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«A nous d'inventer un système national de protection sociale»
Publié dans Finances news le 15 - 02 - 2016

Laissant de côté sa casquette de Secrétaire général de la Chambre des conseillers, poste qu'il occupe depuis 2009 et auquel il a été maintenu récemment par décision Royale, Wahid Khouja se prête au jeu des questions/réponses en tant qu'expert des systèmes de sécurité sociale. Dans cet entretien à bâtons rompus, l'ancien Secrétaire régional du PAM à Casablanca nous livre son point de vue sur les projets de loi relatifs à la réforme des retraites proposée par le gouvernement Benkirane. En abordant l'avenir des retraites et l'émiettement des régimes entre le public et le privé, Khouja plaide pour une politique du bien-être social relevant du Chef de gouvernement et non pas du ministère des Finances.
Finances News Hebdo : Contrairement à la procédure habituelle, le gouvernement a déposé les projets de loi relatifs à la réforme des retraites d'abord auprès de la Chambre des conseillers. Les représentants des syndi­cats et des partis de l'opposition ont deman­dé le report des discussions. Comment le circuit d'adoption de cette réforme va-t-il se dérouler ?
Wahid Khouja : Conformément à la nouvelle Constitution, les projets de loi concernant le secteur de la retraite sont déposés en première lecture à la Chambre des conseillers. Ils seront acheminés par la suite à la Chambre des représentants. Les conseillers vont par la suite les étudier, introduire éventuellement des amendements et les voter en cession ouverte et solennelle. Lesdits projets seront transférés à la Chambre des représentants qui devra, à son tour, les étudier et apporter des modifications avant de les retourner de nouveau à la Chambre des conseillers pour une deuxième lecture. Ceci s'inscrit dans la nouvelle logique procédurale prévue par la nouvelle Constitution. Si la Chambre des représentants venait à introduire des modifications sur des articles déjà modifiés par la Chambre de conseillers, elle sera obligée de les faire parvenir à la Chambre des Conseillers. Cela s'appelle «la navette». Sauf que le dernier mot échoit aux représentants. Il existe une manière non dite comme c'est le cas de la France, quand l'opposi­tion exerce une «obstruction parlementaire» par le biais de la programmation ou à travers l'introduction d'amendements. L'utilisation de ce droit avait atteint son paroxysme en France, en septembre 2006, où plus de 137.000 amendements avaient été déposés au sujet de la loi relative au secteur de l'énergie, visant à favoriser la fusion GDF-Suez. Dans tout ce processus, il n'y a pas de délais impartis. Il est à préciser, concernant les délais, que la session du printemps au Parlement s'est terminée ce mardi 9 février 2016. Le travail continue au niveau des deux commissions. De ce fait, les deux Chambres devront attendre la session d'avril 2016. Par conséquent, je pense que la réforme globale, telle qu'annoncée par le Chef de gouvernement dans son programme élec­toral, ne va pas s'achever. Le gouvernement n'a eu l'occasion d'introduire qu'un segment de réforme: celui qui concerne la retraite des fonctionnaires.
F.N.H. : En l'absence de délais fixes, les textes de loi ne risquent-ils pas de séjourner pendant longtemps au sein de la Chambre des conseillers ?
W. Kh. : Hormis ce que j'ai qualifié d'obstruction parlementaire, sciemment décrétée par l'opposition, la nature des modifications sont de nature à susciter un grand débat. Ajoutons à cela, l'entêtement du gouvernement à introduire les projets de texte sans passer par le filtre des syndicats. C'est un choix qui doit être assumé politiquement.
Permettez-moi de rappeler que les modifications des paramètres techniques n'interviennent pas tous les jours, d'où la nécessité de faire mijoter ces mesures sur un feu très doux.
F.N.H. : A quoi servirait alors le vote de la Chambre des conseillers si le dernier mot revient aux députés de la première Chambre ?
W. Kh. : La Chambre des conseillers apporte sa manière de voir parce que les composantes ne sont pas les mêmes. C'est la seule Chambre au monde où siègent des composantes d'émanation locale, syndicale et entrepreneuriale, ce qui contribue à l'enrichissement des textes de loi.
F.N.H. : Face à la situation critique du régime des pensions civiles de la CMR, et au risque imminent d'épuisement des réserves de cette caisse, un dossier aussi urgent doit-il faire l'objet de surenchères politiques ?
W. Kh. : Telle que présentée par le gouverne­ment, cette réforme est une série de modifications paramétriques et non une reforme systémique. Or, toutes les études qui ont été commandées par le gouvernement et notamment le ministère des Finances, ont prôné une réforme systémique du secteur des retraites.
Je rappelle, primo, que notre système national, fragmenté, est né dans des conditions très particu­lières. Il a été conçu dans une couveuse artificielle française; le régime des retraites des agents de l'administration ne concernait que les Français. En 1942, le secteur privé découvrît l'assistance publique par la mise en place d'une caisse d'aide sociale conçue par l'église catholique au début du 20ème siècle. Secundo, c'est un régime segmenté et fragmenté basé sur la solidarité professionnelle et intergénérationnelle, selon une architecture rigide du Chancelier allemand Bismark, mis en place au 19ème siècle. Il a été ensuite importé par la France et exporté aux pays placés sous son protectorat.
Tertio, ces structures souffrent d'une rigidité remar­quable qui n'a pas permis à un grand pan de la population d'accéder à un niveau décent de cou­verture sociale. Résultat, nous sommes restés à la traîne. Le Maroc est l'un des rares pays où le taux de couverture en prévoyance sociale ne dépasse pas les 35% dans le meilleur des cas.
A travers les mesures proposées aujourd'hui, le gouvernement veut attaquer un problème d'équilibre purement financier, sans toucher aux fondamentaux. Ces mesures que j'appelle «grecques», vont agir sur la prestation en la diminuant, sur l'âge de départ à la retraite en le repoussant à une date ultérieure et, enfin, sur le taux de cotisation en l'augmentant.
La réforme a un prix. Le gouvernement aurait pu mettre une carotte pour laisser passer une réforme qui, après tout, est une nécessité économique. Ceux qui parlent de déficit sont dans le tort, parce que notre système est un système de répartition et non pas de capitalisation. Un système qui appelle, en cas de déséquilibre, un réajustement du taux de coti­sation. Au Maroc, il s'agit plutôt d'un déséquilibre démographique. L'Etat ne recrute plus, donc pas de renouvellement de la population cotisante. Pour rétablir l'équilibre, il faut agir sur le levier de la coti­sation. Mais jusqu'à quel niveau ? Le gouvernement souhaite rétablir l'équilibre financier sans se soucier des autres aspects, notamment sociaux.
F.N.H. : Les marges de manoeuvre budgé­taires restent limitées aux mains du gou­vernement, d'autant plus que la palette des mesures proposées devrait mobiliser pas moins de 45 milliards de dirhams en cinq ans seulement...
W. Kh. : Dans plusieurs expériences internatio­nales, l'Etat intervient directement en finançant les retraites. La politique sociale a un prix. C'est un choix sociétal. Nous avons choisi un système moyenâgeux et archaïque, qui développe des signes de fatigue face au déséquilibre démographique. Les systèmes de répartition ont été conçus dans une conjoncture historique et économique, qui favorise le plein emploi. Des phénomènes inhérents aux choix politiques apparaissent à chaque fois que l'écono­mie s'essouffle. Le chômage, qu'il soit frictionnel ou structurel, à titre d'exemple, agit directement sur les systèmes de retraite. L'entrée tardive sur le marché de travail a un effet néfaste sur la retraite.
F.N.H. : Que peut-on choisir alors en dehors de ce système de répartition ?
W. Kh. : Nous pouvons choisir d'autres modèles. Mais il faut faire très attention. Les approches basées sur la capitalisation obligent le travailleur à accumuler les actifs financiers avant sa retraite, ce qui n'est pas le cas dans l'approche de répartition. Les expériences mondiales ont montré les limites des deux modes, répartition et capitalisation.
Dans le monde entier, les pays réforment et struc­turent leurs régimes de protection sociale, selon des priorités purement politiques et sociales.
Nous avons gravé sur un marbre le principe de la répartition. La logique de la répartition est payante d'un point de vue social. Elle est à long terme défici­taire car elle est liée à une politique de plein emploi, chose qui n'arrive pas souvent. F.N.H. : Face au déséquilibre démogra­phique et à l'impossibilité de continuer avec le modèle de la répartition, l'option de la capitalisation ne peut, non plus, être sédui­sante au vu de la situation et des niveaux de rendement sur le marché financier...
W. Kh. : Choisir la répartition est un dogme. Aller vers la capitalisation pure et dure est un autre dogme. Le gouvernement doit faire preuve d'intel­ligence pour pouvoir dégager des éléments positifs et de la répartition et de la capitalisation. Pourquoi pas un système mixte que l'on retrouve d'ailleurs partout dans le monde et qui a été recommandé par le bureau d'étude désigné par la Commission chargée de la réforme des retraites ? Le système de capitalisation a également des limites parce qu'il a besoin d'un marché financier stable. La répartition est une logique de solidarité. La capitalisation est une logique d'épargne individuelle et collective.
F.N.H. : Pour revenir aux choix introduits dans les projets soumis à la deuxième Chambre, le gouvernement a pratiquement repris les recommandations de plusieurs études, notamment celles du Bureau inter­national du travail (BIT) et du Conseil écono­mique, social et environnemental (CESE)...
W. Kh. : Le BIT prône le dialogue sans donner des solutions toutes faites. Il ne dispose pas d'une boîte à outils. C'est un organe tripartite qui donne des orientations en matière de politique sociale. Le CESE a dégagé un avis qui va dans le sens du gouverne­ment (agir sur les paramètres : cotisation, pension, âge). Agir sur la cotisation ne fait que retarder l'échéance. A terme, si l'on ne rétablit pas l'équi­libre démographique, s'il n'y a pas une politique d'emploi, et s'il n'y a pas un vrai frein à la retraite passive, le système va dégager inévitablement des déficits. Allons plutôt vers des choix stratégiques qui vont nous permettre de concevoir un modèle natio­nal, objet d'un consensus national. La retraite n'est qu'une composante de la politique sociale.
Nous disposons aujourd'hui d'une référence de taille, c'est l'article 31 de la Constitution. L'Etat a l'obligation de garantir les droits fondamentaux, notamment le droit à la retraite et à la protec­tion sociale. Les instruments dont nous disposons aujourd'hui sont incapables de couvrir l'ensemble de la population, car ils sont rigides. Le socle des prestations sociales prévues par la loi instituant la sécurité sociale a été conçu pour le compte des travailleurs des secteurs organisés. Les tentatives d'extension vers d'autres populations (agriculture, artisanat, etc) sont restées sans résultat tangible.
Cette rigidité laisse sur le carreau une grande popu­lation qui dispose d'une capacité contributive remar­quable (avocats, médecins, notaires, etc.) sans aucune forme de protection. Prenons l'exemple de l'Espagne, personne aujourd'hui n'a le droit de venir remettre en cause les fondamentaux de la politique publique sanitaire espagnole, qu'elle soit de gauche ou de droite. Ce sont des projets qui ont été réfléchis et longuement discutés dans le cadre d'un dialogue sociétal. Le dialogue social permet d'agir sur les conflits. Nous avons besoin de grands débats pour permettre la naissance d'un modèle national à partir de réalités économiques, politiques et sociales.
F.N.H. : Le système actuel des retraites au Maroc se caractérise par une diversité de caisses, chacune s'enfermant dans sa tour d'ivoire, avec son propre horizon de viabilité, l'une en 2060, l'autre en 2022, etc. Serait-ce la configuration optimale ? Et que pen­sez-vous du schéma-cible préconisant une fusion entre les régimes privés et publics ?
W. Kh. : C'est une démarche d'épicier. Une démarche fragmentée qui a été mise à l'index par l'ensemble des études, notamment celle du BIT. La fusion sera une erreur. Oui à l'harmonisation, à l'extension et à la pluralité. Mais il faut un minimum de coordination. Il faut s'assurer qu'il y ait un fil conducteur en filigrane qui ramasse cet émiette­ment. Il est opportun d'avoir un système de retraites conçu pour le secteur privé, de manière à éviter les grandes crises. Quand une crise arrive, il vaut mieux qu'elle touche une partie au lieu de l'ensemble de la population. Il faut certes avoir des systèmes par sec­teur, à condition qu'ils dégagent une certaine égalité en termes de droits et d'obligations, pour en finir avec la rigidité et permettre des passerelles entre les secteurs. Un fonctionnaire de l'Etat qui migre vers le privé n'a pas à se soucier de l'avenir de sa retraite. Il doit être sûr que la complémentarité agit pour qu'il perçoive ses droits au moment opportun.
Une réforme systémique est louable. Elle doit être équitable. Abstraction faite des différences qui existent entre les différents régimes en termes de population-cible ou de paramètres de cotisation et de prestations.
Le principe du pilotage doit être la règle. Aucune réforme prônée par le ministère des Finances n'a donné satisfaction à ce jour. Les grandes réformes sont du ressort soit du chef de gouvernement, soit du ministère des Affaires sociales. Nous avons un ministère de l'Emploi et des Affaires sociales qui assure l'application des lois relatives à l'emploi et détient une forme légère de tutelle politique sur le domaine des prestations sociales. Le vrai contrôle est exercé par le ministère des Finances qui a l'obli­gation de veiller aux équilibres macroéconomiques.
F.N.H. : Parent pauvre de la réforme, le sec­teur privé ne figure pas dans le package des mesures proposées par le gouvernement. Sachant que les niveaux de pension octroyés notamment par la CNSS ne font qu'accentuer les formes de précarité chez les retraités du privé...
W. Kh. : La CNSS, avec tout le respect que j'ai pour cette institution dans laquelle j'ai passé 25 ans, est obligée de jouer le rôle de caisse de pauvres. Il n'y a aucune expérience dans le monde, où une caisse complémentaire joue pleinement le rôle de caisse primaire. C'est la CIMR qui paie la partie la plus importante de la prestation. En matière de pilotage exercé par le Conseil d'administration, on n‘a jamais appliqué la recommandation issue du dialogue social qui prône la présence des représentants syndicaux au niveau des Conseils d'administration de la CIMR. Cela veut dire qu'on ne veut pas associer l'ensemble des cotisants à la définition des politiques de cette caisse. La CIMR dispose aujourd'hui d'une liberté énorme en termes de placement de fonds. Cette faculté n'est pas donnée à la CNSS, de par la législation. Chez la CNSS, les fonds ne peuvent être utilisés que pour les prestations.
F.N.H. : Quid du RCAR ? Sa création était-elle vraiment une nécessité ?
W. Kh. : Le RCAR a été créé pour fragmenter le tissu syndical. On avait peur de renforcer le rôle des syndicats. On a créé le RCAR pour gérer les retraites à l'instar de la CIMR. Une gestion par administrateur unique. C'est un régime plafonné qui fournit des prestations minimes. A quoi bon sert alors de dire que l'équilibre financier est garanti jusqu'à 2064 si l'on ne fournit pas de vraies prestations. La CIMR a, quant à elle, taillé également dans les prestations, depuis qu'elle a récupéré la part patronale autrefois placée auprès des compagnies d'assurances. Son équilibre n'est pas remis en cause immédiatement grâce notamment aux réformes des paramètres techniques du régime.
F.N.H. : Les responsables de la CIMR militent depuis longtemps pour rendre cette caisse obligatoire à partir du premier dirham. Qu'en pensez-vous ?
W. Kh. : Je suis pour un système complémentaire, non pas à partir du premier dirham, mais à partir d'un certain niveau de salaire, en pourcentage, pour permettre à l'ensemble des salariés, quel que soit le niveau de leur revenu, d'accéder à une retraite com­plémentaire. Par exemple, jusqu'à 60% à la CNSS et 40 à 60% à la CIMR. La caisse complémentaire doit exister aujourd'hui pour l'ensemble des secteurs, public ou privé, pour que l'ensemble des salariés aient accès à un niveau décent de prestation sociale et de retraite.
F.N.H. : Lequel des modèles appliqués sous d'autres cieux serait, à votre avis, le plus adapté à la réalité sociale et économique marocaines ?
W. Kh. : Il n'y a pas d'idéal. Chaque société dégage son projet. L'expérience scandinave, dont on parle beaucoup, est intéressante, mais elle coûte très cher, car elle est supportée par les recettes fiscales. Maintenant que nos système de retraites sont arrivés à maturité, à nous d'inventer un système national de protection sociale qui, à mon avis, devra être fondé sur trois piliers. Un pilier qui repose sur une assurance sociale basée sur le principe de la cotisation, qui sera destiné aux travailleurs salariés des secteurs marchands, avec deux composantes, une primaire et une autre complémentaire. Un deuxième pilier qui sera une sorte de mixage de la protection sociale et de l'assurance sociale, destiné aux personnes démunies, requérant la participation de l'Etat et des personnes bénéficiaires. Le troisième pilier est à la charge de l'Etat. Ces expériences existent et ont montré leur intérêt en Argentine (système de prestations directes) et au Brésil (aide scolaire). Cette manière serait de nature à garantir une vie décente à l'ensemble de la population. Il est plus que nécessaire aujourd'hui que l'Etat joue son rôle de garant du bien-être et, partant, de transformer tout cela en politique générale sociale. Celle-ci n'est pas du ressort d'un département ministériel, mais elle relève du Chef de gouver­nement, appuyé par un ministère chargé de la protection et de l'assistance sociale (au Canada, on l'appelle ministère du bien-être). Il faut casser cette logique qui veut lier le monde de la protection sociale au monde du travail. Le monde du travail est un monde contractuel. Contrairement à la pro­tection sociale qui, elle, reste associée à une série d'obligations publiques qui sont instituées par la Constitution et qui devraient être implémentées par le gouvernement, qu'il soit de gauche ou de droite.


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