Plus de huit Espagnols sur dix (85 %) jugent que leur pays doit demeurer membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), mais seuls 49 % se déclarent favorables à une hausse des dépenses militaires si cela devait se faire au détriment des politiques sociales. Tel est l'un des principaux enseignements du baromètre publié par le Real Instituto Elcano à la veille de la récente réunion de l'Alliance tenue à La Haye. L'enquête, réalisée auprès de 1 000 personnes entre le 19 et le 29 mai, met en lumière les hésitations de l'opinion publique espagnole sur la question du réarmement, en particulier après que l'Espagne s'est abstenue de souscrire à l'objectif commun adopté par les autres Etats membres, qui prévoit d'allouer 5 % du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de défense. Le clivage idéologique traverse le soutien au réarmement Si seuls 15 % des personnes interrogées estiment que l'Espagne devrait se retirer de l'OTAN, le degré d'adhésion à l'Alliance varie selon les affinités politiques : 91 % des répondants se disant de droite y sont favorables, contre 88 % parmi les centristes et 77 % dans les rangs de la gauche. La question du budget militaire révèle toutefois des lignes de fracture plus nettes. Si 73 % des personnes classées à droite soutiennent un relèvement des dépenses de défense, cette opinion ne recueille que 25 % d'adhésion chez les sympathisants de gauche. Le centre, quant à lui, se montre plus partagé (51 %). Sur le plan européen, 57 % des Espagnols approuvent une augmentation des crédits consacrés à la défense pour pallier la dépendance envers les Etats-Unis. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'appliquer ce principe à l'Espagne elle-même, ce soutien décroît sensiblement. Le Maroc, perçu comme la principale menace extérieure Interrogés sur les dangers extérieurs susceptibles de compromettre la sécurité nationale, 40 % des personnes sondées estiment que celle-ci est effectivement mise en cause par des puissances étrangères. Cette perception varie fortement selon les orientations politiques : 56 % des répondants de droite expriment un sentiment de vulnérabilité, contre 38 % au centre et 29 % à gauche. À la question de savoir quel pays est considéré comme la principale menace pour l'Espagne, le Maroc arrive en tête avec 55 % des réponses – soit six points de plus qu'en 2024. Suivent la Russie (33 %), en léger recul par rapport à l'année précédente (36 %), et les Etats-Unis, dont la progression est remarquable : perçus comme une menace par seulement 5 % des Espagnols en 2024, ils le sont désormais par 19 %, après le retour de Donald Trump à la présidence. Viennent ensuite Israël (8 %, contre 3 % en 2024) et la Chine (6 %, contre 3 % également). Cette montée en vigilance traduit un durcissement des perceptions géopolitiques au sein de l'opinion espagnole, sur fond de tensions internationales persistantes. Un attachement durable à l'Alliance atlantique malgré les réserves budgétaires Malgré ces crispations, le lien transatlantique ne semble pas remis en question. L'Espagne continue de faire figure de partenaire fidèle au sein de l'OTAN, même si sa réticence à suivre le mouvement de réarmement voulu par certains alliés, au premier rang desquels les Etats-Unis, fait l'objet de critiques discrètes à Bruxelles comme à Washington. La publication du baromètre intervient à un moment charnière, alors que les Européens redéfinissent leur autonomie stratégique et que le débat sur les équilibres budgétaires internes se fait plus aigu dans un contexte de ralentissement économique.