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Entretien : Tant que le mal n'est pas diagnostiqué, point de remède
Publié dans Finances news le 12 - 09 - 2013

En l'absence d'un diagnostic fiable de notre modèle de croissance, il est difficile d'établir les moyens de riposte adéquats. On peine encore au Maroc à dégager un consensus autour d'une stratégie de développement social, économique et humain. Et les tribulations parfois incompréhensibles de la classe politique n'aident en rien.
Education et bonne gouvernance sont autant de freins au développement du pays.
Aujourd'hui, ce n'est pas tant le seul retard de réformes qui importe, mais aussi et surtout l'absence d'une conception et d'une approche de réforme. Dans ce contexte de marasme et d'embarras, la Caisse de compensation fait figure de véritable casse-tête pour les gouvernants. Pour le professeur Abderrahmane Haddad, universitaire à la Faculté de Droit de Meknès, il est plus pertinent de mettre en place des stratégies durables et fiables de développement, avec des indicateurs mesurables en termes d'efficacité et de résultat.
Finances News Hebdo : Si l'on exclut les effets de la crise mondiale, quels sont les freins qui empêchent le Maroc de bien se placer dans le concert des pays émergents malgré une pléthore de programmes et de plans sectoriels ?
Abderrahmane Haddad : La liste est certainement longue et ses composantes varient selon l'angle de vision, selon les intérêts en jeu ou, scientifiquement parlant, selon l'approche adoptée. De ce fait, on tarde encore à se mettre d'accord sur le diagnostic du mal et surtout sur les moyens de riposte. Et c'est peut être là l'un des premiers freins qui interpellent les décideurs et l'élite politique et partisane chez nous. Dans un régime démocratique sain, les élections constituent un important rendez-vous pour diagnostiquer l'être et dessiner le vouloir être. Elles sont censées donner lieu à une majorité partisane ou de coalition forte et à même de mettre en exergue ses programmes conformément à l'engagement passé avec son électorat. Or chez nous, le centre de décision politique est flou. Le moment électoral n'accouche pas d'un gouvernement fort avec un programme clair et des pouvoirs hors toute concurrence. Les tractations actuelles en témoignent d'ailleurs. On peine encore au Maroc à dégager un consensus autour d'une stratégie de développement social, économique et humain. Les chances de voir un jour celle-ci sont malheureusement phagocytées par les remous parfois contre nature et incompréhensibles de la classe politique.
L'approche politique ne saurait être sacrifiée à l'aune d'une approche purement matérielle faite de chiffres et de statistiques. La première constitue le cadre de la gouvernance sans lequel aucune réforme n'est possible. En 2011, le Maroc s'est doté d'une nouvelle constitution qui, d'après sa procédure d'élaboration et son contenu, était censée mettre en place une nouvelle ingénierie politique à base de citoyenneté active, de responsabilisation des acteurs politiques et notamment du chef du gouvernement, et de bonne gouvernance. Or, plus de deux ans après, on est encore prisonnier du débat sur le comment de la chose.
Au dessous de ce cadre politique global, des problèmes sectoriels émergent et constituent autant de freins et de défis au développement du pays.
F. N. H. : Si vous deviez classifier ces problèmes...
A. H. : Au premier rang de ces problèmes figure le système éducatif. Le discours royal du 20 août 2013 a été franc et alarmant. Le Maroc a mal à son école. Loin de faire porter le chapeau aux enseignants, la question est plus profonde. C'est la problématique d'un système qui peine à définir sa trajectoire et ses objectifs. Alors que d'autres pays, tout en ayant le même niveau que le Maroc, ont pu décoller grâce, entre autres, à un investissement dans le secteur de l'éducation et de la formation, notre pays n'a jamais pu mettre en place une stratégie durable, consensuelle et garantie au niveau de l'enseignement. Il suffit que le ministre en place change pour que les programmes, les langues de formation, les organigrammes et tout le reste change aussi. Au Maroc, les ministres passent, l'enseignement aussi. On tarde à répondre à des questions de base : Quel type de citoyen voulons-nous ? Quel type d'enseignement est le plus approprié ? Le marché devrait-il devenir la référence dominante en matière d'orientation des élèves et d'accréditation des filières ? Comment donc sachant que ce même marché ne procure pas autant de postes d'emploi qu'il ne faut chaque année ?
D'un autre côté, nos politiques et plans de développement sont plus ou moins réfractaires aux normes de bonne gouvernance. Allons-nous tous dans la même
direction ? Je ne le pense pas. Nous sommes un modèle d'action hybride où la responsabilité des acteurs et leurs domaines d'intervention sont flous. C'est un orchestre où les musiciens ne jouent pas tous sur la même note. Et le résultat est clair. Par ailleurs, on a beau établir des programmes et des stratégies d'action. Or, le malheur est qu'on ne sait rien sur le suivi de ces actions. Les buts tracés et déclarés ont-il été atteints
et à quel prix ? Si c'est le contraire, pourquoi et quels en sont les facteurs responsables ? Une culture d'évaluation des politiques publiques devrait naître et faire partie de tout programme de développement. Les critères d'efficacité et d'efficience devraient devenir les nouvelles règles d'évaluation. Une généralisation de la reddition des comptes est plus qu'une nécessité tout en liant l'octroi des postes de responsabilité à des cahiers de charges et des engagements clairs, possibles et bien définis.
F. N. H. : Quel est le manque à gagner de cette dernière problématique ?
A. H. : Ce dernier point nous renvoie à l'une des problématiques majeures de notre développement, celle de l'absence d'une politique de gestion des ressources humaines. Nombre de programmes restent des vœux pieux à défaut d'une mobilisation des hommes autour. Une telle mobilisation nécessite néanmoins une approche participative où les valeurs de communication, de responsabilisation et de déconcentration priment sur celles d'opacité, de rétention, de hiérarchie et de concentration des pouvoirs. Les Japonais, en manque de ressources naturelles, ont parié sur le capital inépuisable, l'Homme.
F. N. H. : Indépendamment de l'absence d'une stratégie globale
qui regroupe tous les plans sectoriels, le modèle économique marocain actuel vous semble-t-il compromis ? Dans quelle mesure le retard du train des réformes pénalise-t-il notre économie et sa compétitivité, notamment celle de la compensation ?
A. H. : La question n'est pas que de retard de réformes, mais aussi et surtout d'absence d'une conception et d'une approche de réforme. C'est un peu la métaphore d'un malade à qui on administre de temps en temps des calmants ou de l'aspirine, mais qui n'a jamais fait l'objet d'un diagnostic ou d'analyses permettant de fixer le mal et de déterminer le médicament et le régime appropriés. Cette tâche serait sans aucun doute celle de la classe politique, départagée en principe par des élections régulières et transparentes.
Le cas de la Caisse de compensation est très révélateur à cet égard. C'est un débat qui dure maintenant depuis plus de 40 ans. La Caisse de compensation, conçue au départ pour sauvegarder le pouvoir d'achat des plus démunis, a profité surtout aux riches et aux industriels. En effet, 20% des ménages les plus aisés perçoivent 75% des subventions, tandis que les 20% les plus démunis ne bénéficient que de 1%. Par ailleurs, ce système de subventions profite aux entreprises qui détournent les produits subventionnés (farine, sucre, gaz butane) destinés à l'usage domestique vers un usage industriel.
Le système de compensation est devenu un fardeau insoutenable menaçant les équilibres macroéconomiques et exerçant une ponction sur l'investissement public. Il est temps, donc, de mettre fin à ces absurdités et de récupérer les sommes profitant aux couches indument favorisées.
Toutefois, le défi est difficilement tenable quand l'ambition affichée est de booster un taux de croissance tracté par l'investissement public, tout en soutenant les secteurs sociaux. Dans ce contexte de marasme et d'embarras, la Caisse de compensation fait figure de véritable casse-tête pour les gouvernants. Elle est plus que jamais accusée de plomber le déficit budgétaire. Ce qui exige de revoir la politique de compensation qui ampute près de 3% du PIB sans un effet réel sur la population cible
Or, si tout le monde appelle la réforme de ses vœux, et chacun l'acclame haut et fort lors de toute campagne électorale, on peine encore à déterminer et à se mettre d'accord sur les critères de cette réforme tant attendue. Jusqu'à présent, la formule favorisée semble être celle de nature matérielle. Dès qu'il y a un déficit, le gouvernement injecte de nouvelles recettes. En outre, le débat essentiel s'est limité à son aspect purement budgétaire; or la question est sociale et économique. L'approche de l'épicier a donc démontré ses limites. Mais sans pour autant être remplacée par une approche rénovatrice et profonde.
F. N. H. : La réforme de cette caisse suffira-t-elle, à elle seule, de réduire le déficit budgétaire ?
A. H. : La Caisse de compensation n'est pas le premier responsable des déficits budgétaires. Elle est peut être la cause la plus médiatisée à la façon de l'arbre qui cache la forêt. D'autres causes sont au moins aussi, sinon plus, budgétivores que la fameuse Caisse. De ce point de vue, il devient nécessaire de concevoir le déficit dans sa réelle dimension et dans son vrai contexte et de visionner de la même manière et dans le cadre de la même approche intégrée, l'éventuelle réforme de la Caisse. Faut-il rappeler le volume des dépenses fiscales, accordées aux différents secteurs sous forme d'exonérations totales ou partielles, ou celui des impayés considérables prenant la forme de fraude ou d'évasion fiscales ? Il suffit pour l'Etat de fournir l'effort de lutter contre ces types de niches afin de compenser la caisse de compensation et autres !
La question de la réforme nécessite une volonté politique, une approche juste et équitable et des mesures d'accompagnement. Il s'agirait pour nous de passer d'un système de charité à une politique sociale structurée et institutionnalisée et de mettre fin à l'économie de rente. Le citoyen s'est habitué à une culture d'attente à l'égard de l'Etat à tous les niveaux. Ce qui bloque les énergies créatrices et empêche de libérer les initiatives structurantes. L'idée de faire pour le citoyen doit céder la place à celle de faire avec le citoyen.
Face aux efforts et projets de réforme, l'administration publique reste cependant inerte, sinon un facteur de blocage. Le dossier de la modernisation administrative est plus que jamais d'actualité. L'idée va au-delà de l'équipement des services administratifs par les nouvelles technologies d'information et de communication ou la programmation de quelques séances de formation continue au profit du personnel. Il est plutôt question de renouveler les pratiques administratives en y inculquant une nouvelle déontologie et une nouvelle culture faite de rendement, de responsabilité et de mérite.
F. N. H. : Le printemps arabe a mis plusieurs économies voisines en difficulté, néanmoins cela n'a pas forcément profité au Maroc. Pourquoi à votre avis ?
A. H. : C'est quand bien même malheureux de le dire. Le Maroc a manqué de réactivité au moment du déclenchement du printemps arabe. C'est le constat qui a été également fait par Lahcen Haddad, ministre du Tourisme. Et donc on a raté un moment propice d'augmenter nos chiffres de développement au moment où d'autres, comme la Turquie ou l'Espagne, ont su le faire.
Ceci est dû à plusieurs raisons. Certaines sont conjoncturelles, d'autres structurelles. Du premier point de vue, celui des facteurs conjoncturels, le Maroc n'a pas su médiatiser comme il faut sa stabilité durable par rapport à l'agitation qui a régné dans la région. Il n'a pas pu chasser dans l'imagination des touristes et des investisseurs l'amalgame entre la situation du pays et celle des autres. Malgré les réformes politiques adoptées et notamment l'adoption d'un nouveau texte constitutionnel, le pays est resté prisonnier des tractations politiques ou politistes qui l'ont empêché de mettre rapidement en place une stratégie de communication et de marketing politique susceptible d'attirer les capitaux et les touristes. On tarde en effet à capitaliser nos avancées politiques afin de les transformer en acquis économiques sous formes d'investissements étrangers, d'accords de partenariat, d'aide financière et d'augmentation du nombre des touristes. On a même constaté que la baisse des indicateurs des places financières des pays voisins touchés par le printemps arabe, comme la Tunisie, n'a pas réellement bénéficié à l'amélioration de la bourse de Casablanca. La situation en Europe qui tarde à se redresser n'a fait qu'ajouter à la morosité du marché financier marocain.
Mais du point de vue structurel, il serait peut être fallacieux et extrêmement risqué de bâtir ses chances de développement sur l'adage : «Le malheur des uns fait le bonheur des autres» ! Il est plutôt question de mettre en place des stratégies durables et fiables de développement avec des indicateurs mesurables en termes d'efficacité et de résultat. Le mot d'ordre devrait définitivement être l'Homme qui mérite de reconquérir la place que lui avaient reconnue depuis bien longtemps la philosophie grecque et celle des Lumières, comme mesure de toute chose. Voilà donc, on commencerait peut être de cette manière à dénicher là où il faut percer pour mériter une place au soleil.


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