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Pour l'Institut hongrois des affaires internationales, «le Maroc veut se poser en pont entre une Europe dépendante en ressources et une Afrique de l'Ouest riche en matières premières»
L'Institut hongrois des affaires internationales (HIIA) estime que le Maroc, à l'instar de la Hongrie, déploie une stratégie destinée à accroître son influence régionale et à se hisser au rang de puissance moyenne. Dans un rapport signé par le chercheur Ramachandra Byrappa, il est relevé que le royaume chérifien entend mettre à profit sa position géographique, à la croisée de l'Europe et de l'Atlantique, pour devenir un pôle économique et un moteur de l'Afrique de l'Ouest, en s'appuyant sur le projet du gazoduc africain-atlantique. L'auteur estime que «le Maroc veut se poser en pont entre une Europe dépendante en ressources et une Afrique de l'Ouest riche en matières premières». Un profil économique singulier Le HIIA rappelle que le Maroc couvre 712 550 km2 et compte près de 38 millions d'habitants, avec un produit intérieur brut par habitant de 4 400 dollars en 2024, soit le double de la moyenne africaine et 5,5 fois celui du Nigeria, principal partenaire régional du projet. Le PIB national atteignait alors 165,8 milliards de dollars, pour un rythme de croissance supérieur à 3 % sur la décennie. La population, dont l'âge médian est inférieur à 30 ans, comprend 12,5 millions d'actifs. Le taux de chômage s'établit à 13,3 %, avec un pic à 36,7 % chez les jeunes. Les énergies renouvelables représentaient 45 % du bouquet énergétique national en 2024, objectif porté à 52 % à l'horizon 2030. Toutefois, près de 70 % de l'électricité provient encore de centrales à charbon, que le pays souhaite remplacer par des turbines à gaz. Les importations annuelles de gaz naturel atteignent 886 millions de m3, essentiellement depuis l'Espagne. Une position géopolitique charnière L'institut souligne que le Maroc occupe un emplacement stratégique entre Afrique et Europe, bordé par la Méditerranée et l'Atlantique. Cette situation, associée à des partenariats ciblés, soutient ses aspirations géopolitiques. Les rivalités persistantes avec l'Algérie, notamment sur le Sahara occidental, constituent toutefois un frein historique. Pour les contourner, Rabat s'appuie sur quatre partenaires majeurs : l'Union européenne, qui absorbe plus de 65 % de ses exportations ; les Etats-Unis, garants d'une stabilité politique régionale ; Israël, dont la coopération technologique est appuyée par près d'un million de juifs marocains dans la diaspora ; et le Conseil de coopération du Golfe (CCG), principal bailleur d'investissements directs. L'intégration économique africaine au cœur de la stratégie Depuis 2018, le Maroc est partie prenante de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), destinée à accroître le commerce intra-africain. Selon la CNUCED, sa pleine mise en œuvre pourrait créer un marché de 3 400 milliards de dollars, à condition d'étendre les réseaux de transport, d'énergie et numériques. Actuellement, seulement 15 % des échanges du continent sont intra-africains. Le royaume concentre 85 % de ses investissements directs étrangers en Afrique subsaharienne, ce qui en fait le deuxième investisseur intra-africain et le premier en Afrique de l'Ouest. Mais, comme le souligne le rapport, «l'absence d'une énergie abondante et à coût réduit freine le développement économique et la perspective d'un statut de puissance moyenne». Le gazoduc afro-atlantique, colonne vertébrale de l'ouverture vers l'Europe Le HIIA décrit le gazoduc africain-atlantique (AAGP) comme un élément central de la politique atlantique du Maroc. Ce projet vise à relier les quatrième et cinquième économies d'Afrique – le Nigeria et le Maroc – tout en intégrant onze autres pays, créant une vaste zone économique. Long de 6 000 km, il pourrait transporter entre 15 et 30 milliards de m3 de gaz par an, desservant environ 400 millions de personnes dans treize pays et se connectant au réseau gazier européen via l'Espagne. La ministre de l'énergie, Leïla Benali, avait affirmé : «Ce projet, d'un budget estimé à environ 25 milliards de dollars, servira de catalyseur au développement économique, industriel et numérique. Il constituera un pilier pour la création d'emplois et un axe structurant reliant l'Europe, l'Afrique et le bassin atlantique». Perspectives européennes et opportunités pour la Hongrie Pour Ramachandra Byrappa, le gazoduc pourrait «modifier la configuration géopolitique à tous les niveaux». Il estime que la Méditerranée occidentale connaît une «renaissance» portée par une nouvelle dynamique atlantique, susceptible de placer le Maroc au centre d'un système énergétique et commercial redessiné. Les futures planifications industrielles en France, en Allemagne et en Italie pourraient considérer le royaume comme une plateforme privilégiée, en raison de sa proximité avec des ressources énergétiques et minières à coût modéré. L'Afrique, de son côté, s'affirme progressivement comme un marché de biens et de services de plus en plus solvable. L'auteur conclut que la Hongrie, désireuse d'accroître sa présence en Afrique, devrait anticiper ces évolutions et saisir les perspectives qu'offriront le Maroc et l'Afrique de l'Ouest dans les cinq à dix prochaines années.