Le projet de loi américain H.R. 4119, intitulé «Polisario Front Terrorist Designation Act», vise à faire désigner le «polisario» comme une organisation terroriste étrangère (Foreign Terrorist Organization – FTO), en vertu de l'Immigration and Nationality Act. Le texte prévoit l'application de sanctions économiques ciblées tel que prévues par deux textes : Global Magnitsky Human Rights Accountability Act, qui sanctionne des individus ou entités impliqués dans des violations graves des droits humains ou des actes de corruption, et Executive Order 13224, qui permet de bloquer les avoirs d'individus ou d'organisations liés au terrorisme international. Par son initiative, le représentant Joe Wilson (républicain, Caroline du Sud) entend criminaliser le «polisario». C'est un durcissement sans précédent dans la position d'une frange du Congrès américain vis-à-vis des miliciens algériens. Le texte demande au secrétaire d'Etat de soumettre, dans les 180 jours suivant l'adoption, un rapport détaillé portant sur : La direction, les opérations militaires et les soutiens extérieurs du «polisario» ; Les liens avec l'Iran et la Russie, ainsi qu'avec des entités déjà désignées comme terroristes (Hezbollah, Gardiens de la révolution, PKK) ; Une analyse d'éventuelles attaques délibérées contre des civils. Le rapport demandé vise à documenter formellement les critères nécessaires à une désignation comme groupe terroriste. Il constitue une étape préparatoire juridique avant toute mesure coercitive. Le texte fait obligation au secrétaire d'Etat, sous 90 jours, de dire si le «polisario» répond aux critères d'une désignation FTO et/ou de sanctions Magnitsky. Il invite également le secrétaire au Trésor à se prononcer sur l'éligibilité du «polisario» à des sanctions au titre de l'Executive Order 13224. Processus d'adoption À ce stade, H.R. 4119 est une initiative législative. Le projet doit suivre la procédure standard du Congrès américain. Introduit à la Chambre des représentants le 24 juin 2025 par Joe Wilson avec le soutien du député Jimmy Panetta (démocrate), le texte bipartisan sera renvoyé à la commission des affaires étrangères et, en second lieu, à la commission judiciaire, pour examen de conformité avec leurs compétences respectives. Chaque commission peut organiser des auditions, proposer des amendements, voter pour adopter ou rejeter le texte. Si le texte est adopté en commission, il est inscrit à l'ordre du jour de la Chambre, soumis à débat et à un vote. En cas d'adoption, il est transmis au Sénat. Le Sénat suit une procédure analogue (renvoi en commission sénatoriale, débat, vote). Si le Sénat approuve un texte identique, il passe à la Maison-Blanche. Si les deux chambres adoptent des versions différentes, une commission mixte de conciliation est convoquée. À l'issue du processus législatif, le président peut soit signer le texte, qui devient alors une loi fédérale, soit opposer un veto, auquel cas le Congrès peut outrepasser ce veto par un vote aux deux tiers dans chaque chambre. Deux options Le texte H.R. 4119 se présente comme un levier diplomatique qui œuvre à contraindre le «polisario» à accepter un cadre politique précis. Le projet de loi contient en effet une clause de suspension conditionnelle laissée à l'appréciation du président (section 5) : «Les désignations et sanctions décrites à l'article 10 (4) du présent projet de loi peuvent être levées par le Président s'il est établi que le Front Polisario est engagé dans des négociations de bonne foi pour mettre en œuvre le plan d'autonomie pour le Sahara occidental proposé par le Royaume du Maroc.» En plaçant le «polisario» sous la menace d'une qualification pénale, l'initiative accule les miliciens le dos au mur. À ce stade, leurs options sont limitées : soit accepter l'autonomie sous souveraineté marocaine, soit s'exposer à des sanctions qui, ipso facto, les disqualifieraient aux yeux de l'ONU. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental n'est pas, comme l'ont prétendu certains, un simple «tweet» d'un président en fin de mandat mais une position consolidée de la diplomatie américaine. Le projet de loi acquiert de la cohérence, en s'inscrivant dans une politique d'ensemble, et devient potentiellement un acte structurant de la politique étrangère américaine dans une stratégie offensive. Une convergence s'est établie entre le pouvoir exécutif et législatif en matière de politique à l'égard de la question du Sahara, rendant plausible l'adoption rapide de H.R. 4119. Le projet de loi américain n'est pas un acte juridique international, mais ses effets s'étendent au-delà des frontières américaines. L'extraterritorialité des lois américaines fait que des individus ou des entités non américains peuvent être sanctionnés même en dehors de toute décision judiciaire ou multilatérale. Priorité est donnée à la paix, d'autant plus que le plan marocain est aujourd'hui l'option la plus réaliste et la seule sur la table, soutenue activement par plusieurs pays. Dans ce nouveau paradigme, les Etats-Unis, Etat membre permanent du Conseil de sécurité, pallient l'immobilisme de l'ONU et reconfigurent les termes du différend. Car il ne faut pas se voiler la face, à l'ONU la question du Sahara occidental se trouve dans l'impasse. Si un acte législatif américain (H.R. 4119) peut mener au règlement pacifique d'un différend, au demeurant artificiel, le monde ne s'en portera que mieux. L'action des Etats-Unis est susceptible d'entraîner des conséquences sur les positions d'autres pays. Elle favorisera sans doute un règlement durable, car l'Algérie, principal protecteur du «polisario», se trouvera du mauvais côté. Parce que les Etats-Unis ont reconnu la marocanité du Sahara et décidé d'agir activement en conséquence ; parce que le «polisario» a rompu le cessez-le-feu ; parce que les miliciens algériens se sont alliés à des mouvements terroristes et ont eux-mêmes commis des actes terroristes ; et parce que, enfin, l'ONU n'a pas été en mesure de jouer son rôle, une nouvelle architecture normative et stratégique s'est instaurée dans laquelle le projet de loi H.R. 4119 représente une extension logique de la nouvelle doctrine américaine. Les conséquences potentielles du durcissement américain sont lourdes : une désignation comme FTO entraînerait des effets juridiques extraterritoriaux graves pour les individus et Etats coopérant avec le «polisario», y compris et à commencer par l'Algérie.