Jadis considéré comme un rempart contre l'instabilité économique, l'or semble perdre son attrait auprès des ménages marocains, contraints de revoir leurs priorités face à la flambée des prix. Le métal précieux a franchi lundi 31 mars le seuil historique de 31 000 dirhams l'once, enregistrant une progression de plus de 18 % depuis le début de l'année, dans un contexte de tensions géopolitiques et de turbulences financières à l'échelle mondiale. Après avoir dépassé les 30 000 dirhams l'once il y a quelques semaines, le cours du lingot pourrait, selon les estimations d'analystes de Saxo Bank et Bank of America, atteindre 33 000, voire 35 000 dirhams dans les mois à venir. Une parure devenue inaccessible Sur les marchés marocains, le prix du gramme d'or travaillé a grimpé à 850 dirhams, avec des pièces atteignant 900 dirhams selon la finesse du travail et les pierres précieuses qui les ornent. L'or brut, avant transformation, s'échange désormais aux alentours de 750 dirhams le gramme, un tarif auquel s'ajoutent des coûts de façonnage pouvant dépasser 100 dirhams pour les modèles les plus élaborés. L'été dernier, les prix oscillaient encore entre 700 et 800 dirhams le gramme, marquant une hausse moyenne de 200 dirhams sur un an. Une flambée qui éloigne peu à peu l'or des habitudes d'épargne des ménages, déjà soumis à des dépenses incompressibles liées au logement, à l'éducation ou à la santé. Un marché sous tension Face à la diminution de la demande locale, l'activité des artisans se trouve fragilisée, d'autant que le marché repose en grande partie sur la fonte et le recyclage de bijoux anciens, un procédé permettant d'atténuer l'exposition aux fluctuations des cours internationaux. Toutefois, les importations de matière première poursuivent leur progression. Selon les données de l'Office des changes, les acquisitions de métaux précieux par les fabricants de bijoux ont atteint 940 millions de dirhams en 2024, contre 620 millions un an plus tôt. Malgré cette trajectoire, le secteur demeure soumis à une surveillance accrue. L'Etat marocain, soucieux de garantir la traçabilité des transactions et de lutter contre les flux financiers illicites, impose depuis deux ans aux bijoutiers de déclarer toute vente dépassant 150 000 dirhams lorsque le paiement s'effectue en espèces. Cette réglementation, conjuguée à la flambée des prix, transforme peu à peu le marché de l'or en un espace où la spéculation l'emporte sur l'usage patrimonial traditionnel.