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Le Maroc approfondit ses relations militaires et économiques avec Israël cinq ans après les accords d'Abraham malgré les événements à Gaza, selon l'INSS
L'Institut israélien d'études de sécurité nationale (Israel National Security Studies, INSS) a publié le 16 septembre le rapport Five Years On: Are the Abraham Accords Here to Stay? (Insight n°2035), rédigé par Yoel Guzansky et Elie Podeh. Les auteurs rappellent que «les accords d'Abraham constituent une étape majeure dans l'histoire diplomatique d'Israël» et qu'ils ont fait preuve «d'une résilience inattendue face à la guerre dans la bande de Gaza». Ils ajoutent que «la coopération dans le domaine sécuritaire et économique s'est même accélérée» depuis leur signature, tout en observant que «les dommages considérables causés par le conflit ne sont pas irréversibles» et qu'une «restauration progressive des liens reste possible» en fonction de l'issue de la guerre et des évolutions du dossier palestinien. Néanmoins, Rabat a, sans cesse, condamné les errements israéliens à Gaza et les victimes civiles tombées depuis octobre 2023. Le rapport note que les accords, signés en septembre 2020 par Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn, ont été rejoints peu après par le Maroc et le Soudan. Les chercheurs précisent que «la question palestinienne, longtemps jugée incontournable pour tout rapprochement avec le monde arabe, a été écartée» tandis que des considérations «sécuritaires, économiques et géopolitiques» ont prévalu. Parmi elles figurent la crainte partagée face à la menace iranienne, la modernisation des armées et la volonté de maintenir des liens solides avec les Etats-Unis. Le document met également en évidence la création en mars 2022 du Forum du Néguev, réunissant les ministres des affaires étrangères d'Israël, du Maroc, d'Egypte, des Emirats, de Bahreïn et des Etats-Unis. Ce forum devait se réunir chaque année pour traiter des questions régionales, avec six groupes de travail consacrés à la sécurité, l'énergie, le tourisme, la santé, l'éducation, l'eau et l'alimentation. Or, «ses activités ont été suspendues du fait de la guerre à Gaza». Le Maroc et Israël structurent une coopération militaire inédite Le rapport met en avant un volet strictement militaire dans les relations maroco-israéliennes. Il souligne qu'en novembre 2021 le Maroc et Israël ont signé «le premier accord de coopération militaire entre Israël et un Etat arabe». Ce traité pionnier a immédiatement débouché sur des exercices communs et un échange régulier d'experts. Les achats marocains d'armes et de matériels militaires israéliens ont ainsi totalisé «environ deux milliards de dollars» depuis 2021, soit quelque 11 % des importations de défense du royaume. Dans l'autre sens, les exportations d'armement israéliennes vers les Etats signataires ont progressé : en 2024, 12 % des ventes d'armes israéliennes ont été réalisées au profit des pays des accords d'Abraham, contre 3 % en 2023. Le rapport souligne que ce basculement s'est accompagné d'une intégration inédite d'Israël aux structures militaires régionales. Le transfert d'Israël sous le commandement central des forces armées américaines (CENTCOM) en 2021, ainsi que la participation d'armées arabes à des exercices conjoints sous supervision américaine, «illustrent la volonté croissante des Etats arabes de coopérer avec Israël» sur les questions de défense. En pratique, les armées israélienne et marocaine ont accentué leurs contacts : des délégations officielles marocaines ont visité des bases israéliennes et des échanges de renseignements ont eu lieu pendant la crise actuelle. Rabat développe des partenariats économiques et sociaux avec Tel-Aviv Les accords ont également ouvert un volet économique et social. Maroc et Israël ont signé en février 2022 un accord de coopération économique. Si les échanges bilatéraux restent modestes comparés à ceux conclus avec les Emirats, le rapport avance qu'ils «sont supérieurs aux niveaux d'avant la signature des accords d'Abraham». Selon les statistiques israéliennes, le commerce Maroc-Israël a atteint environ 110 millions de dollars en 2024, soit une hausse de 40 % par rapport à 2023. Par ailleurs, l'intégration économique se traduit par des partenariats dans l'agriculture, la technologie, la défense et d'autres secteurs. L'Institut pour la paix des accords d'Abraham relève que le commerce total Israël-Emirats a dépassé trois milliards de dollars en 2024. En 2023, Rabat a accueilli un forum économique bilatéral réunissant dirigeants d'entreprise marocains et israéliens. Le rapport mentionne également la participation du Maroc à des projets régionaux sur l'eau et le climat : il cite l'accord «Eau pour l'électricité» (2021) associant Israël, les Emirats et la Jordanie – où Tel-Aviv devait fournir à Amman jusqu'à 200 millions de m3 d'eau par an en échange d'électricité solaire – projet suspendu avec le déclenchement de la guerre dans la bande de Gaza. Les auteurs insistent sur le caractère particulier de la reprise des relations entre Rabat et Tel-Aviv. Selon l'INSS, «le Maroc fait figure d'exception notable», car ses liens historiques et religieux avec Israël ont permis «des connexions sociales beaucoup plus soutenues» entre les deux sociétés. Un tissu culturel dense vient ainsi légitimer et renforcer un cadre diplomatique avant tout étatique. Le rapport met cependant en garde : «toute évolution politique majeure, l'émergence de forces d'opposition interne ou une nouvelle crise régionale pourraient déstabiliser rapidement le cadre actuel» des accords. En dépit de ces incertitudes, l'étude constate qu'aucun pays signataire n'a rompu formellement ses liens avec Israël depuis le déclenchement de la guerre à Gaza. Bahreïn, par exemple, s'est contenté de geler certains accords économiques et de rappeler son ambassadeur en signe de solidarité avec les Palestiniens. Aucun gouvernement n'a dénoncé les accords, et le Maroc, comme ses partenaires du Golfe, poursuit ses relations diplomatiques, commerciales et sécuritaires avec Tel-Aviv. Au total, ce bilan de l'INSS montre que le Maroc a affirmé son rôle stratégique au sein des accords d'Abraham. Cet engagement diplomatique et économique, soutenu par une base sociétale solide, témoigne de la «résilience inattendue» de la reprise des relations cinq ans après leur signature. Tant que les conditions régionales le permettront, Rabat restera un maillon essentiel de ce dispositif, fédéré autour d'intérêts partagés et de liens historiques profonds avec Israël.