La déclaration du chef du gouvernement, ce lundi 7 juillet, devant le Parlement, a eu de l'allure. Costume bien taillé, regard droit, voix grave. Il a parlé de santé. Un ton posé, des chiffres précis, une vision globale. À l'horizon 2026, le Maroc ambitionne de disposer de 90 000 professionnels de santé. Cela sonne bien, très bien même. Mais dans ce pays de lucidité, et parfois de désillusions, les annonces, fussent-elles ambitieuses, doivent désormais faire preuve d'endurance. Et surtout de crédibilité. Reconnaissons-le : depuis son arrivée à la tête de l 'exécutif, Aziz Akhannouch n'a pas ménagé ses efforts sur le dossier sanitaire. Le budget est passé à 32,6 milliards de dirhams, contre moins de 20 il y a quatre ans. L'offre hospitalière se redéploie, timidement mais sûrement. Des CHU émergent là où l'Etat avait déserté : Guelmim, Béni Mellal, Errachidia. Trois nouvelles facultés de médecine. Une réforme de la fonction publique sanitaire. Un début de digitalisation. Le cap est affiché, la stratégie semble structurée, l'effort, inédit. Cela mérite d'être salué. Mais voilà... Une stratégie, si elle n'est pas adossée à un mécanisme solide de mise en œuvre, reste un exercice de style. Les 90 000 professionnels ? Une belle cible. Mais de quel vivier parle-t-on vraiment ? Des recrutements annuels, certes, en hausse. Des incitations salariales, aussi. Mais à supposer même qu'on ouvre les vannes budgétaires, il faut encore former, encadrer, affecter... et retenir. LIRE AUSSI : COP 30 : 8,9 millions de dirhams, ou le vertige des priorités Or, le Maroc connaît une hémorragie silencieuse de ses cadres médicaux. Les médecins s'en vont, ou s'épuisent. Les paramédicaux désertent les zones reculées. L'Etat recrute, mais perd en même temps ce qu'il forme. On comble une fuite... avec une passoire. L'enjeu est double. Il faut certes produire des professionnels, mais surtout bâtir un environnement où ils auront envie de servir. Là où le malade est au cœur du système. Là où l'hôpital n'est pas une forteresse usée, mais un lieu de dignité. C'est toute la question. Le politique veut transformer la santé en levier de développement humain. Mais l'administration suit-elle ? Le terrain répond-il ? L'infrastructure, la gouvernance, la logistique, la formation continue : sont-elles à la hauteur de cette ambition ? On donne des gages de volontarisme, mais on ne réforme pas un secteur aussi sinistré à coups de chiffres et d'effets d'annonce. Il faut une constance, un suivi, une capacité de rectification permanente. Et puis, il y a la question politique. Le chef du gouvernement, malgré ses promesses, peine encore à incarner une autorité claire dans l'opinion. Beaucoup voient en lui un gestionnaire plus qu'un réformateur. Et sans réforme claire, les scepticismes prospèrent. Le pari de la santé peut être sa grande réussite, mais aussi son principal échec, s'il n'en fait pas un chantier de rupture avec l'inertie administrative. Oui, le Maroc a les moyens humains, techniques, et budgétaires pour atteindre 90 000 professionnels de santé d'ici 2026. Mais encore faut-il qu'il ait le courage managérial, la clarté d'exécution, et le temps politique nécessaire pour mener à bien cette ambition. L'heure est à l'action, pas à la communication. Le pays n'attend pas des discours. Il attend des soins.