En visite officielle dans la capitale marocaine, le secrétaire général de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean), Dr Kao Kim Hourn, a prononcé un discours solennel à l'Institut marocain de formation, de recherche et d'études diplomatiques (Imfred), appelant à une intensification des liens entre le Maroc et son organisation face aux déséquilibres croissants du monde contemporain. L'Imfred salué comme un vecteur d'ouverture À l'adresse du corps diplomatique réuni pour l'occasion, M. Kim Hourn a rendu hommage à la récente transformation de l'établissement marocain. «Je tiens à féliciter l'Institut pour l'élargissement de son mandat depuis octobre [2024]», a-t-il déclaré, qualifiant cette évolution de «reflet d'une vision diplomatique marocaine en prise avec les bouleversements du siècle». Il a souligné que cette mutation permettait de «préparer une diplomatie informée, agile, et capable de s'orienter dans un monde en proie à l'imprévisibilité». Et d'ajouter : «Votre gouvernement manifeste, à travers cette réforme, une volonté stratégique de former des cadres diplomatiques outillés pour comprendre la complexité croissante des relations internationales. Cette transformation n'est pas qu'institutionnelle, elle est conceptuelle : elle affirme une pensée marocaine du monde». Une architecture régionale face aux tensions globales Dressant un constat préoccupant de la scène internationale, M. Kim Hourn a évoqué «un climat de fragmentation accélérée», marqué par «la montée du protectionnisme, le recul des engagements multilatéraux et l'impact économique des tensions commerciales entre puissances majeures». Il a déploré que «la multiplication des mesures unilatérales et les politiques de repli économique sapent les fondements mêmes de la paix et de la coopération internationale». Il a rappelé que «le Sommet de l'Asean tenu en mai à Kuala Lumpur a permis aux dirigeants d'adopter une vision à vingt ans, inédite dans notre histoire», en référence à ASEAN 2045: Our Shared Future, document fondateur structurant l'action commune autour de quatre piliers : politique, économie, culture et connectivité. «Ce cadre stratégique affirme notre volonté non seulement de nous adapter aux mutations globales, mais d'agir sur elles en modelant un avenir partagé», a-t-il insisté. Et d'expliquer : «C'est la première fois que l'ASEAN adopte une perspective aussi longue. Cela témoigne de notre ambition collective de ne pas subir l'histoire mais de la construire, en tenant compte des mégatendances mondiales, qu'elles soient technologiques, climatiques ou géopolitiques». Le Maroc, partenaire sectoriel à fort potentiel Depuis l'établissement du partenariat sectoriel en septembre 2023, les liens entre l'Asean et le Maroc se sont dotés d'un socle institutionnel. «La mise en place du comité conjoint de coopération sectorielle Asean-Maroc en décembre 2024 inaugure une phase nouvelle de coopération structurée», a souligné M. Kim Hourn. Le plan de coopération pratique 2024-2028, signé en avril, prévoit 32 mesures concrètes, dont «neuf ont déjà été lancées dans les domaines de la gouvernance, du droit, du commerce, du transport, de la jeunesse, ou encore des échanges culturels». À ce titre, il a salué les sessions de formation organisées par l'Institut à l'attention des diplomates d'Asie du Sud-Est comme «le signe tangible d'un engagement marocain ancien et constant». Il a rappelé que «le Maroc avait proposé dès 2023 une liste détaillée d'actions à court et moyen termes dans les domaines où il possède une expertise avérée : l'agriculture, la sécurité alimentaire, le commerce, le développement durable et les échanges humains». Et d'ajouter : «Je salue cette approche claire, articulée, qui fait du Maroc un partenaire non seulement crédible, mais déjà opérationnel». Vers un accord de libre-échange et une adhésion au RCEP ? Abordant les enjeux commerciaux, Dr Kao a évoqué les nouveaux tarifs douaniers américains qui «introduisent une incertitude redoutable dans les chaînes d'approvisionnement» et a mis en garde contre «le réflexe de la rétorsion». Il a en revanche plaidé pour un resserrement des liens économiques avec le Maroc, évoquant la possibilité d'un «accord de libre-échange ASEAN-Maroc, prélude à une participation marocaine au Partenariat économique global régional (RCEP)». «Le RCEP, qui regroupe quinze économies, est le plus vaste accord commercial au monde. Son cadre ouvert permet à des partenaires extérieurs d'y adhérer. Le Maroc, par sa position stratégique et ses accords multiples avec l'Afrique, l'Europe et le monde arabe, aurait tout à gagner à y participer», a-t-il déclaré. Enfin, il a formulé une invitation explicite à l'Institut : «J'encourage l'Imfred à développer des projets concrets dans le cadre du plan de coopération Asean-Maroc. Vos capacités d'analyse, vos réseaux académiques, vos liens déjà existants avec certaines académies diplomatiques d'Asie, notamment au Vietnam, sont des leviers considérables». Et de conclure : «Dans une époque marquée par les replis unilatéraux et les réflexes protectionnistes, le Maroc et l'ASEAN peuvent incarner une voie différente : celle d'une coopération fondée sur la confiance, la complémentarité et le respect mutuel». «L'avenir des relations Asean-Maroc n'est pas seulement prometteur : il est déjà à l'œuvre», a-t-il affirmé, appelant à «transformer notre vision partagée en action féconde».