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Marrakech : la fin d'une epoque ?
Publié dans Challenge le 13 - 06 - 2009

Marrakech inquiète. Les Marrakchis disent qu'on leur a volé leur ville, que tout est allé trop vite. Mais d'un autre côté, après la période faste pour le tourisme, entre 2003 et 2007, les professionnels se demandent vers quoi se dirige maintenant le secteur sur cette destination qui génère plus du tiers de l'activité touristique marocaine. Sur un autre registre, la région devrait apporter une réponse crédible et structurelle à différentes problématiques, comme celle des ressources en eau qui se pose avec acuité malgré les assurances des autorités locales. La destination réussira-t-elle sa mutation sans trop de dégâts ?
25 juillet 2007. Pour la dernière fois, Driss Jettou, Premier ministre de l'époque, préside la réunion du Comité stratégique du tourisme (CST), dédié au suivi de la mise en œuvre de la vision 2010 du secteur. Les opérateurs du tourisme, comme un seul homme, expriment leurs grandes inquiétudes quant à l'explosion des capacités à Marrakech. Ils demandent au gouvernement d'anticiper les effets de l'extension des capacités qui, à court terme, se traduisent par un recul du chiffre d'affaires dans les entreprises hôtelières. Manifestement pris de court, le prédécesseur d'Abass El Fassi se tourne vers son ministre du Tourisme d'alors, Adil Douiri, pour lui demander un état des lieux de Marrakech «parce qu'on ne sait plus où l'on va ». Jusque-là et cela depuis 2003, la destination avait bien marché. Cette embellie avait amené à l'époque beaucoup d'opérateurs et de pouvoirs publics à défendre l'idée que Marrakech n'a pas besoin de PDRT (Plan de développement régional du tourisme), outil servant à connaître les besoins de la région, ses orientations, la promotion de l'arrière-pays. « D'autres régions qui peinent à trouver l'impulsion pour aller de l'avant avaient davantage besoin d'un tel programme», disaient-ils.
Arrivé aux commandes trois mois après ce dernier CST présidé par Jettou, le gouvernement d'Abass El Fassi va adopter une autre approche pour la destination phare du Royaume: une Vision 2020 pour la ville. En effet, parallèlement à l'étude en cours sur la Vision 2020, une autre lui sera exclusivement consacrée, ainsi qu'au développement de son tourisme, pour le même horizon, et menée par le même cabinet. «On se rend compte aujourd'hui avec retard que Marrakech avait bien besoin d'un PDRT. On a attendu que le produit soit parti dans tous les sens », souligne Jalil Benabbès Tâarji, ex-Président de la FNT et directeur général du groupe Tikida Hôtels.
Il faut dire que cette destination est le poumon du tourisme national. Quand elle tousse, c'est tout le secteur du tourisme national qui s'enrhume. La cité ocre représente plus d'un tiers des performances de l'industrie touristique marocaine et génère à elle seule chaque année près de 20 milliards de dirhams. La situation est donc délicate, car si cette ville plonge, elle qui, il n'y a pas si longtemps, tirait toute la destination Maroc vers le haut, elle risque aujourd'hui de tirer plutôt le tout vers le bas.
La course à l'hôtellerie
de luxe
Ironie du sort, la crise mondiale est venue depuis compliquer la situation de la capitale touristique du Royaume. Une donne qui vient de pousser le gouvernement à mettre la main à la poche pour surtout redynamiser cette destination, laquelle traverse une période difficile en ce moment. Ce 9 juin 2009, le gouvernement et la Fédération nationale du Tourisme (FNT) ont ainsi formalisé cette décision prise dans le cadre du plan anti-crise dédié au tourisme. 160 millions de dirhams sur la dotation de 300 millions prévue dans ce sens seront alloués à Marrakech. Une bouffée d'oxygène certes, mais les professionnels du tourisme estiment que les problèmes de Marrakech sont beaucoup plus profonds. Pourquoi faut-il attendre le Plan 2020 pour rectifier le tir dans le secteur du tourisme à Marrakech ? Vision 2020 ou PDRT, peu importe. « La destination a besoin de solutions rapides dès maintenant », affirment-ils.Paradoxalement, cette crise n'a pas ralenti les investissements hôteliers, même s'il faut relever que l'essentiel était déjà en chantier. La cadence continue de plus belle, à un rythme d'ouverture unique au monde, surtout dans l'hôtellerie 5 étoiles et luxe. D'ici la fin de l'année, ce sont pas moins de 7 unités de cette catégorie qui ouvriront leurs portes et autant l'année prochaine. En effet, attirés par les paillettes et la clientèle richissime, tous les grands hôteliers mondiaux ont décidé de s'y installer, du Four Seasons au Ritz-Carlton, en passant par Beachcomber, Aman Jena, Royal Mansour, Mondarin Oriental, Banyan Tree, Intercontinental, Conrad Hilton, Mariott ou encore Lucien Barrière. Si jusque-là, les nombreux hôtels de cette catégorie annoncés dans la capitale touristique étaient en chantier, aujourd'hui, ils ouvrent les uns après les autres. Cette capacité additionnelle d'hôtels 5 étoiles et luxe, à en croire les professionnels, équivaut à la capacité d'une grande ville européenne. Résultat : les opérateurs sur ce segment de l'hôtellerie s'accordent à dire que le paysage de l'offre hôtelière de Marrakech va certes monter de plusieurs crans en termes d'images, mais que la rentabilité de leurs établissements va en prendre un sacré coup. Sur le terrain, les résultats confirment déjà cette inquiétude des opérateurs.
Le casse tête
de la business class
Rien que pour les quatre premiers mois de cette année, le taux d'occupation (47 % à fin avril) a enregistré une baisse de 13 points. Ceci, parallèlement à la hausse des chambres offertes de près de + 19 % pendant la même période de référence. Entre 2003 et 2008, la capacité hôtelière de la destination a plus que doublé. À fin avril 2009, elle a dépassé la barre des 42.000 lits. «Quand on autorise l'installation de tant d'hôtels de ce rang, il faut mettre en place les moyens en adéquation avec la clientèle. Si l'on compte toute la capacité qui va s'additionner dans l'hôtellerie haut de gamme, nous risquons la catastrophe si la capacité aérienne avec des sièges de luxe n'augmente pas », déplore-t-il. Autrement dit, l'équation qui peine à trouver une solution est l'aérien. Les compagnies aériennes régulières qui transportent généralement la clientèle des hôtels cinq étoiles ont été «chassées» de la destination par les compagnies low cost. En effet, 87 % des touristes en provenance de l'étranger arrivent à Marrakech par les avions des compagnies low cost ou par charters. Seuls les 13 % restants débarquent dans la capitale touristique par les vols réguliers. Actuellement, Marrakech ne disposerait que de 500 sièges de luxe par semaine pour ses 8.000 lits en hôtels 5 étoiles. Royal Air Maroc (RAM), qui avait lancé un Boeing 747 (479 sièges) le 1er avril dernier sur la ligne Paris-Marrakech, à la demande des opérateurs du secteur, prévoit de retirer son appareil dès la fin de ce mois. Tout compte fait, Marrakech est très loin de la péréquation qui veut qu'à chaque chambre soit associée un siège d'avion. Pour Kamal Bensouda, Président de l'Observatoire du Tourisme, la clientèle luxe voyage bien avec les compagnies low cost. Selon lui, le véritable enjeu pour Marrakech est d'augmenter le nombre de points en vols directs au départ de Londres, Francfort, Moscou, Zurich, Amsterdam… pour compléter les points existants au départ de la France, de l'Espagne, de l'Italie et de Bruxelles. « Le client luxe peut certes chercher une offre aérienne en business mais tout autant chercher un prix pas cher pour venir à Marrakech. Prenez des destinations de luxe comme Cannes, Monté Carlo, Venise, le nombre de vols en business class est de la taille de Marrakech et cela n'empêche pas les clients de ce segment de se déplacer vers les unités haut de gamme», dit-il.
L'équation
de la rentabilité
Aujourd'hui, en tout cas, ce que tout le monde redoute le plus, c'est ce qu'ils nomment dans leur jargon «la guerre des étoiles». Car la baisse des prix dans les établissements 5 étoiles va inéluctablement entraîner un effet de contagion sur les autres catégories d'unités hôtelières. Les professionnels sont d'ores et déjà persuadés qu'ils s'acheminent vers une période assez difficile surtout avec la suroffre en vue. «Chacun va essayer dans un premier temps d'afficher un prix d'équilibre. Si cela ne marche pas, il sera obligé de baisser ce prix avant de tenter, en guise de dernière solution, de capter la clientèle des groupes, c'est-à-dire des tours opérateurs», affirme cet hôtelier qui tient à préciser que cette surcapacité sur le segment des hôtels 5 étoiles est antérieure à la crise internationale. Mais pour cet autre professionnel, Marrakech, qui a connu la croissance au cours de ces cinq dernières années, est obligé d'en passer par cette étape. « Avec cette capacité additionnelle actuellement mise en place, il faudra trois à quatre ans pour retrouver la dynamique d'antan», dit-il.
Au bas mot, cette inquiétude des professionnels tient à l'effet de ciseaux que pourrait subir Marrakech. Que la demande soit soutenue, c'est incontestable, analyse un hôtelier, mais la hausse des nuitées est en deçà de la variation additionnelle des capacités. Le taux d'occupation dans les hôtels a amorcé une tendance baissière depuis l'année dernière. Celui-ci avait baissé de 11 points, ce qui depuis ne manque pas d'exercer une pression structurelle sur les tarifs et par ricochet, de faire baisser la recette unitaire moyenne. Les hôtels 5 étoiles à Marrakech arrivent en troisième position pour ce qui est du taux de remplissage.
Loin d'être alarmiste, Hamid Bentahar estime que Marrakech, qui est en passe de se positionner de manière plus prononcée sur l'hôtellerie de luxe, est tout simplement en train de passer d'une destination généraliste à une destination spécialisée avec des niches spécifiques. En d'autres termes, cela va permettre à la destination de se repositionner sur le marché international de l'industrie des vacances en montant d'un cran son mix-produit. Cela signifie aussi des standards plus élevés de qualification des ressources humaines ainsi que des prestataires qui gravitent autour de l'industrie du tourisme. Ainsi, ces grands groupes doivent pouvoir trouver du personnel qualifié et opérationnel sur place ainsi que des fournisseurs en produits frais qui soient aux standards internationaux, etc. Dans les deux cas, ce n'est pas acquis. La tension sur le marché de l'emploi n'a jamais été aussi élevée pour les métiers de base de l'hôtellerie. Et elle l'est encore plus à Marrakech au regard de l'accélération de l'investissement dans ce secteur et des ouvertures de nouvelles unités qui en découlent. Ce sont les professionnels eux-mêmes qui l'affirment. Ils sont confrontés comme jamais par le passé à une infidélité croissante de leurs collaborateurs. Les nouveaux entrants vont naturellement faire du shopping des compétences chez la concurrence. C'est à se demander comment réussir cette mutation sans grands dégâts. «Aujourd'hui, il est impératif de cadencer le développement de Marrakech. D'abord, on ne peut pas continuer à construire autant d'hôtels 5 étoiles, et avoir «x» chantiers lancés en même temps avec grosso modo un même concept ou qui vise un même segment de clientèle », estime Jean Robert Reznik, qui cite l'exemple de Biarritz. Sur cette destination, dit-il, au début des années 1990, il y avait plus de 40 hôtels, et par la suite il y a eu un écrémage. Idem à Nice où pendant cette même période, passée l'euphorie, seuls deux hôtels avaient résisté à la crise. « Le reste avait été transformé en appartements. Il faut donc comprendre que l'hôtellerie, ce n'est pas la panacée, s'il l'on souhaite éviter ce genre de situation. Comme on dit, « les arbres ne montent pas jusqu'au ciel», et de toute façon, il finira bien par se produire une espèce d'écrémage qui sera opéré par le marché lui-même si rien n'est fait, à l'aune de ce qui s'est passé dans d'autres grandes destinations touristiques dans le monde », lance-t-il.
Il faut dire que nombreux sont ceux qui estiment que la solution passe par le pilotage de la capacité litière à Marrakech. Mais attention, prévient le Président de l'Observatoire du Tourisme. «Il reste difficile de bloquer des investisseurs qui répondent aux contraintes de la loi, qui montent des Business plans solides et qui créent de l'emploi. Nous sommes dans une économie libérale dans laquelle les investissements ne se font pas sur un champ de 1 ou 2 ans mais sur des périodes de 15 et 20 ans. Dans une telle optique, je considère que la manne qui tombe sur Marrakech est profitable. Ces investisseurs vont de leur côté contribuer à renforcer la promotion de la ville et créer leur propre valeur. Même si nous risquons sur une période courte de traverser un «effet de ciseaux entre l'offre et la demande», ce dernier va s'estomper dès que la reprise se confirmera dans notre secteur », dit-il.
Pour cela, il faut travailler sur deux fronts, celui de l'aérien et de l'image du Maroc. Le budget alloué jusque-là à Marrakech est insuffisant pour rendre la destination plus visible. Le plan d'action, selon Bensouda, devrait porter sur trois points essentiels qui vont nécessiter des budgets de plus de 150 millions dirhams par an pour consolider le positionnement de la ville sur l'échiquier international. «D'abord installer le segment du luxe sur son créneau au moment où de nombreuses unités s'apprêtent à ouvrir pour prendre place sur cette niche de croissance importante. Ensuite, voir comment redonner du souffle à la production charter afin d'entraîner les producteurs européens à augmenter leur prise de risques sur les chambres, enfin, accélérer le processus de vente par internet pour profiter du décollage du E-sales, et permettre aux opérateurs de la ville de mieux maîtriser ces nouveaux circuits de distribution complètement liés au yield management ». Sur cette question, les professionnels s'accordent à dire que Marrakech dispose d'une offre nouvelle qui ne correspond plus au modèle de distribution traditionnel basé sur le packaging. Par conséquent, ce sont surtout ceux qui réussiront leur conversion vers des modèles de distribution modernes qui réussiront le mieux. Plus facile à dire qu'à faire, car les actions visant à rompre avec le modèle traditionnel de distribution et de promotion ne sont pas faciles à mettre en œuvre. La conséquence de tout cela est que plusieurs hôteliers sont obligés de revoir leur offre. Même la mythique Mamounia a été contrainte de s'inscrire dans cette logique en engageant d'importants travaux de rénovation. Accor Maroc non plus n'est pas en reste. Il anticipe l'évolution de Marrakech. Le groupe vient de décider de fermer son Club Palmariva Marrakech pour de gros travaux de rénovation en collaboration avec la Somed, propriétaire des murs, décrétant du coup la formule club. « Sur Marrakech, on est obligé de réagir très vite pour réadapter notre offre hôtelière. Jusque-là orienté vers la clientèle tour opérateur, le Club Palmariva Marrakech sera transformé en hôtel 4 ou 5 étoiles. Vraisemblablement, il sera transformé en hôtel Pullman. Cette décision est liée à l'inadaptation du parc hôtelier de Marrakech et au changement du modèle commercial », souligne Marc Thépot, PDG du groupe Accor Maroc.
Au-delà, quid concrètement de la problématique de l'aérien ? Du côté du CRT de Marrakech, on dit préparer une grande opération de charme en direction des compagnies ariennes régulières et charters. « Avec la dotation prévue dans le cadre du plan anti-crise dédié au tourisme, nous comptons intéresser les charters en participant à leur mise en place. L'Office national des aéroports (ONDA) est même disposé à encourager le retour des vols charters grâce à des réductions de taxes, à l'instar de ce qui a été fait pour les low cost. L'idée est aussi valable pour les compagnies régulières étrangères pour des vols directs vers Marrakech, notamment à partir de destinations non desservies par la RAM. Nous étudierons également avec cette dernière l'éventualité de desservir en plus grande capacité la destination en sièges business class», affirme Hamid Bentahar, Président du CRT de Marrakech.
Les secteurs alternatifs
au tourisme
S'il est vrai que le tourisme domine l'activité économique de la ville ocre, il est indispensable de créer d'autres secteurs moteurs pour Marrakech, en particulier dans ce contexte de crise internationale. La ville ne peut continuer à dépendre exclusivement du tourisme. Deux secteurs semblent pouvoir prétendre à constituer une alternative, même timide : l'agriculture et l'offshoring. Le développement agricole de Marrakech et de sa région ne fait pas l'unanimité parmi les opérateurs économiques de la ville. « Essayer de développer l'agriculture est une hérésie, car la rentabilité est trop faible au regard du prix de la terre à Marrakech et dans sa périphérie «,indique un patron de la CGEM. Mais de toute façon, le Plan Vert en a décidé autrement.
La région Marrakech-Tensift-El Haouz est appelée à se développer dans ce sens, car c'est une enveloppe de 10,4 milliards de DH qui lui a été allouée dans ce cadre, dont 8,4 iront à la production végétale et animale. Le reste sera dédie aux projets transverses, notamment à la protection des ressources en eau et du sol. Si jusqu'à présent, le secteur a drainé 4,4 milliards de dirhams de valeur ajoutée, le double est escompté à l'horizon 2020, soit 8 milliards de dirhams. Un chiffre à rapprocher des 20 milliards de dirhams que réalise actuellement le secteur du tourisme. Si à terme, les prévisions du Plan vert finissent par se concrétiser, l'agriculture constituerait une bonne carte à jouer pour donner un autre souffle aux Marrakchis, mais surtout aux habitants de la région. Car elle représenterait près de la moitié du produit touristique. Sans compter que selon les prévisions, le secteur agricole via le Plan vert devrait contribuer à créer 54 millions de journées de travail supplémentaires, soit 19% de plus qu'actuellement.
Mais il n'y a pas que l'agriculture. Plusieurs patrons de la ville ocre croient dur comme fer dans l'offshoring comme secteur d'avenir pour Marrkech. Le Marrakech Shore est le nom de la plateforme censée accueillir les entreprises opérant dans ce secteur : 80 hectares à Tamansourt dédiés d'une part aux activités de l'offshoring dans les secteurs de l'ITO, BPO et services clientèle, et d'autre part à un parc technologique et académique à forte valeur ajoutée. Le nombre d'emplois attendu est estimé à 20 000. «Une première tranche de Marrakech Shore sera livrée durant l'été 2010, et celle-ci engendrera environ 2 000 emplois», indique Mustapha Belkahia, président de la CGEM Tensift. Cela dit, aucune estimation n'a pu être communiquée concernant le chiffre d'affaires que pourrait générer l'offshoring. Cependant, il est à noter que le principal problème auquel devra faire face ce secteur est relatif à la question des ressources humaines. Le sauvetage du tourisme par l'offshoring n'est donc pas pour demain en cas de coup dur.
Aujourd'hui, quelques entreprises y sont déjà installées, à l'image de Phone Assistance. Le secteur emploierait actuellement quelque 600 personnes. Aussi bien pour l'agriculture que l'offshoring, la partie n'est pas prête d'être gagnée. Mais cela ne décourage pas pour autant le patronat marrakchi qui a en magasin d'autres idées.
«Même si je suis loin de penser que le tourisme à Marrakech s'est essoufflé ou qu'il est en passe de l'être, je reste persuadé qu'il est impératif pour notre ville d'échapper à la mono culture du tourisme. Cela a d'ailleurs été l'objet de mon déjeuner de ce midi même avec le responsable national d'un des plus grands partis politiques. Marrakech est en mesure de recevoir ce que j'appelle des industries propres, une industrie non polluante à l'image de l'électronique par exemple. Bien sûr, une minoterie, une quelconque activité nécessitant une importante activité logistique avec des villes portuaires ne serait pas rentable ou intéressante. Un simple aller-retour Casablanca-Marrakech est pénalisant du point de vue coût. En revanche, le développement par exemple du textile de luxe est un créneau que Marrakech pourrait aisément occuper», explique longuement Mustapha Belkahia.
Cependant, au-delà de l'aspect sectoriel de l'activité économique de Marrakech et de sa diversification, il s'agit pour la ville de retrouver un nouveau souffle. Et de l'avis de nombreux professionnels, cela passe par l'élaboration d'un nouveau schéma directeur qui fige le développement de la ville pour les 10 années à venir. «Si aujourd'hui, les gens s'arrachent le foncier à Marrakech et dans sa région, c'est parce qu'il y a un manque de visibilité totale quant au développement de la ville. Marrakech étouffe. Il faudrait songer à l'étendre et à déterminer ce à quoi seront dédiées les zones de la ville (hôtels, ensembles résidentiel, jardins, etc…). De cette façon, la spéculation n'aura plus lieu d'être. L'absence d'un schéma directeur récent est à imputer à la paresse politique et aussi au blocage psychologique des politiques. Cette spéculation dans Marrakech, c'est l'Etat qui la crée», conclut Mustapha Belkahia.
Golfs : où trouver l'eau nécessaire?
La profusion des golfs à Marrakech n'est pas sans inquiéter les autorités, les investisseurs et même les citoyens. Car comment entretenir tous les greens de ces projets touristiques qu'on annonce (ou plutôt annonçait) presque chaque mois à Marrakech, alors que la ville connaît un stress hydrique latent ? Ceci, tout en sachant qu'un golf consomme environ 1 million de m3 d'eau par an. Cette équation, la ville de Marrakech semble l'avoir résolue, du moins en théorie. «Aujourd'hui, nous disposons d'une station d'épuration qui est opérationnelle dans sa première phase, et qui nous permet de traiter quelque 100.000 m3 d'eau par jour, soit 37 millions par an. Marrakech peut donc accueillir l'équivalent d'une trentaine de golfs», ne manque pas de déclarer fièrement Omar El Jazouli, encore maire de la ville de Marrakech à l'heure où nous mettons sous presse, et candidat à sa succession. Aujourd'hui, Marrakech dispose de trois golfs opérationnels, et de trois qui ouvriront leurs portes incessamment. Mais on estime environ à 10 les projets de golfs à venir. Une profusion qui a manifestement poussé Marrakech à réfléchir à une solution viable. Résultat, ce sont les promoteurs des golfs eux-mêmes qui financent ces infrastructures de mobilisation d'eau. Ils contribuent, selon la superficie de leurs projets et leurs besoins en eau, en moyenne à hauteur de 30 millions de DH par projet. Au total, c'est 40% de la station qui est financée par les promoteurs. Une station dont le coût s'élève à 1 milliard de dirhams. En outre, une seconde station d'épuration est dans le pipe. Elle sera opérationnelle d'ici 2015 et desservira les projets de la zone sud de la ville, alors que la première est dédiée plutôt à ceux de la zone nord.
Un nouveau plan de circulation dès septembre 2009
«La circulation est le cancer de Marrakech», déplore Mustapha Belkahia. Lequel d'entre vous n'a pas pesté contre la circulation à Marrakech, alors qu'il s'y trouvait en week-end pour se détendre. Manifestement, la ville ocre est victime de son succès. Cela semble être l'un de ses principaux points noirs, et le développement des projets dans la ville n'est pas là pour arranger les choses. C'est la raison pour laquelle la ville a décidé de mettre en place un nouveau plan de circulation. «Le rapport définitif sera remis le 15 juillet prochain, et la mise en œuvre du nouveau plan est annoncée pour septembre 2009», nous apprend Omar El Jazouli. Des couloirs spécifiques aux bus seront notamment mis en place dans les principales artères de la ville. Quid des voieries, pavés et mobilier urbains de la ville mis à mal par le volume croissant du trafic ? Omar El Jazouli ne manque pas là encore de faire état de son bilan : 3 millions de m2 de pavés réalisés pour un budget de 600 millions de dirhams et 321 millions de dirhams ont été alloués aux voieries au cours des 5 dernières années, dont 1/3 consacré à de nouvelles voies de circulation. Seulement, les professionnels marrakchis n'ont de cesse de se plaindre de l'état des routes et des chaussées. «Vous savez, le problème des voieries et pavés est à la fois simple et compliqué, dans la mesure où la radeema doit refaire certains réseaux d'assainissement, ce qui les endommage à chaque fois. C'est donc une simple question de coordination. Voilà peut-être un chantier prioritaire pour celui qui brigue un nouveau mandat à la tête de la ville.
Jean Robert Reznik, président du cabinet de conseil
touristique King Ford basé à Saint Domingue
« Je ne fais pas partie de ceux qui crient au déclin de Marrakech. La ville ocre possède cette magie unique comparable à des destinations telles que Bali, Acapulco, Saint-Tropez ou encore Capri. Pour moi, tant qu'il y aura la Koutoubia, Marrakech sera hors de danger.
D'autant plus que les cassants sont toujours les mêmes. C'est à mon avis du snobisme de la part des gens qui veulent se réserver la ville pour eux-mêmes. Juste une chose: il ne faut pas que le développement galopant de la ville touche au noyau dur de Marrakech et à la culture du Maroc. Autrement dit, tant qu'on n'insulte pas le développement durable en termes de gestion des ressources en eau (distribution, assainissement …), Marrakech préservera son attrait. Seulement désormais, il est indispensable de mettre en place un monitoring. En d'autres termes, il faut savoir dire non à certains projets. Non seulement en regardant de près la qualité de l'opérateur engagé, l'inscription de son projet dans le respect d'un développement durable de la ville, mais aussi en s'assurant de son financement et surtout des fonds propres dont il dispose déjà. Plus encore, il faut regarder de très près la qualité de tous les intervenants sur un même projet. En ce sens, le monitoring des partenariats est essentiel, et cela relève de l'ensemble des ministères et non pas uniquement du ministère du Tourisme. Car le tourisme est un secteur transversal. C'est la raison pour laquelle le rôle des walis est primordial. Et Marrakech a eu les meilleurs walis, à savoir Mohamed Hassad et Mounir Chraïbi.
Ensuite, a-t-on pensé aux familles à Marrakech ? Car mis à part les restaurants et les différents night clubs, il n'y a que très peu d'activités de loisirs, notamment sportives, qui y sont développées. On pourrait imaginer des structures où seraient développés des ateliers de peinture ou d'art appliqués pour occuper les enfants par exemple. Enfin, je pense qu'il y a une niche énorme à exploiter, c'est le tourisme senior, car le potentiel est de 200 millions de seniors européens. Et là-dessus, il est très important de penser à développer des résidences médicalisées non pas à la périphérie de la ville, comme certains pensent le faire, mais intégrées dans la ville. Aujourd'hui, la base existe à Marrakech, en particulier en termes de fiscalité, mais il faut enclencher ou du moins continuer à faire connaître la qualité de sécurité qu'offre la ville, ses structures médicales… En réalité, il faut certes développer certains de ces aspects, mais il y a davantage à les organiser et à élaborer un plan de communication adéquat. Et pourquoi ne pas penser à faire des partenariats avec la «Harvard Medical School» par exemple, pour donner davantage de crédibilité. Un autre élément, qui selon moi aiderait à maintenir la destination Marrakech, voire tout simplement la destination Maroc, serait de concevoir un instrument commercial puissant de façon à peser sur le marché. Je m'explique. Il faudrait que le Maroc pense à concevoir un instrument commercial de façon à être son propre «commercialisateur », et ne plus dépendre complètement des tours opérateurs ou autres réseaux d'agences de voyages. Et je pense cela réaliste en imaginant une structure commune par exemple entre la RAM et les grands opérateurs touristiques du royaume. Aujourd'hui, si essoufflement il y a à Marrakech, et qu'il y règne un attentisme latent parmi les opérateurs du secteur touristique (d'ailleurs plusieurs d'entre eux disposent de foncier et attendent la seconde vague…), il me semble que réunir les opérateurs qui ont véritablement mobilisé des capitaux et qui apportent de réelles innovations en termes de concept, serait une solution. Il faudrait asseoir autour d'une table les opérateurs, les autorités et les banquiers pour discuter des éventuelles portes de sortie. Car c'est aujourd'hui toute la rentabilité d'un secteur qui est en jeu. Pour éviter de répéter l'histoire de Dubaï ou Miami aujourd'hui, ou encore de Singapour durant les années 80 où les chambres dans les plus beaux hôtels étaient bradées à 40 dollars!!!
D'autant plus que vu le contexte de crise internationale, il ne faut pas perdre de vue que les touristes réalisent des arbitrages, et que la destination qui menace le plus Marrakech aujourd'hui est le «marché sur marché». Autrement dit, il s'agit de touristes français qui décident de passer leurs vacances en France, italiens en Italie, allemands en Allemagne… ». w


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