Face à cette affaire au parfum d'affairisme, la question demeure entière : les financements internationaux censés appuyer le développement raisonné de l'aquaculture au Maroc servent-ils effectivement l'intérêt général, ou bien glissent-ils insidieusement dans les filets d'intérêts privés, adossés à des connivences politiques ? La polémique prend une tournure de plus en plus délicate pour Zakia Driouich, secrétaire d'Etat chargée de la pêche maritime, depuis la diffusion d'un enregistrement dans lequel elle revendique l'octroi d'un appui d'une valeur de 11 millions de dirhams à un proche de sa formation politique, en vue de soutenir une exploitation dédiée à l'élevage de mollusques. Le propos, tenu lors d'une rencontre partisane à Dakhla, a immédiatement éveillé les soupçons de favoritisme, notamment au sein du secteur halieutique national, déjà marqué par de profondes disparités d'accès aux ressources. Le trouble s'est accru lorsqu'il a été révélé que le bénéficiaire présumé de cette manne n'était autre que M'barek Hammia, député du RNI (Rassemblement national des indépendants) et exploitant d'une ferme conchylicole dans la région. Confrontée à une interpellation écrite de l'opposition, Mme Driouich a tenté de désamorcer la controverse en précisant que les fonds évoqués proviennent de partenariats internationaux – notamment la BID (Banque islamique de développement), la BM (Banque mondiale) et l'UE (Union européenne) – et qu'ils sont destinés à l'accompagnement technique et logistique des projets aquacoles, non à des versements directs. Selon le secrétariat d'Etat, le programme aurait profité à 592 bénéficiaires, incluant douze coopératives et quelque 570 jeunes. Toutefois, ces précisions demeurent lacunaires sur plusieurs points cruciaux : modalités précises d'attribution, ventilation des équipements, nature exacte de l'appui fourni au projet de M. Hammia et, surtout, garanties de neutralité dans le choix des dossiers retenus. L'opposition s'interroge ouvertement sur «la légalité de cette procédure opaque» et déplore une situation où «les mécanismes de soutien censés bénéficier à l'ensemble du tissu productif maritime semblent capter par des acteurs déjà installés, souvent liés au pouvoir.» D'autres voix soulignent l'ironie mordante d'un programme présenté comme vecteur d'équité territoriale et de durabilité environnementale, qui pourrait, in fine, servir de tremplin à des figures politiques disposant déjà de leviers d'influence. Si les accusations venaient à se confirmer, elles jetteraient une ombre durable sur la crédibilité du plan Halieutis, pourtant érigé en modèle de gouvernance maritime. Derrière cette nouvelle affaire se dessine une question de fond : l'aide publique internationale, censée appuyer les efforts de développement durable, peut-elle être détournée à des fins d'entre-soi politique, sans que nul ne s'en émeuve ?