L'actuel gouvernement vertement critiqué par le Souverain. Opérationnalisation du Conseil supérieur de l'Enseignement. A côté des réformes du système des retraites et celui très attendu du système de la compensation, le gouvernement devra s'attaquer à un chantier crucial : l'enseignement. La nécessité de disposer d'un système d'enseignement de qualité, en phase avec les ambitions de développement économique du Royaume, est actuellement une urgence. Les différents gouvernements qui se sont succédé au Maroc ont pris certes la mesure du problème, mais les différentes initiatives prises jusqu'à présent restent pour l'instant trop insuffisantes, voire inefficaces. Pourtant, le PJD, parti actuel au pouvoir, alors qu'il battait campagne au moment des législatives, avait fait de la réforme du système de l'enseignement l'une de ses priorités. Jusqu'à présent, rien de bien concret n'a été fait. Ou du moins, l'électrochoc que l'on attendait au niveau de ce secteur n'a pas encore eu lieu. D'ailleurs, aujourd'hui, le constat est unanime : c'est parce que l'enseignement public est déficient que les familles marocaines orientent de plus en plus leurs progénitures vers les écoles privées. Et cela a un coût, puisque l'un des premiers postes de dépense des familles est constitué par la scolarité des enfants. Conséquences : ce ne sont que ceux qui ont les moyens qui peuvent actuellement offrir à leurs enfants un enseignement de qualité. Et la qualité médiocre de l'enseignement public plonge le Maroc dans un cercle vicieux : elle «affecte indirectement le pouvoir d'achat et la consommation des ménages, ce qui se répercute sur la croissance». C'est le constat qu'avait fait à l'époque l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la formation de cadres, Lahcen Daoudi. Dans son discours à la Nation prononcé le 20 août dernier à l'occasion du 60ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le Souverain n'a pas dit autre chose. Dans un diagnostic sévère et sans détour de l'éducation et de la formation au Maroc, il dénonce la dégradation de l'enseignement qui «a conduit un grand nombre de familles, en dépit de leur revenu limité, à supporter les coûts exorbitants de l'inscription de leurs enfants dans les établissements d'enseignement relevant des missions étrangères ou dans le privé, et ce afin de leur épargner les problèmes rencontrés dans l'enseignement public et leur permettre de bénéficier d'un système éducatif performant». Nouveau tournant Certes, le Royaume peut se targuer d'avoir significativement amélioré le taux de scolarisation, mais il n'en demeure pas moins, qu'au bout du cursus, apparaît une problématique longtemps dénoncée par les observateurs et opérateurs économiques : l'inadéquation entre la formation et les besoins des entreprises. Au final, l'on forme des diplômés-chômeurs qui, faute de pouvoir trouver du travail, battent chaque jour le pavé pour réclamer leur embauche au niveau de la fonction publique. Le Maroc a engagé au cours de ces dernières années de nombreux chantiers structurants et, surtout, a développé de nouvelles filières appelées à devenir des locomotives pour l'économie nationale. Aussi, va-t-il bien falloir que l'enseignement suive la modernisation du tissu économique en fournissant au marché des ressources humaines qualifiées et opérationnelles. L'urgence de la situation a d'ailleurs conduit le Roi à appeler à la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles relatives au Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique. «Nous invitons donc le gouvernement à procéder avec célérité à l'adoption des textes juridiques relatifs au nouveau Conseil», a-t-il dit. Parallèlement, en application des dispositions transitoires prévues dans la Constitution, il est prévu «d'opérationnaliser le Conseil supérieur de l'Enseignement dans sa version actuelle, afin d'assurer l'évaluation des réalisations accomplies dans le cadre de la décennie de la Charte nationale d'Education et de Formation et de se pencher sur ce grand chantier national». Le message du Souverain a été clair pour qui sait écouter. Le prochain gouvernement devra ainsi ériger la réforme du système éducatif en priorité absolue. Il s'agira ainsi de rompre avec les déclarations de circonstance pour poser des actes concrets susceptibles de permettre l'instauration d'un système efficace et efficient. D. William Le gouvernement épinglé par le Roi Dans son discours du 20 août, le Souverain n'a pas pris des gants pour dénoncer la situation actuelle de l'enseignement au Maroc. Surtout, il a vertement critiqué le gouvernement actuel concernant la gestion de la Charte nationale d'Education et de Formation, laquelle, via un plan d'urgence, devait permettre la mise à niveau du système éducatif. «Malheureusement, les efforts nécessaires n'ont pas été entrepris pour consolider les acquis engrangés dans le cadre de la mise en œuvre de ce Plan. Pire encore, sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a remis en cause des composantes essentielles de ce plan, portant notamment sur la rénovation des cursus pédagogiques, le programme du préscolaire et les lycées d'excellence», a fait remarquer le Souverain. Tout en précisant que «le gouvernement actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés dans le secteur de l'éducation et de la formation, d'autant plus qu'il s'agit d'un chantier déterminant s'étendant sur plusieurs décennies». En cela, le Roi a d'ailleurs adressé un message clair et pertinent aux politiques : «il n'est pas raisonnable que tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l'impasse sur les plans antérieurs, alors qu'il ne pourra pas exécuter le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat». Pour dire que «la gestion de l'éducation ne doit pas être l'objet de surenchères ou de rivalités politiciennes».