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Interview avec Maryam Touzani : « Le cinéma n'est ni masculin ni féminin : Il est une manière d'interroger le monde »
Publié dans L'opinion le 02 - 12 - 2025

De retour au Festival International du Film de Marrakech (FIFM) avec Calle Málaga, Maryam Touzani signe son œuvre la plus intime, tissée d'absence, de mémoire et d'amour pour Tanger. La réalisatrice revient sur son rapport viscéral aux lieux, sur la puissance narrative des objets familiers, sur le travail de vérité mené avec Ahmed Boulane et Carmen Maura, et sur sa vision d'un cinéma affranchi des catégories de genre. Interview.
* Votre cinéma s'ancre souvent dans des lieux très précis, presque vivants. Comment travaillez-vous l'environnement pour qu'il devienne une composante narrative à part entière ?
Pour moi, il est essentiel de me fondre dans l'environnement où j'ai choisi de tourner. Avant chaque film, je prends toujours le temps de vivre dans le lieu, de le parcourir, de m'imprégner de ses rythmes, de ses habitants, de ses bruits, de ses odeurs. Cette immersion nourrit profondément mon imaginaire : la rue, les rencontres fortuites, les détails les plus infimes deviennent des sources d'inspiration qui s'invitent naturellement dans le récit.
J'accorde une grande importance à l'intériorité des personnages - ce qu'ils portent en eux, leur intimité profonde - mais aussi à tout ce que leur environnement dépose sur eux. Peut-être est-ce pour cela que j'aime tant travailler le silence. Le silence ouvre des espaces inattendus : il permet d'entendre ce qui, autrement, nous échappe. Les pas d'un enfant qui court, une voix de voisin, un souffle venu de la rue... Ces fragments du quotidien enrichissent l'histoire et révèlent les personnages d'une manière organique, sans avoir besoin de les souligner.

* Votre film semble habité par un rapport très intime à Tanger. Comment ce retour dans votre ville d'enfance, marqué par l'absence maternelle, a-t-il façonné l'écriture de Calle Málaga ?
Je suis revenue à Tanger d'une manière que je n'aurais jamais imaginée. Calle Málaga est né de ce besoin de transformer un sentiment très personnel en geste de création, pour pouvoir retrouver cette ville qui, pour moi, est indissociable de ma mère. Tanger, c'était « Maman », c'était la maison au sens le plus profond. L'idée d'y retourner sans elle m'avait toujours semblé impossible.
En écrivant le film, j'ai réalisé que c'était le seul chemin qui me permettait de revenir. Le tournage m'a obligée à avancer, à occuper l'espace, à affronter ce manque. On ne peut pas, sur un plateau, dire simplement qu'on ne se sent pas prête : une équipe entière vous accompagne, vous pousse en avant, comme ma mère me l'a toujours demandé. « Remonte », disait-elle. Faire ce film, c'était remonter. C'était accepter l'absence au lieu de s'y soustraire, ne plus se cacher derrière l'idée que ma mère était encore là, quelque part dans la ville.

* Dans Calle Málaga, les objets semblent dotés d'une présence presque affective. Comment avez-vous travaillé cette dimension matérielle et intime pour raconter la transmission et la mémoire familiale ?
Le tourne-disque que l'on voit dans le film est celui de mes parents. On m'en avait proposé plusieurs pour le tournage, mais j'avais besoin de cet objet-là, précisément. De la même manière, le mortier appartient à mon arrière-grand-mère. Ces objets, transmis de génération en génération, portent en eux une histoire familiale qui m'est chère. Ils symbolisent la continuité, les liens qui se tissent entre ma grand-mère, ma mère et moi.
Je crois profondément que notre identité se construit à partir d'un ensemble de couches : des rencontres, des lieux, mais aussi des objets qui ont meublé nos vies et qui en gardent la trace. La maison de María Ángela, dans le film, est un miroir d'elle-même. Chaque élément du décor a été choisi parce qu'il est chargé de sens : elle les a accumulés au fil des années, et chacun renvoie à un souvenir particulier. Peut-être suis-je quelqu'un de nostalgique, mais j'ai la conviction que certains objets ont une forme d'âme, ou du moins une mémoire propre. C'est aussi pour cela que je passe beaucoup de temps à chercher les lieux où je tourne. J'ai besoin de sentir une histoire dans les murs, une vie antérieure. Je ne veux pas filmer dans des studios : j'ai besoin d'espaces habités, traversés par des existences. Les objets, comme les lieux, deviennent alors des témoins silencieux d'une vie entière. Dans Calle Málaga, ils contribuent à raconter cette femme, sa trajectoire, ses blessures et ses héritages.
* Vous accordez une grande importance au travail avec vos comédiens. Comment avez-vous dirigé Ahmed Boulane et Carmen Maura pour parvenir à cette vérité émotionnelle qui traverse Calle Málaga ?
Travailler avec Boulane a été une expérience très fluide. Il est acteur lui-même, ce qui crée une sensibilité particulière à la direction. Il était extrêmement à l'écoute, toujours prêt à pousser plus loin pour atteindre la nuance que je recherchais. Très professionnel, il s'est investi pleinement dans la construction de son personnage, n'hésitant pas à approfondir ses recherches et à s'interroger sur ce que cet homme porte en lui. Avec Carmen Maura, le travail a commencé bien en amont du tournage. Il ne s'agissait pas seulement qu'elle arrive d'Espagne, prenne la caméra et se mette à jouer : il était essentiel qu'elle comprenne Tanger, qu'elle sente la ville, ses rythmes, ses couleurs, ses silences. Nous voulions qu'elle saisisse ce qui attachait María Ángela à ce pays, pourquoi elle en était si profondément amoureuse.
Carmen a donc passé plusieurs semaines à vivre dans la médina, à trente mètres du lieu où se déroule l'histoire. Dans sa chambre, les photos de María Ángela étaient accrochées à côté des siennes. Elle a arpenté les ruelles, observé les gestes, les habitudes, les regards. Cette immersion a créé un lien intime avec l'environnement, un rapport presque organique à la ville. C'était indispensable pour que son interprétation soit authentique, pour qu'elle porte en elle l'amour du Maghreb et de Tanger. À force de marcher dans les pas de María Ángela, Carmen disait souvent en riant que si elle avait eu 80 ans, elle serait venue acheter une maison à Tanger. Et au fond, je crois qu'elle le pensait vraiment.

* Le débat sur la représentation des femmes dans le cinéma revient chaque année au Festival de Marrakech. Comment percevez-vous cette évolution et la place qu'occupent aujourd'hui les femmes dans les métiers du cinéma ?
Pour être honnête, je ne pense pas en termes d'homme ou de femme lorsque je parle de cinéma. Je me considère avant tout comme cinéaste. Je raconte des histoires qui me touchent en tant qu'être humain, qu'elles soient perçues comme féminines ou masculines importe peu : cette classification ne me semble ni juste ni pertinente.
Il est essentiel que les artistes soient jugés pour leur talent et non pour leur genre. Oui, certaines histoires portent des voix de femmes et doivent être racontées, mais elles peuvent aussi l'être par des hommes. L'inverse est tout aussi vrai. Je crois que l'on crée parfois des oppositions artificielles qui n'aident personne.
Bien sûr, je suis convaincue de la nécessité d'une égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans les opportunités comme dans la reconnaissance. Mais je ne conçois pas le cinéma en termes de catégories genrées. Pour moi, le cinéma n'est ni masculin ni féminin : il est avant tout une manière d'interroger le monde, et cela dépasse les frontières du genre.


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