Les résultats d'une récente enquête menée par l'institut Afrobarometer révèlent une fracture croissante entre les électeurs marocains et leurs représentants, accentuant les incertitudes à un peu plus d'un an des élections générales prévues en septembre 2026. Cette fracture institutionnelle semble nourrie par une défiance généralisée à l'égard des partis politiques, des conseils élus, des mécanismes traditionnels de participation citoyenne ainsi que les scandales qui ont émaillé le mandat de la majorité actuelle. Alors que le scrutin législatif s'annonce, suivi en 2027 des élections locales et régionales, l'apathie électorale s'installe durablement. Selon les données recueillies, un tiers des personnes interrogées n'a pas encore arrêté sa position, tandis que les intentions de vote se répartissent de manière éclatée : le parti de l'Istiqlal recueille 4 % des préférences, talonné par le Parti authenticité et modernité (PAM) et le Parti de la justice et du développement (PJD) avec chacun 3,8 %, puis par le Rassemblement national des indépendants (RNI), à 3,2 %. Méfiance envers les élus et délitement du lien politique Le fossé s'élargit entre les institutions représentatives et les citoyens, minant les ressorts de la participation. Selon Afrobarometer, la corruption perçue gangrène tous les échelons : 43,8 % des personnes interrogées considèrent qu'une part significative des membres du gouvernement y serait impliquée, tandis que 20,2 % estiment qu'une majorité le serait, et 8 % affirment que tous le seraient. Une perception comparable prévaut à l'endroit du Parlement, où 22,7 % jugent la corruption majoritaire, et des conseils élus, avec un taux similaire de 22,8 %. Le scepticisme s'étend également aux formations politiques : selon le Moroccan Institute for Policy Analysis (MIPA), 77 % des citoyens ne font confiance à aucun parti, et près de 68 % expriment une défiance explicite envers l'institution législative. Les causes identifiées sont multiples, mais convergent vers le malaise socio-économique alimenté par la cherté de la vie et l'érosion du pouvoir d'achat. Jeunesse marginalisée et représentativité en berne La démobilisation touche particulièrement la jeunesse. Parmi les 17 286 278 électeurs enregistrés, les jeunes de 18 à 24 ans ne représentent que 4 % des inscrits, une proportion qui atteint à peine 16 % dans la tranche des 25-34 ans. Cette sous-représentation reflète une rupture générationnelle profonde. Face à ce constat, plusieurs formations ont entrepris des démarches pour renouer le dialogue. Le PAM a lancé le programme «Génération 2030», conçu pour intégrer les jeunes à la formulation des politiques publiques. De son côté, Nizar Baraka, secrétaire général du parti de l'Istiqlal, a annoncé l'organisation d'ateliers de concertation à travers le pays, appelant à un «nouveau contrat politique avec la jeunesse». En dépit des proclamations d'ouverture, le doute persiste quant à la capacité des forces politiques à redonner sens à la représentation, alors que s'avance l'échéance électorale sous le signe de la défiance.