Les six heures de discussion au Kremlin entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyib Erdogan qui ont abouti à un cessez-le-feu à Idleb en Syrie, semblent porter leurs fruits, du moins pour le moment. Certes à Idleb les armes se sont tues entre rebelles sous protection turque et le régime de Damas soutenu par la Russie, mais qu'on se le dise, la trêve reste fragile. Les déplacés et ceux qui encore osent habiter la région ne se font guère d'illusions. Une reprise des combats d'un instant à l'autre est du domaine du fortement plausible. Mais si le cessez-le-feu russo-turc entré en vigueur voilà deux jours semble tenir à Idleb, cela ne signifie pas pour autant qu'avec l'accord, la Turquie va refermer ses frontières aux migrants qui s'y trouvent où qui tentent de les franchir. Bien au contraire. Pour Erdogan c'est une arme pour souffler le chaud et le froid qu'il brandit à volonté aux yeux des Européens et à la communauté internationale hantés par le spectre de la migration de 2015. D'un côté j'empêche l'entrée en Turquie des déplacés et de l'autre j'ouvre l'Europe aux millions de réfugiés via la Grèce. Dans les deux cas, qui se soucie du sort de ces centaines de milliers de réfugiés ? Turquie, Russie, Syrie ou Europe engagent toutes leur responsabilité dans ce conflit qui n'a plus de nom. La Turquie a la part du lion. Elle bloque ceux qui sont piégés par les combats dans le nord-est de la Syrie et qui voudraient fuir vers son territoire, et ceux qui se trouvent chez-elle et que le régime d'Ankara encourage à migrer vers l'Europe. Ces millions de personnes s'en retrouvent piégés entre le marteau et l'enclume aux frontières. Tensions militaires d'un côté (Syrie), policières voire diplomatiques de l'autre. La Turquie, légitime son action en pointant du doigt l'UE qui selon Ankara doit « prendre sa part du fardeau de réfugiés ». La discorde migratoire entre Erdogan et les Européens n'a de réalité que les millions d'euros alloués à Ankara et à Athènes qui en veulent plus. Bruxelles qui reste ferme et droite dans ses bottes, a adressé un message en affirmant sa détermination à ne pas céder aux chantage turc. En attendant, ce sont 145.000 personnes lâchés dans la nature par la Turquie. Vogue le migrant sur la mer Egée et vas-y que je te balance sur la frontière turco-grecque, lacrymogène et autres misères policières d'un côté contre jet de cailloux ou pierres et slogans de l'autre. Tout cela sous les yeux bienveillants de Bruxelles, Ankara, Damas, Athènes, Moscou et en poussant un peu plus Téhéran.