Dans une lettre adressée au nouveau gouvernement, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) appelle celui-ci à mettre les questions de la promotion des droits de l'Homme, en général, et ceux des femmes, en particulier, parmi les priorités, avec une vision claire pour effacer les discriminations. « Le nouveau gouvernement garantira-t-il l'accès des femmes à tous leurs droits en accordant la priorité à la lutte contre les inégalités, les discriminations et les violences, notamment celles fondées sur le genre ? La participation des citoyens et citoyennes et le renforcement des capacités des organisations de la société civile, seront-ils pris en considération en vue de promouvoir l'effectivité des libertés individuelles et publiques, donner un nouveau souffle à la démocratie et rétablir ainsi la confiance des citoyens et citoyennes ? », a écrit l'ADFM dans une lettre ouverte au gouvernement Akhannouch. Contactée par Hespress FR, Amina Lotfi, présidente de l'ADFM a fait part des attentes de l'association concernant l'accès des femmes à leurs droits, appelant à l'harmonisation de la législation et des politiques nationales avec le référentiel universel en matière des droits des femmes conformément aux dispositions constitutionnelles. -Hespress FR : Les législatives ainsi que les communales et les régionales ont donné lieu à la victoire de nombreuses listes en tête desquelles se trouvaient des femmes, pensez-vous que c'est un premier pas vers une réforme qui garantit l'accès des femmes à leurs droits ? -Amina Lotfi : L'accès des femmes à leurs droits est garanti par la constitution. Mais pour que les femmes accèdent à tous leurs droits, il faut que les dispositions constitutionnelles soient appliquées dans le cadre d'une vision stratégique, globale et intersectorielle. Cette vision doit se traduire par des lois, des politiques publiques et des mécanismes institutionnels de promotion et de protection des droits des femmes, un cadre juridique qui intègre des mesures concrètes. Les résultats des élections législatives, régionales et communales du 8 septembre ont permis une légère augmentation du nombre de femmes, mais ces résultats ne répondent pas à nos attentes. Comme vous le savez, la parité entre hommes et femmes en matière de représentation politique et publique est un indicateur qui renseigne sur les avancées démocratiques d'une société. Or cette parité ne pourra être effective en matière d'accès des femmes aux postes de gouvernance et instances de prise de décision, sans entre autres, une réforme de la loi organique relative aux partis politiques et la réforme de la loi relative à la nomination aux fonctions supérieures. -L'ADFM lance un appel au nouveau gouvernement de s'engager en matière de droits des femmes, dans quel sens ? -Nous attendons du nouveau gouvernement, une rupture avec les approches et politiques ayant prévalu dans le passé en affichant concrètement la volonté politique pour faire de l'égalité une des priorités de son mandat. En d'autres termes, notre appel au nouveau gouvernement va dans le sens de l'harmonisation de notre législation et des politiques nationales avec le référentiel universel en matière des droits des femmes conformément aux dispositions constitutionnelles. Nous attendons du nouveau gouvernement une stratégie nationale pour promouvoir l'effectivité des droits des femmes. Cette dernière doit être élaborée sur la base d'une vision globale et concertée entre les différents intervenants au niveau national et territorial. Les orientations stratégiques doivent servir de base pour l'élaboration de politiques qui découlent pour chaque secteur d'une analyse différenciée selon le genre en vue de répondre de manière égalitaire aux besoins de tous les citoyens et citoyennes ; Nous attendons du nouveau gouvernement, un département ministériel réservé exclusivement à l'égalité de genre . Ce mécanisme national doit disposer des capacités requises en termes de ressources humaines et financières, pour assurer la veille, la coordination, le suivi et l'évaluation du plan de mise en œuvre de la stratégie nationale ainsi que l'intersectorialité et la redevabilité en matière d'égalité de genre ; Nous attendons du nouveau gouvernement un système d'information incluant des indicateurs qui permettent de mesurer et d'évaluer l'impact des politiques publiques sur la réduction des disparités et des inégalités et qui mettent en évidence la responsabilité et l'imputabilité des différentes parties ; Nous attendons du nouveau gouvernement la promotion de culture de l'égalité à la lutte contre les stéréotypes de genre à travers tous les canaux éducatifs et médiatiques et toutes les institutions de socialisation en vue de promouvoir et protéger les libertés, la dignité, l'égalité et la non-violence. -Pensez-vous que ce nouveau gouvernement puisse avoir une vision claire, une volonté politique forte, et des ressources institutionnelles et financières qui peuvent être mobilisées en conséquence ? -Nous l'espérons, car sans une volonté politique affichée, sans une vision globale et stratégique, sans la mise en place de mesures juridiques et institutionnelles, sans l'affectation de ressources humaines et financières conséquentes, l'égalité de genre ne sera pas effective et il ne peut y avoir de développement durable sans égalité entre tous les citoyens et citoyennes. -L'ADFM va-t-elle travailler en étroite collaboration avec les parties concernées pour veiller à la mise en place de mécanismes de démocratie participative aux niveaux national et territorial ? -L'ADFM collabore depuis de nombreuses années avec les différentes parties prenantes pour la mise en place de mécanismes de démocratie participative aussi bien au niveau national que territorial. Le travail de l'ADFM dans ce domaine consiste à produire des analyses et des données pour alimenter la réflexion et l'action ; renforcer les capacités des différents intervenants et assurer la veille et le plaidoyer pour la mise en place de mécanismes de démocratie participative qui répondent aux normes et exigences requises. -En période de crise, les femmes sont plus exposées aux régressions. Comment ce nouveau gouvernement peut-il empêcher cette crise que nous traversons qui déclenche le retour à un ordre patriarcal ? -La crise sanitaire a aggravé les inégalités existantes et mis en évidence les différentes failles de notre système politique, économique et social, mais je ne pense qu'elle nous ramène à un ordre patriarcal au sens strict du terme, car notre société a connu des transformations majeures des rôles masculins et féminins. À titre d'exemple, de plus en plus de femmes sont cheffes de ménage. Les femmes et les jeunes filles, principalement celles issues de milieux défavorisés souffrent de cette crise et vivent des situations de violences de toutes sortes. Toutefois nous espérons que cette crise sera une occasion pour mieux reconstruire et intégrer l'égalité de genre sur tous les plans de relance et relever ainsi les défis pour l'effectivité des droits des femmes.