Maroc–Gambie : vers un partenariat africain exemplaire    Clôture parlementaire : message de fidélité du président de la Chambre des représentants à S.M. le Roi    Le capital-investissement a dopé de 20,5 % le chiffre d'affaires des PME marocaines en 2024    Santé : la FM6SS et AstraZeneca s'allient pour les maladies rares    The Gambia reaffirms support for Morocco's sovereignty over Sahara    La Chambre des représentants approuve le projet de loi sur la réorganisation du CNP    Paris restreint les déplacements de dignitaires algériens après des renvois contestés, selon Sophie Primas    MEDays 2025 . Le Sud global redéfinit les règles    CPS-UA : le Maroc milite pour une réponse intégrée en faveur des enfants anciens combattants    Accidents de la circulation : 24 morts et 2.965 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Quand l'éducation est en grève, qui paie le prix ?    Moroccan women's football team reaches AFCON 2024 final after thrilling win over Ghana    Moroccan House passes bill to reform National Press Council    Le Maroc signe de nouveaux accords pour renforcer l'intégration de l'amazigh dans la justice    Fado Festival revient à Rabat pour une 8e édition    La Gambie réitère son plein soutien à la souveraineté du Maroc sur le Sahara    Maroc Digital 2030 : lancement d'un centre stratégique en IA    Attijariwafa bank lance son programme d'Open Innovation "Open Start by Wenov"    SpaceX avertit ses investisseurs d'un possible retour d'Elon Musk en politique américaine    «Le Maroc et le Sahara occidental formaient un seul et même pays avant que les colonisateurs ne viennent en morceler l'unité» : en Afrique du Sud, la conférence de presse du MK Party qui secoue tout    L'Agence internationale de contrôle notifie un cas de dopage au boldénone chez un lutteur algérien après sa participation à une compétition au Maroc    Ounahi accuse l'OM de "de privilégier les considérations financières"    Rétro-Verso : Mosquée de la Kasbah de Tanger, fleuron de la reconquête spirituelle    La Chine ouvre son marché au Maroc : une exonération douanière totale pour stimuler les échanges commerciaux et renforcer le partenariat stratégique    Un rapprochement stratégique pour créer le premier opérateur logistique intégré au Maroc    Interview avec Othmane El Kheloufi : « On traverse une vraie crise de créativité musicale »    Moussem Moulay Abdallah Amghar : Nouvelle configuration pour la version 2025    Banques cotées : la rentabilité redécolle, les marchés suivent    Après 5 ans de suspension, l'Inde reprend la délivrance de visas touristiques aux citoyens chinois    IPC : inflation contenue, mais panier sous tension    revue de presse de ce mercredi 23 juillet 2025    1⁄2 Finale Euro (f) Suisse 2025 : Une Angleterre insubmersible renverse l'Italie au bout du suspense    Ouled Frej: Coup d'envoi à la deuxième édition du Festival du Figuier    Botola D1 : Berkane en fête ce mercredi pour recevoir le trophée du sacre    CAN féminine : Vilda félicite ses joueuses et se tourne vers la finale    Feyenoord prêt à battre son record de transfert pour Hamza Igamane    Mémoire : Sur les traces des héros du Baddou [INTEGRAL]    A Sidi Bennour, l'Art Mural comme manifeste silencieux    CAN 2024 féminine : Le Maroc se qualifie pour une deuxième finale consécutive    Wall Street en alerte : les géants de la tech face au test des résultats trimestriels    Les prévisions du mercredi 23 juillet    Bourse de Casablanca : Top des actions les plus performantes en juillet 2025    Etats-Unis : HRW dénonce des conditions «déshumanisantes» de détention de migrants    Iran-USA : Menace d'une nouvelle attaque des installations nucléaires iraniennes    Démission de la directrice d'un centre scientifique de la NASA    Langue amazighe: Signature de trois conventions entre le SGG, l'IRCAM et le département de la Transition numérique    Et Meknès, la plus délaissée parmi ses consœurs impériales, de tirer vanité de son parc d'attraction, l'unique au Maroc et en Afrique    «Calle Malaga», le film de Maryam Touzani sélectionné à la Mostra de Venise et à Toronto    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Horizon 2030 : entre capital fixe et capital humain, le spectre d'une fracture [Par Anas Abdoun]
Publié dans Challenge le 23 - 07 - 2025

Alors que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe du monde 2030, l'ampleur des investissements publics soulève une question centrale : le modèle de développement repose-t-il trop sur l'infrastructure au détriment du capital humain ? Cette tribune propose une lecture critique des choix budgétaires actuels, en mettant en lumière le risque d'une dissociation croissante entre croissance visible et réalité sociale vécue.
Par Anas Abdoun*
Macro-diagnostic : chômage élevé, IDE en panne
En dépit d'un discours national volontariste et d'un calendrier d'investissements publics ambitieux, les fondamentaux macroéconomiques du Maroc envoient aujourd'hui des signaux d'alerte qui invitent à réévaluer la trajectoire suivie depuis deux décennies. Le taux de chômage s'établit à 13,5 %, plus de 157 000 emplois ont été détruits en 2023, et un quart de la jeunesse demeure en situation de NEET. Parallèlement, la pauvreté monétaire a plus que doublé depuis 2019, confirmant l'existence d'une vulnérabilité sociale structurelle que la seule dynamique d'infrastructure ne parvient pas à résorber.
Le contraste le plus frappant concerne les investissements directs étrangers : face aux 20 milliards de dollars annoncés en grande pompe l'an dernier, les flux réellement enregistrés plafonnent autour de 1,5 milliard. Ce décalage relativise l'avantage géoéconomique que procure au Royaume la reconfiguration des chaînes de valeur entre les Etats-Unis, l'Union européenne et la Chine. En pratique, le Maroc ne capte encore qu'une fraction marginale de ces redéploiements, faute de conditions domestiques suffisamment attractives – compétences disponibles, productivité, gouvernance des projets – pour transformer l'intérêt déclaré en engagements financiers concrets.
Les limites de la politique d'infrastructures
Depuis le début des années 2000, la construction d'infrastructures de classe mondiale – ports, autoroutes, LGV, zones industrielles – constitue le principal levier de la politique de compétitivité. Si ces actifs ont indubitablement renforcé l'intégration logistique du pays, ils n'ont pas suffi à déclencher la montée en gamme du tissu productif escomptée. L'accumulation de « capitaux fixes » côtoie désormais des projets dont la rentabilité sociale et économique reste incertaine, alimentant la perception d'un trop-plein de chantiers plus démonstratifs que transformateurs. Le risque est celui d'un effet vitrine : un paysage urbain modernisé sans la profondeur industrielle ni l'innovation capables d'absorber durablement la main-d'œuvre et de relever les revenus.
Lire aussi | Anas Abdoun: «Le Maroc, futur hub industriel des Etats-Unis grâce aux tarifs douaniers de Trump ?»
La Coupe du monde 2030 constitue le point focal de cette stratégie. Les quelque 100 milliards de dirhams de dépenses publiques programmées d'ici 2030 – dont près de 500 millions pour le seul stade de Benslimane – traduisent la volonté d'utiliser l'événement comme accélérateur de modernisation. Toutefois, l'alignement sans nuances de la planification budgétaire sur cet horizon soulève deux questions. D'une part, la priorité accordée aux infrastructures sportives et aux liaisons de transport détourne-t-elle des ressources rares des secteurs à plus fort contenu technologique ou social ? D'autre part, quelle sera la perception citoyenne si, à l'approche du tournoi, les retombées tangibles en matière d'emplois pérennes, de pouvoir d'achat et de services publics tardent à se matérialiser ?
Le syndrome du boom perçu
Un contrat psychologique implicite s'est ainsi installé : l'Etat investit massivement dans la pierre et l'acier, tandis que la population accepte un « retard de gratification » dans l'espoir d'un décollage économique post-2030. Plus l'écart se creuse entre la visibilité des chantiers et la réalité quotidienne des ménages, plus le risque de défiance croît. Dans un pays où près d'un jeune sur quatre se déclare déjà « sans perspective », l'accumulation de frustrations pourrait constituer un facteur déstabilisant plus redoutable qu'un choc externe ponctuel.
À moyen terme, la soutenabilité du modèle dépendra moins de la densité des infrastructures que de la capacité à convertir ces actifs en gains de productivité, en innovation et en inclusion territoriale. Cela suppose une réallocation résolue des ressources vers l'éducation, la formation professionnelle et l'appui aux écosystèmes industriels exportateurs. Sans ce rééquilibrage, la « vision 2030 » risque de cristalliser une ligne de fracture : celle qui sépare un Maroc visible, spectaculaire, aligné sur les standards internationaux, d'un Maroc vécu, où les promesses de prospérité tardent à se concrétiser.
Un tel décalage alimente aussi une tension politique larvée : plus l'image d'un Maroc flambant neuf s'impose – façades rutilantes, gares futuristes, stades monumentaux –, plus la difficulté sociale est vécue comme une injustice dans un pays perçu en plein essor.
Autrement dit, les citoyens ne se comparent plus à l'image d'un Maroc encore pauvre en transition, mais à celle revendiquée officiellement d'une nation déjà gagnante.
Lire aussi | Anas Abdoun: «La proposition de Macron d'établir un nouveau cadre stratégique a pour but de réajuster les relations franco-marocaines»
C'est ce glissement de référentiel, provoqué par l'esthétique de la modernité bâtie, qui fait peser un risque politique : la colère n'est plus celle de la pénurie, elle est celle de l'exclusion d'une prospérité promise et constamment mise en scène. Cette sensation de « croissance confisquée » déplace alors le centre de gravité du mécontentement : elle suscite moins la résignation que l'interpellation directe de la légitimité de la dépense publique, et fait naître, dans l'espace numérique comme dans la rue, des récits concurrents où la réussite nationale affichée devient le miroir grossissant d'inégalités jugées d'autant plus insupportables qu'elles se paient en béton apparent.
Si cette dissonance n'est pas résorbée, le risque n'est plus seulement économique : c'est celui d'une césure politique, où la contestation se construit sur le sentiment d'avoir été tenu à l'écart du progrès, fragilisant ainsi le consensus dont le calendrier 2030 a besoin pour se transformer en véritable accélérateur de développement partagé.
*Anas Abdoun est consultant international en stratégie, énergie et géopolitique, spécialisé dans l'analyse des marchés africains et moyen-orientaux. Il conseille depuis plus de dix ans des gouvernements, grandes entreprises et institutions sur les dynamiques énergétique et les stratégie économiques. ses analyses ont été publiés ou repris par plusieurs journaux de références comme le Wall Street Journal ou le Financial Times.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.