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Infrastructures : comment la performance privée masque un déficit public
Publié dans Les ECO le 03 - 12 - 2025

Alors que le Maroc se distingue par son attractivité pour les investissements privés en infrastructures, un récent rapport de l'OCDE met en garde contre les vulnérabilités structurelles (sous-investissement public, déficit de compétences, manque d'intégration régionale)qui pourraient entraver la trajectoire de développement du Royaume.
Et si le «modèle marocain» d'infrastructures, tant vanté pour son attractivité financière, était en train de creuser les inégalités et d'hypothéquer son avenir industriel par manque de vision publique et de compétences ? Le Maroc se distingue en Afrique du Nord par sa capacité à attirer les investissements privés dans les infrastructures, selon un récent rapport de l'OCDE intitulé «Dynamiques du développement en Afrique 2025 : Infrastructure, croissance et transformation».
Ainsi, dans la région, le Royaume capte 38% des investissements privés (PPI) sur la période allant de 2013 à 2023, totalisant 8,7 milliards USD, principalement dans l'énergie et les transports. Cependant, ses dépenses publiques restent modestes : 1,2% du PIB, en dessous de la moyenne africaine (1,8%) et loin derrière la Tunisie (3%).
«Le pays dépend fortement du privé pour combler son déficit infrastructurel», souligne l'analyse de l'OCDE. Si le Maroc se distingue par des performances remarquables, des vulnérabilités structurelles pourraient entraver sa trajectoire de transformation productive. L'Afrique du Nord présente un paradoxe.
Certes, «tous les pays de la région, à l'exception de la Mauritanie, se classent parmi les 10 premiers du continent en termes de capacité énergétique par habitant», et le Maroc arrive en tête pour la qualité des infrastructures ferroviaires.
Cependant, l'effort d'investissement global reste insuffisant. La région doit mobiliser 38 milliards USD annuels jusqu'en 2040 (4,2% du PIB) pour combler son retard infrastructurel et doper sa croissance potentielle de 3,5 points de pourcentage. Les besoins se concentrent sur les transports (55%) et l'énergie (22%), deux secteurs clés pour la compétitivité et la transition écologique.
Le Maroc, champion des investissements privés mais à la dépense publique atone
Le rapport met en lumière le modèle marocain, à la fois emblématique et révélateur des dynamiques régionales. Avec l'Egypte, le Royaume absorbe 91% des investissements privés en infrastructures (PPI) en Afrique du Nord sur la période 2013-23, avec une part de 38%. Ces fonds sont principalement dirigés vers des «projets de grande envergure dans les domaines de l'énergie et des transports».
Ce succès s'appuie sur «des cadres solides» pour les PPP, l'enquête BID de la Banque mondiale accordant au Maroc des scores équivalant à ceux des pays à revenu élevé pour la préparation des projets. Cependant, cette performance masque un inquiétant sous-investissement public. Les dépenses publiques marocaines en infrastructures ne représentent que 1,2% du PIB, en deçà de la moyenne continentale (1,8%) et très loin derrière la Tunisie (3%). Pire, le service de la dette est 3,7 fois supérieur aux dépenses d'infrastructures publiques, alourdissant la contrainte budgétaire.
Comme l'indique le rapport, «l'Afrique du Nord dépend globalement davantage des investissements privés que la plupart des autres régions du continent». Le Maroc incarne cette dépendance, avec les risques que cela comporte en termes de tarification des services, d'équité d'accès et de priorisation des projets rentables sur les projets socialement ou territorialement nécessaires.
Smart cities et plans sectoriels : une vision ambitieuse mais une intégration régionale limitée
En tant qu'urbaniste et expert en smart cities, on note que le Maroc, à l'instar de ses voisins, mise sur la modernisation numérique des villes. L'initiative «E-Madina», à Casablanca, et la participation au programme «IEEE Smart Cities» visent à «renforcer la gouvernance locale et favoriser la collaboration».
Ces projets sont cruciaux pour améliorer l'efficacité urbaine. Au niveau national, des plans ambitieux dans les transports (comme le projet de prolongement de la LGV vers Marrakech) et dans les énergies renouvelables sont louables. Ils visent à positionner le pays comme un «pôle régional de transport» et un acteur de la transition énergétique, notamment via des interconnexions avec l'Europe. Toutefois, l'OCDE constate l'échec criant de la coordination supranationale.
«La coopération régionale est moins fréquente que les partenariats bilatéraux», et il existe une «absence d'une autorité nord-africaine dédiée au développement de plans directeurs régionaux». Les projets transfrontaliers, comme les corridors, progressent, mais sans vision d'ensemble. Cette fragmentation limite considérablement le potentiel de marché intégré, d'économies d'échelle et de positionnement négociateur commun, notamment face à des partenaires comme l'Union européenne ou la Chine.
Le goulet d'étranglement des compétences
Enfin, le constat de l'OCDE est sans appel : «L'offre de compétences demeure toutefois insuffisante face à la demande». Le Maroc, comme l'Egypte et la Tunisie, identifie l'électricité et la construction parmi les secteurs à plus forte demande de compétences vertes. Malgré des initiatives comme le «Masen Talents Campus», l'enquête CUA/OCDE révèle des pénuries critiques : manque de compétences techniques en amont (conception, ingénierie) et en aval (maintenance, recyclage) dans la chaîne de valeur des énergies renouvelables. Un déficit qui constitue une menace directe pour la transformation productive.
Il risque de créer une dépendance technologique, de limiter la création d'emplois de qualité nationaux et de compromettre la maintenance et la rentabilité à long terme des infrastructures sophistiquées financées par les PPP.
Risque opérationnel lié à la pénurie croissante de main-d'œuvre qualifiée dans les domaines techniques et verts
En ce qui concerne l'Etat marocain, l'analyse impose une révision stratégique du modèle de financement. La dépendance aux investissements privés, bien qu'ayant permis de réaliser des projets structurants, révèle une faiblesse du levier public, dont les dépenses d'infrastructure plafonnent à 1,2% du PIB, bien en deçà des besoins et de la moyenne continentale. L'Etat doit impérativement dégager des marges de manœuvre budgétaires pour accroître son investissement direct, particulièrement dans les infrastructures de base ou à fort impact social mais peu attractives pour le capital privé.
Parallèlement, son rôle d'impulsion d'une intégration régionale effective devient crucial face à l'absence criante de plans directeurs nord-africains, une lacune qui limite le potentiel de marché et de connectivité. Enfin, la transformation productive promise par ces infrastructures restera lettre morte sans une réforme profonde et ciblée de l'offre de formation, destinée à combler le déficit flagrant en compétences techniques dans les secteurs de l'énergie et des transports, identifié comme un frein majeur à la soutenabilité des projets.
Pour les investisseurs privés, nationaux et internationaux, le Maroc conserve son attractivité avec un cadre institutionnel pour les PPP jugé solide et comparable à celui de pays à revenu élevé, expliquant son succès à capter 38% des investissements privés régionaux. Toutefois, ce modèle évolue. La pénurie croissante de main-d'œuvre qualifiée dans les domaines techniques et verts devient un risque opérationnel et de coût qu'ils ne peuvent plus ignorer.
À terme, leur implication directe dans le développement des compétences, via des partenariats avec les centres de formation, pourrait s'imposer non seulement comme une contribution sociétale, mais comme une condition nécessaire pour sécuriser la rentabilité et la pérennité de leurs investissements sur le long terme. Les entreprises et industriels marocains sont, quant à eux, en position de bénéficiaires directs des futurs gains d'efficacité. Le développement des réseaux de transport, dont le prolongement de la LGV, et la transition énergétique promettent de réduire significativement les coûts logistiques et énergétiques, renforçant ainsi leur compétitivité.
Cependant, cette modernisation infrastructurelle génère une demande exacerbée pour des profils techniques spécifiques, créant une concurrence féroce sur le marché du travail qualifié. En conséquence, les entreprises gagneraient à internaliser une partie de cet effort de formation, en investissant dans le développement des compétences de leurs collaborateurs pour ne pas voir leur capacité d'exploitation et d'innovation entravée par ce goulot d'étranglement. Enfin, pour les collectivités territoriales et les citoyens, la perspective est double.
D'un côté, les initiatives de villes intelligentes, comme à Casablanca, portent l'engagement d'une amélioration tangible de la qualité des services urbains et de la gouvernance locale. De l'autre, le paradigme de financement largement privé des grandes infrastructures soulève des interrogations majeures sur l'accessibilité tarifaire future de ces services et sur la logique de sélection des projets.
Un modèle qui risque d'accentuer les fractures territoriales, en concentrant les investissements dans les zones économiquement rentables, au détriment des régions moins denses ou moins favorisées, créant ainsi un paysage inégalitaire en matière d'accès aux infrastructures modernes.
La transformation productive ne se décrètera pas uniquement par de grands projets
Le rapport de l'OCDE dresse le portrait d'un Maroc performant dans l'ingénierie financière et l'attraction de capitaux, ayant une vision stratégique claire pour ses infrastructures. Cependant, il révèle une dépendance excessive au privé, une incapacité à bâtir une intégration régionale solide et un déficit criant en capital humain qualifié.
La transformation productive ne se décrètera pas uniquement par de grands projets ; elle nécessite un écosystème cohérent où l'investissement public, la coopération régionale et la formation forment les piliers indispensables à une croissance inclusive et résiliente. Sans cela, le risque est de voir se développer des infrastructures de qualité mais sous-optimisées, dont les bénéfices économiques et sociaux ne seraient pas pleinement partagés.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO


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