Le Maroc apparaît comme l'un des points de gravité de la politique africaine de Moscou, objet d'une attention singulière dans l'étude de María Laura Fernández Pinola publiée par l'Université de la défense nationale (Argentine). Les liens énergétiques, diplomatiques et militaires qui se dessinent entre Rabat et la Moscou traduisent une orientation inédite, révélant le rôle croissant du royaume dans les équilibres stratégiques du continent. Le Maroc se trouve désormais au centre de la recomposition des alliances entre Moscou et l'Afrique, affirme María Laura Fernández Pinola dans une étude publiée par l'Université de la défense nationale (UNDEF, Argentine, officiel). Elle souligne encore que «la Russie, qui traditionnellement s'abstenait au Conseil de sécurité des Nations unies, a marqué un rapprochement avec Rabat sur la question du Sahara marocain et sur le prolongement du mandat de la Minurso». En 2022, précise-t-elle, «le royaume chérifien s'est montré intéressé à acquérir son premier sous-marin russe». Depuis 2023, les rencontres entre les hauts diplomates marocains à Moscou et les responsables russes sont devenus réguliers. Une présence militaire et diplomatique en expansion María Laura Fernández Pinola observe qu'«au cours des dernières années, la présence russe en Afrique s'est affirmée dans les domaines diplomatique, commercial et militaire». Elle rappelle que «les sommets Russie-Afrique ont commencé en octobre 2019 à Sotchi, puis en juillet 2023 à Saint-Pétersbourg». Elle ajoute qu'«une première conférence ministérielle s'est tenue en novembre 2023 à l'Université Sirius de Sotchi et qu'une seconde doit se dérouler à la fin de l'année 2025 au Caire, avant un troisième sommet prévu en 2026». Elle précise encore qu'«entre 2005 et aujourd'hui, la Russie a signé des accords de coopération technique et militaire avec quarante pays africains». Cette présence prend des formes variées : «le groupe Wagner est une entreprise militaire privée aux liens étroits avec le Kremlin» tandis qu'«Africa Corps est une force appartenant à l'armée russe directement subordonnée à l'Etat». L'auteur souligne que «l'influence russe en Afrique trouve ses origines dans l'après-Seconde Guerre mondiale, lorsque Moscou accompagna plusieurs pays africains dans leur marche vers l'indépendance». Elle rappelle qu'«durant la guerre froide, l'Union soviétique disputait le pouvoir aux Etats-Unis sur le continent». Coopérations bilatérales de l'Algérie à la Zambie L'analyse consacre un long développement aux coopérations militaires et énergétiques. Concernant l'Algérie, il est noté qu'«une coopération militaire traditionnelle, fondée sur l'acquisition d'armement russe, s'est prolongée par des exercices conjoints tels que Desert Shield». Elle insiste aussi sur la tenue «de la vingt-et-unième session de la Commission intergouvernementale algéro-russe pour la coopération militaire et technique, organisée à Alger en novembre 2023». Sauf que derrière ce partenariat, les critiques américaines et internationales fusent : l'armement russe, souvent coûteux, enferme Alger dans une dépendance structurelle à Moscou, tout en exposant son bloc militaire à des matériels parfois dépassés face aux standards occidentaux et à des menaces de sanction. Pour l'Egypte, María Laura Fernández Pinola rappelle qu'«en 2018 avait été conclu un accord portant sur l'acquisition de vingt-quatre avions de combat Su-35», mais qu'«en juillet 2025, cette commande a été annulée à cause de radars obsolètes, de moteurs inefficaces et d'un système de guerre électronique faible». Toutefois, le partenariat énergétique demeure solide : «en janvier 2024 a été lancée la quatrième phase du réacteur de la centrale nucléaire de Dabaa, construite par Rosatom». La Libye apparaît ensuite : «en décembre 2024, la Russie a transféré troupes et armement de Syrie vers la Libye et a commencé à construire une base aérienne dans le sud du pays». La Tunisie est mentionnée pour avoir conclu «un accord de coopération nucléaire en 2016, puis un accord militaire le 16 novembre de la même année». Au Soudan, elle note qu'«en 2017, un accord a autorisé les navires russes à accoster dans les ports de la mer Rouge». L'accord s'est prolongé par «la livraison en 2020 d'un navire-école» et par «le consentement en 2024 à la construction d'une base à Port-Soudan». Le Nigeria est également évoqué : «en 2023 est entré en vigueur l'accord signé en 2021, prévoyant la fourniture d'armes, la formation du personnel, la modernisation des équipements et interdisant toute revente sans autorisation de la partie russe». Au Ghana, l'étude relève qu'«en 2023, Rosatom a encouragé la construction d'une centrale nucléaire pour rejoindre le réseau des installations atomiques». En Ethiopie, «un accord naval signé en 2025 prévoit la formation de marins par les forces russes». Le Burundi est présenté comme un pays où «la Russie accompagne la politique défensive, allant jusqu'à demander la coordination des officiers locaux pour approfondir la coopération militaire». La Tanzanie, quant à elle, voit ses services de sécurité déclarer «la nécessité de coopérer avec la Russie en matière de renseignement et de sécurité pour affronter de multiples menaces». Enfin, la Zambie est évoquée à travers un rappel historique : «la coopération bilatérale s'était traduite par une aide technique et militaire massive, comprenant livraisons d'avions, d'armes et de matériels lourds, ainsi que par la formation des forces de défense». Vers le prochain sommet Russie-Afrique María Laura Fernández Pinola s'interroge sur l'avenir de ces relations à l'approche du rendez-vous de 2026. Elle estime que «le développement du partenariat pourrait être influencé par le résultat de la guerre contre l'Ukraine». Elle observe aussi que «le retrait des troupes françaises de plusieurs pays africains est, peu à peu, comblé par la Russie, tandis que les populations locales manifestent leur soutien à la coopération avec Moscou». Elle conclut que «les relations russo-africaines, loin de s'éteindre, s'affirment», et que «le projet de Vladimir Poutine de promouvoir un monde multipolaire à travers le multilatéralisme tend à s'étendre».