Après s'être attaqué au Festival Mawazine, qu'il considère comme « incompatible avec les valeurs marocaines traditionnelles », le Secrétariat Général du Parti de la Justice et du Développement (PJD) a décidé de prendre, une nouvelle fois, en grippe, l'un des artistes participants : El Grande Toto. C'est un secret de Polichinelle. Le PJD voue un désamour pour le rappeur marocain El Grande Toto, dont la reconnaissance dépasse désormais les frontières, et compte bien le faire (encore) savoir. Dans un communiqué, le secrétariat général du PJD condamne fermement, sans nommer l'artiste, ce qu'il qualifie « de dégradation artistique », appelant à sanctionner « tous ceux qui contribuent à faire de la vulgarité et de la médiocrité une politique culturelle publique », et à ériger certaines "malformations artistiques" en modèles pour les générations futures, honorées et financées sur fonds publics, imposées aux foyers marocains sans leur consentement. Cette réaction fait suite à la polémique suscitée par Mawazine, accusé de porter atteinte aux valeurs authentiques marocaines en donnant une tribune à un « artiste » qui, selon le communiqué, ne fait que polluer l'ouïe et les goûts par des paroles grossières, vulgaires et insultantes pour l'art et les artistes. Des propos jugés attentatoires à la pudeur, choquants pour les constantes nationales et la culture du pays. Le texte critique également une chaîne de télévision publique, qui, selon lui, « persiste à diffuser et généraliser ces dérives dans les foyers marocains, illustrant un grave laisser-aller moral et éthique encouragé par certains acteurs de l'espace public, accusés de gérer les institutions culturelles et médiatiques selon des orientations idéologiques ou partisanes, sans respect pour les valeurs, la culture ni la dignité des familles marocaines et des institutions nationales unificatrices ». El Grande Toto : bête noire du PJD Ce n'est pas la première fois que le parti des frères choisi de cibler l'interprète de « Blue Love ». En 2022, l'ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane l'avait vivement critiqué après ses propos polémiques lors d'une conférence de presse où le rappeur avait assumé consommer du cannabis. Dans une intervention publique, Benkirane l'avait qualifié de "salgot", un terme péjoratif en darija pouvant se traduire par "voyou" ou "racaille", dénonçant son influence négative sur la jeunesse marocaine. Plutôt que de s'en défendre, El Grande Toto a choisi d'embrasser cette insulte pour la retourner en symbole de force et d'affirmation. Il a intégré "Salgot" dans son identité artistique et commerciale, en faisant un slogan récurrent dans ses chansons et ses apparitions publiques. Il a également décliné ce terme en marque de vêtements et d'accessoires, contribuant à renforcer son image de rappeur provocateur, en phase avec un public jeune en quête d'authenticité et d'audace. Ainsi, "Salgot" est devenu un élément central de son branding, illustrant sa capacité à retourner la critique politique et morale en outil marketing puissant, renforçant son aura d'artiste contestataire, libre et décomplexé.