Le chef du gouvernement marocain affiche, quatre années après le début de la législature, un bilan pour le moins déficient en matière de respect de l'article 100 de la Constitution, relatif à la tenue des séances mensuelles de politique générale devant le Parlement. Le Conseil constitutionnel avait pourtant tranché, dans sa décision n° 924/2013, que le caractère mensuel de ces séances devait être rigoureusement respecté. Il avait souligné que l'article 100 engage explicitement le chef du gouvernement à répondre aux questions de politique générale devant chaque chambre du Parlement une fois par mois, alternativement. L'article 203 du règlement intérieur de la Chambre des représentants fixe d'ailleurs, pour chaque année législative, la tenue de quatre séances mensuelles relatives aux questions de politique générale, en alternance entre les deux chambres. Sur une période de quatre années, le total exigé s'élève donc à 64 séances devant chacune des chambres, soit 128 séances au total. Une présence en net retrait face aux exigences constitutionnelles Or, entre octobre 2021 et mai 2025, le chef du gouvernement n'a pris part qu'à 30 séances constitutionnelles sur 128 exigées, soit : Douze séances devant la Chambre des conseillers, représentant 18 % des 64 prévues ; Dix-huit séances devant la Chambre des représentants, soit 28 % du nombre requis. La participation globale, ramenée à l'ensemble des deux chambres, ne dépasse pas 23 %, ce qui constitue, selon les termes mêmes de l'analyse parlementaire, «une violation manifeste de la Constitution de 2011.» Des thématiques récurrentes, peu de renouvellement du débat Par ailleurs, l'examen du contenu de ces séances révèle une récurrence notable des mêmes thématiques. Le thème de « la protection sociale et la préservation de la dignité » a été abordé à six reprises depuis 2021. Ont également été traités à plusieurs reprises : La politique de santé (trois séances), Le soutien au pouvoir d'achat (deux séances), La réforme du système éducatif (deux séances), La stratégie gouvernementale en matière de services publics (deux séances), L'emploi et l'insertion professionnelle des jeunes (deux séances). Le lundi 7 juillet 2025, la séance mensuelle à venir portera de nouveau sur « la politique publique liée à la justice sociale », soit le sixième débat du chef du gouvernement sur ce sujet. Des demandes d'opposition rejetées ou ignorées De surcroît, plusieurs demandes de séances, émanant de l'opposition ou de groupes parlementaires, ont été écartées sans justification explicite. La présidence de la Chambre des représentants a notamment refusé d'enregistrer des propositions portant sur la situation des droits humains, la stratégie sanitaire nationale, la gouvernance publique ou encore les atteintes à la liberté d'expression. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 209/2023, a pourtant précisé que «le bureau de la Chambre ne saurait substituer son appréciation à celle de l'opposition sur la nature des questions soulevées.» L'article 313 du règlement intérieur réaffirme cette obligation de neutralité dans la fixation des thèmes mensuels. Une pratique gouvernementale en décalage avec le texte fondamental Ces éléments, étayés par des données exhaustives et des références juridiques précises, nourrissent de vives inquiétudes quant au respect de la lettre et de l'esprit du texte constitutionnel. Le déséquilibre entre les exigences formelles du cadre juridique et la pratique gouvernementale alimente désormais un débat institutionnel de fond sur la responsabilité politique de l'exécutif devant le législatif.