En sollicitant in extremis la création d'une mission exploratoire sur l'importation de bétail, les groupes de la majorité parlementaire semblent avoir voulu préempter le terrain, contrer une démarche similaire de l'opposition et réaffirmer leur légitimité sur un sujet hautement inflammable. Pari (presque) perdu. Les groupes parlementaires du Rassemblement national des indépendants (RNI), du Parti authenticité et modernité (PAM) et du Parti de l'Istiqlal pour l'unité et l'égalitarisme (PI), formant l'ossature de la majorité à la Chambre des représentants, ont déposé, le 7 avril, une demande conjointe auprès de la Commission des secteurs productifs, sollicitant l'envoi d'une mission exploratoire sur les mécanismes encadrant l'importation de bovins, d'ovins et de viandes, et ce après une même demande formulée par l'opposition. Officiellement, la requête entend permettre aux députés de se prononcer sur les programmes et les procédures mis en œuvre pour soutenir ces importations et d'évaluer la concordance des mesures prises avec les objectifs qui leur furent assignés. Si la lettre invoque la nécessité de préserver le pouvoir d'achat et d'apprécier l'efficacité des mesures engagées, cette démarche apparaît avant tout comme un contre-feu stratégique, destiné à court-circuiter une démarche parallèle de l'opposition, laquelle s'apprêtait à interroger les flux financiers et les bénéficiaires réels des aides publiques. Mais au-delà des formules de convenance, cette démarche trahit les doutes croissants de la majorité elle-même quant à la portée réelle des subventions publiques octroyées à ce secteur stratégique. À l'ombre des dispositifs mis en place par l'exécutif, plusieurs interrogations surgissent sur la destination exacte des aides financières, qu'il s'agisse de la couverture des coûts d'importation, du soutien logistique ou de l'allègement fiscal accordé à certains opérateurs. L'opacité des circuits, l'absence d'évaluation publique, et la concentration des avantages entre les mains d'un nombre restreint d'importateurs alimentent une critique de plus en plus audible, y compris dans les rangs parlementaires où certains élus redoutent une captation des ressources par des intérêts privés au détriment de l'intérêt général. Depuis plusieurs mois, le gouvernement a favorisé l'importation de bétail vivant — notamment en provenance du Brésil, de l'Espagne et de la Roumanie — pour combler le déficit structurel de l'offre nationale, fragilisée par la sécheresse et les tensions sur les intrants agricoles. Toutefois, le recours aux importations n'a pas permis de contenir durablement les prix sur le marché intérieur, ni d'apaiser le malaise social né de la cherté de la viande rouge. Des milliards de dirhams se sont évaporés dans cette opération douteuse. En convoquant cette mission parlementaire, les composantes de la majorité semblent chercher à reprendre la main sur un dossier devenu sensible. Le pari du soutien à l'importation, fondé sur une logique de compensation immédiate, montre aujourd'hui ses limites : coûteux, peu pérenne, et soumis aux caprices du marché international, il expose le pays à une forme de dépendance préoccupante, en contradiction avec les discours répétés sur la souveraineté alimentaire.