exécutif local créé un dangereux précédent, et donne un sacré exemple aux membres du gouvernement à venir». Il estime que «le problème de la loi marocaine est qu'elle interdit aux ministres d'être simultanément membres du parlement ou présidents d'un Conseil de région, mais les autorise à présider d'autres collectivités territoriales: ils peuvent diriger un conseil communal, un conseil préfectoral ou provincial, un conseil d'arrondissement communal ou un groupement de collectivités territoriales.» Le journaliste avance l'exemple de la France où «les responsabilités gouvernementales ne peuvent être cumulées avec, notamment un mandat de maire, ou un autre mandat local exécutif» ou encore l'exemple britannique où «les membres du gouvernement doivent abandonner toute charge publique à laquelle ils ont été nommés ou désignés». «Avec l'accroissement des prérogatives des maires, et la montée en complexité du métier politique local, le mandat communal mobilise davantage de temps et d'efforts. Dans le cas des communes à forte densité démographique comme Agadir, le mandat exécutif local devrait être exercé à plein temps. Il en va de même pour les responsabilités de chef du gouvernement, qui sont extrêmement prenantes» a-t-il expliqué. «Aziz Akhannouch pourra-t-il être présent à Agadir lors du vote des budgets et pour les sessions annuelles, étant donné que la loi l'y astreint ? Pourra-t-il être présent si une urgence venait à se déclarer, enclenchant une session extraordinaire du Conseil de la ville ? Ou fera-t-il gérer la ville comme certains présidents faisaient gérer des pays entiers sous d'autres latitudes, à travers l'autorité morale d'un siège vide et d'un portrait accroché au mur, et en se désinvestissant de toute responsabilité au profit de seconds rôles qui parlent, votent et signent au nom du Grand Absent ? Des suppléants qui jouent, pour ainsi dire, un rôle de "garde-place" au profit du maire "moral" du territoire, en veillant à ses intérêts locaux» s'interroge-t-il. «Vu de l'angle des conflits d'intérêts, le cumul des mandats, souvent hâtivement perçu comme potentiellement porteur de conflit entre deux intérêts public/public qui, tous deux contenus dans la sphère de l'intérêt général, ne lui sont intrinsèquement pas nocifs, pose en réalité plusieurs problèmes: d'une part, le service d'un ou de plusieurs intérêts publics peut bien favoriser, ou offrir un paravent à une variété d'intérêts privés. D'autre part, chaque catégorie d'élus est choisie pour se prononcer, représenter et défendre une catégorie spécifique d'intérêts (local, national, etc.) parfois conflictuels; dans une situation de la sorte, l'élu cumulant deux mandats ne peut que manquer à l'une des missions potentiellement contradictoires pour lesquelles il a été élu. Le cumul vertical des mandats y est particulièrement permissif en facilitant, par exemple, un transfert de ressources ou d'attention publique vers un territoire électif local: le maire-ministre peut orienter l'initiative publique, ou l'influencer de façon indue dans l'objectif de capter des ressources pour sa collectivité, au détriment d'autres territoires» a-t-il conclu.