Marrakech accueille du 13 au 15 mai 2025 la première édition du Congrès national des agrumes. Cette rencontre scientifique, organisée par l'interprofession Maroc Citrus sous l'égide du Ministère de l'Agriculture, se penche sur les défis structurels, climatiques et commerciaux qui impactent la filière agrumicole au Maroc. La filière des agrumes, pilier de l'agriculture marocaine, est au cœur de réflexions stratégiques cette semaine à Marrakech. Réunissant producteurs, exportateurs, institutionnels et experts internationaux, le premier Congrès national des agrumes vise à faire un état des lieux complet d'un secteur qui emploie plus de 13 000 familles et génère 32 millions de journées de travail en milieu rural. Des défis multiples et une filière en transformation Sous le thème « Challenges multiples sur la filière des agrumes : quels leviers pour agir ? », les débats s'articulent autour des enjeux majeurs qui conditionnent l'avenir de cette filière stratégique. L'un des moments phares du congrès a été la présentation des résultats d'un recensement actualisé du verger agrumicole, mené par Maroc Citrus en partenariat avec le ministère de tutelle. Ce diagnostic révèle une baisse de 29 % des superficies exploitées depuis 2016, soit une perte de plus de 37 000 hectares. Après avoir atteint un pic de 128 000 hectares en 2016, la superficie agrumicole s'établit aujourd'hui à 91 342 hectares. Cette contraction s'explique principalement par les effets de la sécheresse prolongée, mais aussi par une phase de surproduction ayant dépassé les capacités de conditionnement et de commercialisation du secteur. Lire aussi | Les agrumes marocains font leur entrée sur le marché japonais La production annuelle actuelle avoisine 1,5 million de tonnes, dont deux tiers destinés au marché local et un tiers à l'export. Malgré le recul en volume, la filière affiche une meilleure structuration avec un verger rajeuni : la moitié des plantations ont moins de 15 ans. La qualité et la valeur ajoutée deviennent des priorités. Parmi les variétés les plus prometteuses, la NadorCott — développée au Maroc — se distingue. Cette mandarine à haute valeur ajoutée, dont la gestion est encadrée par l'Association des Producteurs de Nadorcott au Maroc (APNM), est désormais exportée vers plus de 40 pays et bénéficie d'une protection juridique en Europe. À l'export, une adaptation contrainte mais stratégique L'invasion du marché russe par des concurrents comme la Turquie et l'Egypte a forcé les opérateurs marocains à se repositionner vers des marchés plus exigeants. Cette réorientation a entraîné une montée en gamme et une généralisation des certifications (GlobalGAP, SMETA, GRASP, LEAF), gages de qualité, de traçabilité et de respect des normes sociales et environnementales. L'orange, autre produit phare, rencontre toutefois des difficultés accrues à l'export, affectée par la forte concurrence égyptienne et des barrières logistiques. Les stations de conditionnement tournent à capacité réduite, et les usines de transformation manquent de matière première. Une situation que pourrait partiellement améliorer la conjoncture mondiale : le Brésil, touché par le virus du Greening, laisse entrevoir des opportunités pour les exportateurs marocains sur le marché du jus d'orange. Lire aussi | La filière des agrumes se donne rendez-vous à Marrakech pour repenser son avenir Le congrès met en lumière un défi majeur et transversal : l'accès durable à la ressource hydrique. Les épisodes de sécheresse successifs mettent en péril la viabilité même de la filière. Face à la priorité accordée à l'eau potable, les acteurs du secteur appellent à un plan d'action spécifique intégrant le dessalement de l'eau de mer, la réutilisation des eaux usées et le développement d'infrastructures comme des « autoroutes de l'eau ». Vers une meilleure structuration de la chaîne de valeur Enfin, le congrès aborde les faiblesses organisationnelles de la filière. Le Conseil de la concurrence, dans son avis publié en mars 2024, a souligné plusieurs dysfonctionnements affectant la compétitivité du secteur. Une meilleure régulation du marché, une gouvernance renforcée et une coordination entre les différents maillons de la chaîne sont désormais considérées comme des priorités. Ce premier Congrès national des agrumes se veut un espace de dialogue et de prospective. En s'appuyant sur l'expertise scientifique et les retours d'expérience de terrain, il ambitionne de dessiner les contours d'un plan d'action pérenne pour relever les défis et valoriser les atouts d'une filière stratégique pour l'économie nationale.