La controverse nourrie par les déclarations de Abdellah Bouanou, président du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD, opposition) aurait profondément changé de nature depuis la mise au jour de documents administratifs. Ces pièces, rapportées comme authentiques, seraient de nature à mettre en difficulté la version fournie par le ministère de la santé et de la protection sociale et à replacer, au cœur de nouveaux soupçons de conflit d'intérêts, deux membres du Rassemblement national des indépendants, dont le ministre de l'éducation nationale, du préscolaire et des sports Mohamed Saad Berrada. Toujours selon la presse, des sources proches du ministère avaient initialement soutenu qu'aucun marché n'avait été conclu avec la société Pharmaprom, souvent évoquée dans le débat public comme étant liée à l'entourage de M. Berrada. Ces mêmes sources affirmaient que «l'administration centrale n'avait jamais contracté avec cette société et que les achats relevaient exclusivement des structures hospitalières». Les pièces rendues publiques conduiraient toutefois à une lecture rigoureusement opposée. Le site Nichan, qui a dévoile les pièces, rapporte que «des documents signés par le directeur central chargé de l'approvisionnement en médicaments attestaient que la société avait obtenu, en une seule année, plusieurs marchés gérés directement par l'administration centrale». Le plus récent porterait le numéro 30/2025/DAMPS/MDT/CAPM, en date du 5 novembre 2025, et mentionnerait une adjudication d'un montant proche d'un million de dirhams au profit du Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CAPM). Selon la presse, cette pièce infirmerait explicitement l'affirmation selon laquelle les hôpitaux seraient seuls responsables de ces opérations commerciales. Il est également rapporté que «d'autres documents, datés du 28 février 2025, faisaient état d'un vaste appel d'offres dépassant cinq millions de dirhams, dans lequel la société apparaissait de nouveau parmi les attributaires». Le site souligne que cette information contredirait directement le discours officiel. Une troisième pièce, datée du 14 mars 2025 et référencée 16/2024/DAMPS/MDT/DP/DELM/CAPM, attesterait, selon la presse, que «la société avait bénéficié de plus de dix millions de dirhams pour des acquisitions destinées à des programmes nationaux relevant de la lutte contre les épidémies, de la direction de la population et du Centre antipoison». Il est ajouté que «l'ensemble de ces opérations avaient été conduites au niveau central, sans intervention d'entités régionales ou autonomes». La presse affirme également qu'un marché international daté du 29 mai 2025, référencé 01/2025/DAMPS/MDT/DELM/DP/CAPM, aurait attribué à Pharmaprom plus de onze millions de dirhams pour des fournitures destinées à des programmes nationaux supervisés par le ministère. Une autre attribution, d'un montant dépassant trois millions de dirhams, porterait sur l'équipement de centres d'oncologie, conformément au document 05/2025/DAMPS/MDT/DM/ONCO. Le média écrit que «la répétition de ces adjudications et l'étendue des programmes concernés donnaient à l'affaire une portée dépassant largement la simple dimension comptable». Selon les mêmes sources, la succession de marchés obtenus depuis l'entrée de Mohamed Saad Berrada au gouvernement constituerait un ensemble d'éléments susceptibles d'alimenter les interrogations relatives au croisement entre charges publiques et intérêts privés. Elles estiment que «la problématique relevait moins du montant isolé des marchés que de leur récurrence et de leur caractère stratégique». Eléments capitalistiques éclairent les interrogations sur les liens entre responsabilité publique et activités privées Toujours selon la presse, les archives du Conseil de la concurrence apporteraient un éclairage déterminant. Il est rapporté que «le Conseil avait approuvé, en octobre 2022, l'acquisition par les sociétés BFO Partners et BMPAR — dont l'une relevait du groupe de Mohamed Saad Berrada — de la totalité du capital et des droits de vote de Pharmaprom». Cette opération, placée sous le régime des concentrations économiques, avait été alors jugée compatible avec le fonctionnement normal du marché, la société n'occupant qu'une position modeste dans le secteur de l'importation et de la distribution pharmaceutiques. Par ailleurs, «cette évolution capitalistique antérieure à l'entrée du ministre au gouvernement donnait aux documents publiés une portée élargie et ravivait les interrogations récurrentes sur l'articulation entre activités privées et responsabilités publiques». Les mêmes sources rappellent que cette problématique faisait écho à d'autres affaires ayant suscité des interrogations similaires, notamment celle relative à la station de dessalement de Casablanca attribuée à un groupe appartenant au chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Enfin, la presse observe que la communication du ministère s'était limitée à exposer des éléments relatifs à l'importation du chlorure de potassium, sans identifier le fournisseur, alors que «les documents publiés faisaient apparaître un entrelacs contractuel reliant des membres du même parti à une entité commerciale active dans le secteur pharmaceutique». Selon ces sources, cette configuration soulèverait «une question fondamentale sur la nature du rapport entre responsabilité gouvernementale et intérêts économiques privés».