La présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) Amina Bouayach a, récemment, évoqué la question des détenus du Hirak du Rif pour nier tout processus de médiation. « La médiation signifie deux parties et nous ne sommes pas une partie », avait-elle déclaré. Sauf que depuis mai dernier, ses réunions à fréquence quasi régulière avec les familles des détenus du Hirak étaient considérées par l'opinion publique comme un nouveau tournant dans ce dossier, puisque la présidente indiquait que son Conseil engageait une médiation entre les détenus et leurs familles d'un coté, et l'Etat de l'autre. Sur ce nouveau rebondissement, Hespress FR interroge le coordinateur de la Coalition démocratique pour la libération des détenus politique et la levée du blocus du Rif, et président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Aziz Ghali. Hespress FR: Quelle a été votre réaction suite aux déclarations de la présidente du CNDH sur le plateau de télévision. Etait-ce prévisible selon vous ? Aziz Ghali: Le message transmis par la présidente du CNDH n'a absolument rien de nouveau en soi. Mais nous pouvons parler de la fin de la mission du Conseil. Le CNDH avait un rôle à jouer. C'en est terminé maintenant . Ce rôle, c'était de temporiser, en faisant un peu de médiation. Aujourd'hui il s'avère que le CNDH est incapable d'entreprendre des actions sur ce dossier. Dans quel registre faudrait-il alors inscrire les réunions tenues avec les familles des détenues du Hirak, sachant que c'est le Conseil qui a pris cette initiative en invitant les familles au dialogue ? Début mai, le Conseil s'est activé afin de calmer les familles des détenus, de justifier la situation, et par conséquent de faire en sorte que la situation retrouve son calme. De tous les moments où la lutte s'acharnait au sujet du Hirak, le CNDH a joué un rôle négatif. C'était le cas lorsque la tension était montée d'un cran sur le rapport médical qui n'a en fin de compte pas été publié. Et quand le débat s'était porté sur sur les conditions de détention des prisonniers politiques, le CNDH n'a pas souhaité s'exprimer après plusieurs réunions avec les familles et les détenus. Je donnerai aussi l'exemple des promesses formulées par le Conseil, mais jamais réalisées, pour ce qui est de rassembler les prisonniers politiques en un seul établissement pénitencier. Vous pensez que des obstacles se dressent face au CNDH dans l'objectif de concrétiser les mesures qu'il aurait promises aux familles des détenus du Hirak du Rif ? Le problème est que le Conseil pensait être capable de surmonter l'Etat policier alors que la réalité est différente. Je pense que s'il se rend compte de son incapacité à assurer une médiation, le CNDH devra en premier lieu rendre public son rapport sur le Rif et ensuite être libre de décider quelle position prendre. Il faut rappeler que parmi les dispositions du Conseil, il y a celle de tenir le rôle de médiateur. Nous parlons de la protection et de la promotion des droits humains. Et celles-ci nécessitent une intervention entre l'auteur de la violation et la victime de la violation. Dans le cas contraire, je retourne à mon tour cette question: Pourquoi avoir rencontré les familles des détenues du Hirak du Rif ? Comment jugez-vous l'action du Conseil depuis le début des événements ayant conduit à la parution du Hirak du Rif sur la scène nationale ? Je pense le rôle du CNDH a été d'absorber la colère et de faire passer un ensemble d'idées. En définitif, ce qui démontrera ce qu'a fait le conseil et ce dont il est capable de faire dans le futur, ce sera son rapport sur le Hirak Rif. Sur ce rapport également, nous n'avons entendu que des promesse. C'est ce rapport qui jugera. Dedans, le volet médical doit être étudié avec minutie, ce qui n'est d'ailleurs qu'une partie du rapport sur les droits de l'Homme dans le Rif. Ce rapport doit inclure les raisons du Hirak, comment est-il né et comment il a été réprimé, pour ensuite parler des arrestations, des jugements, et des détentions. Le CNDH est apte à répondre à ces question. Il était présent à Al Hoceima et faisait transmettre des rapports quotidiens à Rabat. Ces rapports doivent contenir toutes les informations. Nous le savons car nous nous sommes entretenus avec les représentants du Conseil régional des droits de l'Homme à Al Hoceima, lorsque nous y étions dans le cadre de la Commission de vérité de la société civile.