7,5 millions de dollars, c'est le montant que la startup spécialiste de la livraison a récemment récolté. Elle est la preuve que le patriotisme économique commence à avoir de la résonance... « L'écosystème entrepreneurial est encore embryonnaire au Maroc », soutenait la Banque mondiale dans l'un de ses rapports sur le secteur privé marocain. D'ailleurs, en matière de levée de fonds sur le continent, le Maroc demeure moins performant. Le classement des startups ayant levé le plus de fonds par pays d'origine montre que l'Egypte occupe le premier rang avec 434,2 millions de dollars, devant l'Afrique du Sud (244,7 millions), le Nigeria (61,1 millions) et le Kenya (44,2 millions). Outre ces « Big Four » qui représentent 91 % du total, le reste du continent se partage les 9 % restants, avec notamment le Ghana (11 millions de dollars), le Bénin (8 millions), le Maroc (5,6 millions) et le Sénégal (3,3 millions). Au Maroc, le constat amer est que les startups ne lèvent pas encore assez de fonds. En cause : les enjeux de financement et d'accompagnement, qui peuvent entraver leur croissance et leur réussite. Même si des initiatives telles que le Fonds Innov Invest ont démontré leur efficacité dans le financement des startups, en particulier dans les phases initiales, il reste encore du chemin à parcourir pour combler le fossé en matière de financement et de gestion des capitaux, notamment par rapport à des pays comme l'Espagne, le Portugal ou le Nigeria. Lire aussi | ORA Technologies lève 7,5 millions de dollars pour accélérer sa croissance dans le digital au Maroc Les startups ont besoin de davantage de prise de risque et d'investissements pour passer de la phase de prototype à celle de l'accélération. D'autre part, il faut noter que, dans certaines régions du monde, au-delà des actions de l'Etat, les grandes réussites entrepreneuriales s'inscrivent dans une démarche de give-back. L'une des plus grandes figures de la philanthropie entrepreneuriale est le célèbre milliardaire Bill Gates. Ce dernier, depuis quelques années, est très engagé auprès des startups. En 2022, par exemple, via son fonds d'investissement dans les technologies propres, il a investi près de 20 millions de dollars dans Blue Frontier, une startup spécialisée dans la climatisation. Plus récemment, c'est en France que le milliardaire a orienté son action : avec la Fondation Bill & Melinda Gates, il a investi près de 5 millions de dollars dans la startup française Smart Immune. De son côté, le milliardaire Jeff Bezos est aussi de la partie. Paiement électronique, domaine spatial, intelligence artificielle... Les investissements du patron d'Amazon sont nombreux. En 2020, à travers sa société de capital-investissement, il a apporté un premier soutien financier de 30 millions de dollars à Chipper Cash, une startup spécialisée dans les solutions de paiement. Les choses commencent à bouger... Au Maroc, la sphère des grandes réussites est jusqu'ici restée assez timide en matière de soutien aux startups. Cependant, les choses semblent être en train de changer. C'est ce que confirme le parcours de la startup Ora Technologie. Née sur les terres marocaines, portée par une ambition très locale mais des standards globaux, Ora Technologie s'impose aujourd'hui comme l'une des rares startups à avoir su convaincre un large pool d'investisseurs nationaux. Pas de VC étrangers, pas de fonds parisiens ni de family offices de la diaspora : des capitaux d'ici. En effet, Ora Technologie a annoncé, mardi 15 juillet 2025, avoir levé 75 millions de dirhams (soit 7,5 millions de dollars) dans un tour de financement de série A. Il s'agit du plus gros montant levé par la jeune entreprise à ce jour. Ce tour de table porte à 11,9 millions de dollars le total des fonds mobilisés depuis sa création, en janvier 2023. Ce financement a été entièrement apporté par des investisseurs marocains, avec en chef de file Azur Innovation Fund, un fonds d'amorçage actif dans le soutien aux startups en phase de démarrage. Lire aussi | ORA Technologies lève 1,9 million de dollars pour renforcer l'inclusion financière au Maroc La startup, qui a deux ans d'existence, avait réalisé une première levée de fonds de 1 million de dollars en novembre 2023, auprès d'investisseurs privés marocains. En mars 2024, elle a levé 1,5 million, puis 1,9 million en mars 2025. Ce soutien répété montre que les investisseurs marocains font confiance à la startup, à ses fondateurs et à son potentiel. « Aujourd'hui, la meilleure façon d'aider un entrepreneur qui propose une solution innovante, c'est de lui donner la chance de réaliser un prototype dans le cadre d'un marché avec une grande entreprise. Cela prend la forme d'une expérimentation réelle, en mode partenariat, et donc rémunérée. Cela lui permet d'avoir une référence, mais aussi d'adapter son innovation au marché », déclare Mehdi Alaoui, CEO de LaFactory. Et d'ajouter : « Le deuxième volet, pour moi, c'est que lorsque la startup a un produit qui marche, la grande entreprise devrait aussi se dire : « tiens, cette startup a quelque chose d'intéressant, je pourrais investir dedans, voire l'acheter plus tard, avec un retour sur investissement palpable. » » Qui est Azur Innovation Fund ? Azur Innovation Fund est un fonds d'investissement marocain dédié au financement des startups innovantes, avec un objectif clair : faire émerger les champions technologiques de demain. Doté d'une enveloppe de 300 millions de dirhams, ce fonds ambitionne d'investir dans 20 projets d'ici 2025, en ciblant en priorité les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance. L'objectif est de passer d'une logique de soutien ponctuel à une véritable stratégie de financement structuré, pensée sur le long terme, capable d'accompagner les projets dans toutes les étapes critiques de leur développement. En mettant l'accent sur des secteurs stratégiques tels que la fintech, la healthtech, les énergies propres ou l'agritech, Azur entend jouer un rôle structurant dans l'écosystème entrepreneurial marocain. Lire aussi | Salma Ammor à la tête de la nouvelle filiale marocaine de la startup égyptienne d'e-commerce Taager Sous la direction de Khalil Azzouzi, le fonds adopte une approche proactive, combinant investissement financier, accompagnement stratégique et mise en réseau. Plus qu'un levier de capital, Azur se veut partenaire de croissance, en offrant aux startups les moyens de leurs ambitions. Ce positionnement rompt avec les logiques traditionnelles du capital-risque au Maroc, souvent frileuses et orientées court terme. À travers cette initiative, c'est une nouvelle culture de l'investissement dans l'innovation qui se dessine, avec pour ambition d'installer durablement la confiance entre investisseurs, entrepreneurs et institutions. Azur Innovation Fund illustre ainsi la volonté du Royaume de stimuler une économie fondée sur le savoir, la technologie et la valeur ajoutée locale.