Par sa décision n° 255/25 rendue le 4 août, la Cour constitutionnelle a statué sur la conformité à la Loi fondamentale de la loi n° 23-02 relative à la procédure civile, saisie à cette fin par le président de la Chambre des représentants, conformément à l'article 132, alinéa 3, de la Constitution. La saisine, effectuée avant promulgation, portait sur l'ensemble du texte législatif, soit 644 articles, sans qu'aucune réserve explicite n'ait été formulée. Conformément à sa jurisprudence, la Cour s'est limitée à l'examen des dispositions dont l'inconstitutionnalité apparaissait de manière manifeste. Atteintes à l'indépendance de la justice et aux droits fondamentaux L'article 17, alinéa 1, a été écarté en raison de la faculté qu'il offrait au ministère public de solliciter l'annulation de décisions judiciaires définitives au nom de l'ordre public. La Cour a jugé qu'un tel mécanisme portait atteinte à l'autorité de la chose jugée, contraire à l'article 126 de la Constitution, et compromettait la sécurité juridique. Elle a rappelé que seul un juge pouvait, dans des conditions rigoureusement encadrées, remettre en question une décision revêtue de la force de la chose jugée. Un grief analogue a été formulé à l'encontre de l'article 84, alinéa 4, qui permettait la notification d'actes judiciaires à des tiers non identifiés, tels que voisins ou domestiques, sur la seule déclaration d'un agent. La Cour a considéré que cette procédure, fondée sur la présomption et non sur la certitude, portait atteinte aux droits de la défense garantis à l'article 120 de la Constitution et sapait la confiance légitime des justiciables. Trente-neuf articles qui s'y rattachaient ont été écartés par voie de conséquence. La tenue d'audiences à distance, prévue par le dernier alinéa de l'article 90, a également été censurée en l'absence de garanties précises quant au consentement des parties, à la confidentialité des échanges, à la sécurité des preuves et à la possibilité de retour à l'audience physique. En l'état, la disposition ne satisfaisait pas aux exigences des articles 120 et 123 de la Constitution, relatifs au respect des droits procéduraux et à la publicité des débats. Les derniers alinéas des articles 107 et 364, qui interdisaient aux parties de commenter les conclusions du commissaire royal avant délibéré, ont été jugés contraires au principe du contradictoire, partie intégrante des garanties procédurales. La Cour y a vu une atteinte à l'égalité des armes, incompatible avec les droits fondamentaux des justiciables. Excès de pouvoir de l'exécutif et défauts techniques Les articles 408 et 410, qui autorisaient le ministre de la justice à saisir la Cour de cassation pour dénoncer un prétendu excès de pouvoir d'un juge, ont été déclarés contraires au principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. La Cour a estimé qu'un membre de l'exécutif ne saurait exercer de contrôle sur l'activité juridictionnelle, laquelle relève exclusivement du parquet général, en application des articles 107 et 117 de la Constitution. La gestion du système informatique judiciaire par le ministère de la justice, prévue aux articles 624 et 628, a également été écartée. Selon la Cour, cette attribution conférait à l'exécutif une influence indirecte sur l'affectation des dossiers, en méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs consacré à l'article premier de la Constitution. La Cour a en outre relevé une erreur matérielle à l'article 288, qui renvoyait par inadvertance à l'article 284, relatif aux scellés, au lieu de viser l'article 285, portant sur la découverte de testaments. Elle a jugé que ce défaut de précision contrevenait à l'exigence de clarté et de lisibilité de la norme législative, élément constitutif de la sécurité juridique. Une validation partielle aux conséquences immédiates La Cour a confirmé la conformité de l'essentiel du texte à la Constitution, à l'exception des dispositions écartées, désormais inapplicables erga omnes. Elle a réaffirmé avec fermeté plusieurs principes fondamentaux, parmi lesquels l'indépendance de l'autorité judiciaire, la séparation des pouvoirs, la sécurité juridique et les droits de la défense devant toutes les juridictions. Dans sa motivation, elle a rappelé que la norme législative se devait d'être accessible, intelligible et prévisible. «La Cour veille à la supériorité de la Constitution et à la sauvegarde des droits fondamentaux», a-t-elle affirmé en conclusion.