Depuis l'adoption en 1948 par les Nations Unies de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), la journée internationale des droits humains sert de jauge pour les avancées (ou régressions) et offre l'occasion aux différentes partes concernées par la question, et investies (ou auto-investies) de la mission de défense de ces droits de faire le bilan. Depuis 71 ans, beaucoup de choses ont changé, et pas obligatoirement en mieux. Constat partagé par le président de l'une des associations les plus « turbulentes » du Royaume, l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH). Au micro de Hespress Fr, Aziz Ghali a livré son ressenti par rapport à ce qui a changé, ou pas, en 2019 en ce qui concerne les droits de l'Homme au Maroc. « Malheureusement, on s'attendait à ce que cette année soit synonyme d'ouverture sur le travail associatif au Maroc. Mais comme chaque année, l'Etat a échoué dans sa tâche, à savoir honorer plusieurs de ses promesses, surtout en ce qui concerne les conclusions de l'instance équité et réconciliation », déplore Ghali. Pour lui, cette année a été marquée par deux axes importants, le premier axe s'articulant autour des droits politiques et civiques et le second autour des droits économiques, sociaux et culturels. Concernant le premier axe, le patron de l'AMDH avance qu'il y a « une +répression+ du métier des journalistes et le travail d'enquêtes qu'ils réalisent et qui rentre dans le cadre de la liberté d'expression » ajoutant que 2019 a été marqué pareillement par « l'arrestation de plusieurs journalistes, mais aussi des militants actifs sur les réseaux sociaux notamment « Moul Lkaskita », « Moul Lhanout ». Côté traitement dans les prisons, notre interlocuteur a également abordé la question de la « torture » qui, selon lui, est « toujours d'actualité dans nos prisons ». « Cette année nous avons enregistré près de 500 cas de torture, notamment dans le rang des détenus du Hirak du Rif » a-t-il souligné. Droits bafoués Il a aussi abordé la question de l'exil des militants qui est, selon lui, toujours à l'ordre du jour, tel qu'il a été le cas pour « Wafaa Benaissa du Hirak du Rif, qui a demandé l'asile aux Pays-Bas, ou encore le journaliste qui a demandé l'asile politique en Suède ». Pour le deuxième axe, et qui s'articule autour des droits économiques, sociaux et culturels, Aziz Ghali relève que l'année 2019 « a été marquée par le licenciement de plusieurs employés, faisant qu'une énorme régression a été enregistrée en termes de droits des travailleurs ». « Il y a aussi le droit à la santé auquel plusieurs citoyens n'ont pas accès, faute de moyens », poursuit notre interlocuteur, qui a de même fait allusion aux nombreuses vidéos qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux et qui montrent plusieurs femmes et hommes atteints de cancer, mais qui n'ont pas accès au traitement, ce qui selon lui, a « permis de lever le voile sur les problèmes que connait le secteur ». Stagnation du dossier du Hirak Devant cette situation « déplorable » des droits humains dans le Royaume, le patron de l'AMDH tient à souligner qu' »à l'occasion de la journée internationale des droits de l'Homme, il s'est avéré qu'il y a une apostasie en la matière au Maroc à tous les niveaux, malgré les petites lueurs d'espoir que nous a données Mostapha Ramid sur la mise en place du plan d'action national en matière de démocratie et des droits de l'Homme, sauf que rien n'a bougé. Il n'y a que des rencontres et des discussions. Ils ont parlé de plus de 400 mesures qu'ils comptent entreprendre et réaliser, mais rien n'a été fait. Il parle d'une constitution démocratique qui répond aux attentes et besoins du peuple, on n'a encore rien vu dans ce sens ». Dernier point avancé par notre interlocuteur, relatif aux attentes des activistes des droits humains par rapport à une révision par l'Etat du dossier des détenus du Hirak du Rif « ce qui n'a pas été fait ». « On s'attendait à ce que les responsables travaillent sérieusement pour trouver une issue favorable à ce dossier, pour donner de l'espoir aux familles des détenus, et de manière plus générale, de l'espoir en matière des droits dans le pays. Mais malheureusement, même le CNDH sur qui on comptait pour faire son travail surtout pour les détenus politiques, il réfute toujours l'existence de la torture. Son rôle est devenu limité. On s'attendait au moins à la libération des détenus du Rif, qui pouvait constituer une entrée vers une transition démocratique dans le pays. Mais non. Rien n'a bougé sur ce dossier », déplore Aziz Ghali.