L'industrie du tabac au Maroc se porte plutôt bien, avec quelques coups qui l'ont néanmoins impactée. Mais la filière, elle, souffre: Contrebande, fiscalité, distribution, les problèmes ne manquent pas! Rencontré à l'occasion de la première édition de Habanos Golf Cup au Parcours Prestigia de Bouskoura à Casablanca, le directeur général de la Société marocaine de Tabac (SNT), Antoine Dutheil de la Rochère, s'est ouvert à Hespress FR. « Au Maroc l'industrie du tabac connaît plusieurs réalités aujourd'hui. La première est qu'on est sur un marché global relativement stable, en légère baisse au total. Maintenant cette légère baisse du total est d'un point de vue de marché légal, parce que comme toujours, il y a des produits contrebande et des produits légaux. Depuis quelques années, les autorités se sont fermement engagées à la réduction de la contrebande, qui se traduit par le transfert de cette consommation illégale vers une consommation légale. Ce qui est significatif, puisqu'on est passé en 5 ans de plus de 20% de consommation illégale à moins de 10%, – 8% aujourd'hui, ce qui est bien surtout pour les recettes de l'Etat, et c'est pour ça qu'il a pris les choses en main« , nous explique Antoine Dutheil de la Rochère. La deuxième, poursuit-t-il, est liée à la fiscalité. Le tabac est grevé d'une fiscalité élevée qu'il ne faut jamais perdre de vue, souligne-t-il, puisqu'entre la TVA et la TIC la SMT paye 78% de taxe sur un produit. « C'est énorme, puisqu'en France on est à 80%, mais sur l'échelle du Maroc c'est très élevé, ce qui se traduit au bout du compte par des prix de vente public au consommateur élevé. Si on ramène le prix d'un paquet de Marquise par exemple par rapport au Smig, le nombre d'heures de travail nécessaire pour acheter un paquet de cigarettes est très élevé », explique-t-il. Le corollaire de tout ça, est qu'il y a beaucoup d'actes d'achat au détail puisqu'il y a beaucoup de petits revendeurs dans la rue qui achètent un paquet chez un débitant de tabac officiel, et qui eux le revendent à la tige parce que les consommateurs n'ont pas les moyens d'acheter un paquet de cigarettes dans son intégralité, nous indique le DG de la SMT. Au Maroc, la fiscalité liée au tabac est énorme Autre point important abordé par le DG de la SMT porte sur les recettes fiscales liées au tabac au Maroc et qui sont relativement élevées. « On est à près de 10 milliards de dirhams par an avec une progression en 2019 par rapport à 2018, qui montre aussi que l'intérêt pour l'état de conserver une filière tabac puisque c'est une façon de collecter de l'impôt indolore. Indolore pour le consommateur, indolore pour l'état puisque c'est les fabricants qui collectent la taxe pour la reverser ensuite à l'état » indique-t-il. En termes de filière industrielle au Maroc, cette dernière a beaucoup souffert, souligne Antoine Dutheil de la Rochère, puisqu'aujourd'hui à peu près la moitié du marché est produite localement et l'autre moitié est importée de Suisse et de Turquie. « D'un point de vue production et si on revient 10 ans en arrière, 100% pratiquement de la production était faite localement, mais avec la libéralisation du marché, certains fabricants on décidé de sortir de la SMT qui produisait localement pour d'autres fabricants qui sont partis à leurs usines en suisse et en Turquie » , soutient le DG de la SMT. Peut-on ainsi conclure que l'industrie du tabac au Maroc est en berne vu la concurrence Suisse et Turque ? Selon Antoine Dutheil de la Rochère « elle a beaucoup baissé bien sûr« . « Le choix de nos concurrents d'aller produire dans d'autres usines forcément a fait baisser la production locale. Elle se maintient maintenant depuis 3-4 ans loin de ce qu'elle était auparavant, on a essayé de passer la barre et de stabiliser la situation. Mais évidemment, c'est toujours fragile » explique-t-il. Cela dit, notre interlocuteur se félicite d'être le seul fabricant, le seul manufacturier et la seule compagnie de tabac au Maroc à être pleinement intégrée. « C'est-à-dire qu'on importe le tabac d'un certain nombre de pays, on produit, on fabrique des cigarettes, on les distribue et on les vend, alors qu'aucun de nos concurrents n'atteint toute la chaîne de valeur autant que nous, avec évidemment les contraintes derrière. Ça veut dire qu'il faut avoir des structures assez étoffées pour réussir à couvrir tout le territoire en matière de distribution, pour faire tourner notre usine en répondant à des exigences industrielles et économiques relativement fortes », se félicite-t-il, soulignant que « globalement, depuis qu'on a eu quelques coups, depuis 4 – 5 ans la situation s'est bien stabilisée ». Pour conclure, Antoine Dutheil de la Rochère nous fait savoir que la SMT n'a pas qu'une seule ambition mais plusieurs. La première c'est de maintenir à tout prix une forte présence au Maroc sur l'ensemble de la chaîne de valeur. « On veut maintenir notre production, la maintenir compétitive pour pouvoir garder notre usine et toute notre chaîne de valeur au Maroc. Donc on doit se battre pour garder notre part de marché. On doit garder comme toujours une certaine visibilité sur l'évolution de la fiscalité, puisque 78% de notre vente aujourd'hui est de la fiscalité, donc il y a des chocs de fiscalité, ce qui impacte et déstabilise le marché, comme le cas du PLF 2019, qui a provoqué une hausse de la fiscalité relativement importante et qu'aujourd'hui le marché ne s'est pas encore stabilisé à la suite de cette hausse de la fiscalité« , conclut le DG de la SMT.