La présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach, a rendu public fin semaine dernière, les grandes lignes du rapport sur les manifestations d'Al Hoceima, qui ont éclaté en octobre 2016 suite au décès du poissonnier, Mohcine Fikri. Il s'agit d'un rapport de 400 pages, élaboré entre novembre 2019 et mars 2020, et qui se penche, selon Bouayach, sur les pratiques et faits considérés comme étant aux antipodes des principes de démocratie et des droits de l'Homme. Le rapport, qui comprend 63 conclusions et 32 recommandations, n'a pas manqué de souligner « le caractère pacifique » des manifestations à Al Hoceima, avant de virer à la violence causant plusieurs dégâts humains notamment une invalidité pour un élément des forces de l'ordre touché par une pierre au niveau de la tête. Autre point évoqué dans le rapport, concerne l'appellation « Hirak du Rif ». Pour l'institution d'Amina Bouayach, il s'agit de « manifestations » ni plus ni moins, puisque le mot « Hirak » comporte des connotations idéologiques, tout en soulignant que les faits ont eu lieu uniquement à la ville d'Al Hoceima, qui n'est qu'une partie du Rif, selon ledit rapport. En gros, le rapport du CNDH tant attendu par le public et surtout par les militants des droits de l'homme, n'a pas convaincu. Alors que l'Association marocaine des droits humains (ADMH) se prépare pour donner ses conclusions sur le rapport lors d'un point de presse prévu courant semaine prochaine, son président Aziz Ghali a accepté de nous livrer une petite lecture anticipée. Dans un premier temps, Aziz Ghali nous a indiqué qu' »à un moment donné, on parlait du fait que l'Etat a suivi un peu les conclusions de l'instance d'équité et de réconciliation, mais, tranche-t-il, ce rapport signifie la fin du CNDH ». « La dernière parenthèse qu'était le CNDH qui, à un moment donné, incarnait l'espoir de l'ouverture sur les droits humains au Maroc, malgré nos critiques, a signé, avec ce rapport la fin du rôle qu'il jouait », fait-il noter, ajoutant que « ce rapport n'est pas en cohésion avec les droits de l'homme« . Aziz Ghali met en avant, notamment quatre points. Le premier, dit-il, est « l'échec de la maîtrise des événements et des faits », alors que le deuxième est relatif au fait que « le rapport n'a pas été élaboré sur les principes des droits humains ». « Il n'y a eu que des spéculations et des exemples par si et par là. De plus, le CNDH n'a pas eu l'audace de partager l'intégralité du rapport de 400 pages, alors que là, nous sommes en train de discuter un document d'une soixantaine de pages« , poursuit-il. Le militant s'est également interrogé « comment se fait-il qu'un dossier aussi compliqué que celui des événements d'Al Hoceima, avec ses 1.027 détenus politiques, soit limité à des conclusions d'une soixantaine de pages ? ». Pour le militant, c'est un rapport qui doit être composé d'un minimum 1.000 pages pour pouvoir couvrir tous les faits. D'autre part, Ghali s'est également penché sur les chiffres avancés dans le rapport et qui concernent les victimes du côté des forces de l'ordre. « Comment se fait-il aussi, en ce qui concerne les forces de l'ordre et les agents de police, que le CNDH ait donné des chiffres exacts de 800 et 500 agents blessés alors que le délégué du ministère de la santé à Al Hoceima, quand on l'a rencontré, nous a bien dit qu'il a reçu à l'hôpital Mohamed V d'Al Hoceima, 59 policiers. Et parmi ces 59 policiers, 70% sont venus juste pour récupérer des certificats médicaux et partir, alors qu'ils ne souffraient d' aucune blessure« , a-t-il relevé. Et d'ajouter : « Si on revient à ces 59 policiers qui se sont rendus à l'hôpital d'Al Hoceima, et les chiffres dévoilés par Amina Bouayach, l'écart est énorme. Sachant qu'Al Hoceima il y a un seul hôpital public, Mohammed V, auquel se rendent tous les habitants de la ville. Où sont donc partis les autres agents avec les troubles psychologiques ?« . Selon lui, « les chiffres sont gonflés ». Aziz Ghali poursuit dans ce sens que « le CNDH, dans son rapport, indique que la maison des policiers a été incendiée suite à l'explosion d'une bonbonne de gaz. Alors que nous possédons des images des lieux qui montrent que les vitres n'ont même pas été cassées. Comment se fait-il alors qu'une bonbonne de gaz explose dans une maison sans que les vitres ne cassent? ». Plusieurs points n'ont pas été évoqués concernant les événements qui se sont déroulés à Al Hoceima, conclut le président de l »AMDH, qui cite notamment « la torture qu'a subie Nasser Zefzafi lors de son arrestation et son transfert d'Al Hoceima à Casablanca aux côtés des autres détenus » ou encore « la visite qu'avait effectuée Driss El Yazami aux détenus du Hirak du Rif et les conclusions des médecins citées dans le rapport du CNDH, mais timidement et brièvement ».