Les détaillants de tabac à travers le Maroc ont décidé d'entamer une campagne de boycott ciblant exclusivement la Société marocaine des tabacs (SMT), en réaction à la stagnation de leurs marges bénéficiaires depuis plus de longues années. Cette action, prévue du 2 au 16 avril, «pourrait être prolongée si la direction de l'entreprise refuse d'ouvrir des négociations avec les commerçants, lesquels réclament une révision substantielle de leurs conditions commerciales», selon des sources proches du dossier. Derrière cette fronde, une revendication principale : l'augmentation du taux de marge des détaillants, actuellement limité à 4 %, un seuil inchangé depuis plus les années 1980 alors que les prix du tabac n'ont cessé de croître et que la SMT continue d'enregistrer des bénéfices considérables. Selon le syndicat professionnel des commerçants et des professionnels, qui a annoncé la mobilisation, «toutes les tentatives de dialogue avec la direction de la SMT n'ont pas abouti.» Une demande officielle de rencontre a été adressée à l'entreprise sans qu'aucune réponse ne soit apportée, ce qui a poussé les commerçants à durcir le ton et à annoncer des actions publiques. Un mécontentement croissant face à un rapport de force inégal Les débitants de tabac condamnent un déséquilibre dans leur relation avec la Société marocaine des tabacs, «qui fixe unilatéralement les marges bénéficiaires des détaillants sans tenir compte de l'évolution du marché.» En parallèle, les hausses successives des prix du tabac, imposées notamment par l'augmentation des taxes, n'ont eu aucune portée positive sur les revenus des commerçants. «Nous n'avons jamais été associés aux décisions qui nous concernent directement. La SMT continue d'engranger des profits bien que les petits commerçants voient leurs marges se réduire comme peau de chagrin», souligne le syndicat dans son communiqué. Les professionnels du secteur estiment qu'il est devenu économiquement intenable de continuer à vendre les produits de la SMT dans ces conditions. «Vendre pour un million de dirhams de cigarettes ne génère qu'un bénéfice de 40 000 dirhams. C'est dérisoire compte tenu des charges que nous devons supporter», déplorent-ils. Une pression sur le leader du marché Le choix de cibler exclusivement la SMT repose sur plusieurs considérations stratégiques. Acteur incontesté du marché marocain, la Société Marocaine des Tabacs détient la plus grande part du secteur, tout en imposant aux détaillants les marges les plus faibles comparées aux autres acteurs du marché. À travers ce boycott, les commerçants espèrent contraindre l'entreprise à revoir sa politique tarifaire et à instaurer un cadre de dialogue équitable. La menace d'un allongement de la durée de la mobilisation plane déjà, les professionnels ayant averti que le mouvement pourrait se prolonger au-delà du 16 avril si aucun signe d'ouverture ne leur parvient. «Nous avons tenté toutes les voies du dialogue avant d'en arriver là», insiste le syndicat, qui rappelle que son objectif n'est pas de perturber le marché mais d'obtenir un partage plus équitable des bénéfices issus de la vente du tabac. Face à cette situation, la SMT ne s'est pas encore exprimée officiellement. Reste à savoir si ce mouvement de contestation, porté par des milliers de commerçants à travers le pays, suffira à faire plier l'un des plus puissants acteurs du secteur.