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Zemmour, la bêtise humaine et les musulmans de France
Publié dans Hespress le 05 - 10 - 2021

La France réduit de moitié les visas pour les pays du Maghreb en raison d'une prétendue immigration clandestine qui, en fait, est liée au refus de ces pays de reprendre les islamistes français condamnés pour terrorisme.
De plus, les élections présidentielles sont en cours et la lapidation de l'individu arabo-musulman est le jeu favori et le plus payant des partis d'extrême droite et du centre pour attirer des voix et atteindre des objectifs politiques. Cependant, personne ne prend en considération les retombées négatives et dangereuses d'une telle action perfide sur 5,43 millions de musulmans de France originaires des anciennes colonies musulmanes d'Afrique du Nord et d'Afrique sub-saharienne.
La saison de la chasse aux sorcières est ouverte
Quelque 5,43 millions de musulmans vivent aujourd'hui en France. La grande majorité de ces musulmans sont venus chercher du travail dans les années 1950 et ont été employés dans des secteurs habituellement décrits comme « difficiles, sales et dangereux. » Dans les années 1980, ils ont commencé à être perçus non plus comme des immigrés du Maroc, de l'Algérie, du Mali et du Sénégal, mais comme des » musulmans « , constituant une menace dangereuse pour le tissu social français.
La crise économique, sanitaire et sociale que traverse aujourd'hui la France semble avoir favorisé une crise identitaire qui se nourrit des craintes de communautarisme et normalise les débats et polémiques mettant en cause la place des étrangers dans la société française (montée du Rassemblement national, polémique sur la viande halal, le foulard islamique, etc).
Dès lors, la chasse aux sorcières est ouverte et les musulmans d'où qu'ils viennent sont les coupables : « ils mangent le pain des Français, prennent leurs emplois, épousent leurs femmes et polluent leur culture raffinée, et par milliers ils sont à l'affût pour s'emparer de la France et en faire un imamat », selon la littérature raciste et acide de l'extrême-droite. Hier, c'était le langage haineux de la bande politique de la dynastie Le Pen.
Aujourd'hui, ce discours venimeux est monté d'un cran dans le racisme primaire : les noms des musulmans détruisent le digne registre du nom français selon Eric Zemmour, journaliste, écrivain et polémiste du monde médiatique français. Il a écrit un livre best-seller intitulé Le Suicide français pour lequel il a obtenu le prix Combourg-Chateaubriand en 2015.
Dans sa critique du Suicide français, Alexander Stille écrit dès 2014 dans le New Yorker : « En fait, « Le Suicide Français » se lit parfois comme un manifeste pour le Front national, le parti de droite de Marine Le Pen, offrant une série de boucs émissaires pour les troubles de la France. Il fait appel aux soixante-dix pour cent de Français qui estiment qu'il y a trop d'étrangers en France, et aux soixante-deux pour cent qui disent ne plus se sentir aussi « chez eux » en France qu'auparavant. »
Son vocabulaire d'infamie est tellement mauvais qu'il est en train de devancer Le Pen pour devenir le leader de l'extrême droite raciste. C'est un pur néo-maccarthysme qui prend racine dans un pays qui se dit champion des droits de l'homme et de la fraternité des hommes. Mais qui est donc cet Eric Zemmour qui bouleverse la scène politique française et dicte de nouvelles règles pour les élections présidentielles ?
Eric Zemmour, l'homme responsable du bouleversement de la politique française
Eric Zemmour est né le 31 août 1958 à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Fils de commerçants juifs d'Algérie, il débute sa carrière au Quotidien de Paris en 1986. En 1996, il rejoint la rédaction du Figaro, où il devient grand reporter au service politique jusqu'en 2009. Il est également chroniqueur et polémiste dans les émissions télévisées » On n'est pas couché « , sur France 2, » Ça se dispute « , sur iTélé, et » Z comme Zemmour « , sur RTL.
Les idées de l'extrême droite s'affichent comme jamais dans l'histoire récente, portées par l'omniprésence à la télévision, en librairie, dans la presse ou sur le Net d'individus réactionnaires, comme Eric Zemmour. Une véritable offensive idéologique. Avec en ligne de mire la conquête du pouvoir.
A force de ne rien pouvoir dire, Eric Zemmour et ses comparses ont insufflé leur pensée unique, inique et xénophobe. Il est devenu très politiquement correct de manipuler sans précaution le vague concept d' »islamo-gauchisme ». Un député LR (Les Républicains) nommé Guillaume Peltier veut liquider l'Etat de droit pour créer une justice d'exception, sans recours possible. Et Philippe de Villiers appelle tranquillement à « l'insurrection » dans Valeurs actuelles tandis que vingt généraux dénoncent le « laxisme » des autorités vis-à-vis de l'islam français « l'islamisme et des hordes de banlieue » qui mène, selon eux, tout droit à la « guerre civile ».
Rarement un trublion aura aussi bien porté son titre. L'essayiste Eric Zemmour n'a pas encore déclaré sa candidature à l'élection présidentielle, mais ses ambitions électorales saturent déjà les ondes, comme à chaque saison politique. Les équipes de Zemmour rêvent d'aller plus loin, en imposant leur champion dans le processus de désignation du candidat de la « droite et du centre ».
Sur les vitupérations et invectives de Zemmour contre l'islam, Laurent Sagalovitsch argumente fort justement dans Slate : « Prétendre que l'islam ne saurait être compatible avec l'idée qu'on se fait de la France résonne pour celui qui veut bien l'entendre des mêmes accents funèbres naguère répandus par des régimes nationalistes qui voyaient dans l'essence même du judaïsme une incompatibilité à siéger parmi les nations.
Dire du musulman que la pratique de sa religion lui interdit par essence de participer à la vie du pays, c'est commettre le même crime, le même ostracisme, qu'a dû endurer pendant toute son histoire la communauté juive ».
La France est-elle un pays profondément raciste ?
Ainsi, si dans les analyses d'opinion la France se révèle plus tolérante que par le passé, le racisme reste par essence protéiforme, toujours prompt à resurgir au gré des événements et des difficultés économiques. La cristallisation autour de la population arabo-musulmane et la critique effrénée de la culture islamique sont des spécificités à prendre en compte.
Les attitudes envers l'islam et les musulmans ont pris une importance particulière dans les années 2000. Les débats autour du voile ou de la burqa, des prières de rue ou de la viande halal ont régulièrement fait l'actualité. Plusieurs questions se posent lorsqu'il s'agit du rapport à l'islam et aux musulmans. Ces attitudes sont-elles des préjugés comme les autres ? Cette question est particulièrement complexe. Il est clair que si des individus sont traités différemment, par exemple dans l'accès au logement ou à l'emploi, parce qu'ils sont musulmans ou présumés tels, nous sommes bien dans la définition d'un comportement discriminatoire.
Quelle que soit la question, les musulmans et l'islam sont systématiquement moins bien considérés que la religion et la communauté juives. On peut d'ailleurs penser que le » cadrage républicain » qui oppose l'Islam et les valeurs républicaines, a peut-être libéré la parole xénophobe en la légitimant, de la même manière que le » racisme déguisé » basé sur les différences culturelles est beaucoup plus accepté que le » racisme flagrant » postulant l'infériorité morale et même génétique.
L'effet « Kleenex »
L'Occident, depuis la chute de Grenade et la Reconquista en 1492, a utilisé les peuples musulmans pour ses propres besoins et objectifs économiques et politiques. Pendant la colonisation, les pays islamiques d'Afrique et d'Asie ont été émasculés : leurs richesses ont été pillées, leurs cultures détruites et leur religion traînée dans la boue.
La France a colonisé l'Algérie de 1830 à 1962, sous un prétexte quelconque, et n'a quitté le pays qu'après l'avoir détruit et avoir tué un million d'Algériens. En Afrique de l'Ouest et de l'Est, les pays européens, incapables de convertir la population au christianisme, ont détruit les écoles coraniques et tout ce qui se rapporte à l'islam (langue arabe, écriture Ajami, associations d'oulémas, etc.) et ont créé de fausses frontières pour saper l'unité des nations après leur départ.
Au Moyen-Orient, les Britanniques, avec l'aide de leur espion Lawrence d'Arabie, avaient « monté » les populations arabes contre leurs coreligionnaires turcs après la Première Guerre mondiale pour liquider l'Empire ottoman et mettre fin au califat islamique.
Pendant la première et la deuxième guerre mondiale, ils ont utilisé les troupes musulmanes d'Afrique et d'Asie comme chair à canon pour mener leurs guerres, aux premiers rangs, puis les ont utilisées, plus tard, comme bras armés pour reconstruire leurs nations avec l'argent américain. Aujourd'hui, les enfants de ces immigrants sont stigmatisés et traités de terroristes, de dépravés et de criminels.
Lorsque l'Union soviétique a envahi l'Afghanistan en 1979, l'Amérique a appelé les jeunes musulmans à combattre les Russes et à les chasser du pays. Une fois les Soviétiques vaincus en 1989, ces mujâhidîn ont été bannis et chassés comme des chiens de l'Afghanistan.
Face à toute cette exploitation et cette ingratitude, on a tendance à croire avec véhémence que l'islam et les musulmans sont utilisés comme des mouchoirs en papier Kleenex : on se mouche dedans et on les jette à la poubelle.
Conclusion : faire tomber le masque
En résumé, la France ethnocentrique tend à rejeter l'islam en bloc, tandis que la France ouverte fait le tri entre ces différentes pratiques. Les pratiques en question ont en commun d'être inscrites dans la sphère publique, mais aussi d'entrer en résonance avec le » cadrage républicain » (arguant de la liberté des femmes ou de la liberté d'expression). On voit ici une dynamique spécifique des débats autour de l'islam : dans certains cas, comme celui de la burqa, un consensus répressif se crée, qui fédère. Cela permet aux plus ethnocentristes d'être plus ouverts à l'idée de la burqa, ce qui est le seul moyen de la rendre plus acceptable.
Cela permet aux plus ethnocentristes d'exprimer ouvertement leur rejet de la religion musulmane sans être discrédités par leur ethnocentrisme.
Il est certain que les élections présidentielles se dérouleront, comme d'habitude, dans une ambiance survoltée où le dénigrement de l'islam et des musulmans sera le mot d'ordre de tous ceux qui ont des ambitions politiques et des intérêts culturels à faire valoir, mais, espérons-le, la fièvre de la haine retombera momentanément jusqu'aux prochaines échéances électorales.
Toutefois, on peut se demander, à juste titre, ce qu'il est advenu du Siècle des Lumières du XVIIe et du XVIIIe siècle, avec des penseurs illustres tels que :
– Beaumarchais (1732-1799)
– D'Alembert (1717-1783)
– Marivaux (1688-1763)
– Montesquieu (1689-1755)
– Rousseau (1712-1778), et
– Voltaire (1694-1778).
Dans le climat religieux et politique très controversé d'aujourd'hui, le « respect pour le prophète Muhammed » pragmatique de Napoléon Bonaparte n'est peut-être pas une bonne chose pour les prophètes de l'islamophobie, mais les valeurs des Lumières restent importantes et doivent être défendues, surtout en période de violence, d'intolérance et de despotisme.
*Professeur universitaire et analyste politique international


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