Moins d'un mois après le discours du Trône du 29 juillet, le ministère de l'intérieur vient de diffuser une « note d'orientation » explicitant la méthodologie à suivre dans le processus d'élaboration d'une « nouvelle génération de programmes de développement ». Ladite note rappelle tout d'abord les orientations contenues dans le dernier discours du Trône qui a clairement mis en exergue les inégalités socio-spatiales, résultat d'un « développement à deux vitesses » qui risque de contribuer à la reproduction, voire à l'aggravation de la pauvreté et de la précarité, en particulier dans les zones qui demeurent enclavées. Pour faire face à cette réalité, et entamer durablement sa transformation, le discours Royal souligne l'urgence d'une nouvelle génération de programmes de développement territorial intégré, fondée sur : la valorisation des spécificités locales (maritimes, forestières, montagneuses, désertiques....), la consolidation de la régionalisation avancée qui demeure un chantier stratégique, et les principes de complémentarité et de solidarité entre les entités territoriales, dans la perspective de garantir à chaque citoyen et citoyenne un accès équitable aux fruits de développement. Lire aussi | Développement territorial, justice sociale et ouverture régionale : les priorités du Discours du Trône 2025 [Texte intégral] Après ce rappel, ladite note inscrit le processus d'élaboration de ces programmes dans la continuité des réformes engagées depuis 1999, année d'intronisation du Souverain Mohamed VI. Dans ce cadre, il est surtout question d'affiner les approches pour un meilleur ciblage, de manière anticipée, et avec des impacts locaux concrètement appréciables, en termes d'amélioration des conditions de vie et de réduction des disparités territoriales. Ce nouveau chantier Royal doit être mené en coordination avec les « acteurs locaux concernés », en promouvant la mutualisation des efforts et l' « articulation autour de priorités clairement définies et de projets générateurs d'impacts réels », en particulier la promotion de l'emploi, le renforcement des services locaux de base tels que l'éducation/enseignement et la santé, « de manière à préserver la dignité des citoyens, d'instaurer la justice spatiale » en réduisant les inégalités territoriales. Il est aussi question de mettre en place une « gestion proactive et durable de l'eau ». Tout cela dans une optique de mise à niveau territoriale intégrée. Pour la mise en œuvre, la note du ministère de l'intérieur met l'accent sur la concertation avec « l'ensemble des acteurs concernés (au niveau des commandements respectifs des walis et des gouverneurs) », et sur la base d'une « démarche participative et territorialisée », impliquant les « acteurs territoriaux concernés ». Cette note souligne par ailleurs la spécificité sociopolitique du contexte actuel et le timing pré-électoral (élections législatives en 2026), et préconise des règles et pré-requis en vue de garantir la neutralité politique et la réussite technique du chantier. Pour cela, il est question d'un « alignement stratégique », en veillant à la cohérence des nouveaux programmes avec le nouveau modèle de développement. Lire aussi | Chantiers structurants et investissements. Les moteurs de la croissance au Maroc L'échelle de conception des programmes est la préfecture/province, de par sa centralité et sa proximité socio-spatiale. L'approche doit être « participative et inclusive », en vue de créer une dynamique dans la détection des besoins sociaux prioritaires, tout en veillant à la maitrise des risques d'instrumentation politico-électoraliste. Le diagnostic territorial actualisé doit permettre d'affiner les outils de ciblage en accordant une attention particulière « aux zones rurales endurant encore des formes de pauvreté et de précarité (...) ». Le tout dans une perspective globale de convergence et de complémentarité afin de maximiser la synergie territoriale et intersectorielle. Dans ce processus, la note invite les walis et les gouverneurs à ne pas perdre de vue les principaux objectifs de ce chantier Royal que sont « l'amélioration des conditions de vie de la population, la réduction des disparités spatiales, le renforcement de l'attractivité et de la compétitivité territoriale, l'amélioration des indicateurs de développement humain et la création d'emploi ». Ainsi, le ministère de l'intérieur devient un acteur technique central dans le processus de développement, en particulier dans la lutte contre la pauvreté et la précarité dans les zones rurales enclavées. Certains risques méritent toutefois d'être soulevés. Le mode de gestion de ce chantier ne va-t-il pas être perçu comme une défiance vis-à-vis du gouvernement actuel ? Sur quels bases et résultats le gouvernement va-t-il être évalué politiquement lors des prochaines élections ? Le gouvernement actuel ne va-t-il pas se « déresponsabiliser » politiquement quant aux résultats atteints dans le domaine social ?